Fukushima, la mort invisible

« La terre abandonnée » : Fukushima, la mort invisible

Hubert Heyrendt Publié le – Mis à jour le

Cinéma Immersion au plus près des irradiés volontaires de Fukushima.

De nombreux reportages ont filmé les babouchkas de Tchernobyl, ces grands-mères qui ont fait le choix de rester dans la zone contaminée après l’explosion de la centrale nucléaire ukrainienne. Avant de mourir dans l’attentat de la station Maelbeek en mars dernier, le Belge Gilles Laurent s’était, lui, intéressé à cette poignée d’habitants de Tomioka, petite ville située à moins de trente kilomètres de la centrale de Fukushima, qui ont eux aussi fait le choix de rester ou de revenir vivre dans leur maison…

C’est la rencontre avec Naoto Matsumura, paysan souvent présenté abusivement dans les médias occidentaux comme « le dernier homme de Fukushima », qui a décidé Gilles Laurent à se lancer dans son premier film en tant que réalisateur, après une carrière d’ingénieur du son et de monteur-son pour Carlos Reygadas, Diego Martinez Vignatti, Wang Bing ou encore Marjane Satrapi (cf. note).

Le décès de Gilles Laurent le 22 mars dernier, cinq ans presque jour pour jour après la catastrophe de Fukushima, emplit évidemment « La terre abandonnée » (dont le réalisateur ardennais était en train de finir le montage) d’une aura particulière. Il renforce la présence de la mort, qui rôde, invisible, partout autour de Fukushima. Dans les rues vides de Tomioka, les maisons tombent en ruines, la nature semble reprendre ses droits… Mais cette apparence paisible ne trompe personne sur le danger de vivre ici. A commencer par Matsumura-San lui-même, bien conscient du risque qu’il prend à rester dans sa maison pour s’occuper de son bétail mais aussi des dizaines de chats oubliés par les habitants de Tomioka dans leur fuite. L’homme préfère « vivre cinq ans de moins mais en étant libre de sa vie »

C’est la même raison qui pousse deux autres familles suivies par le réalisateur à revenir dans leur maison, avec le soutien de nombreux bénévoles qui les aident à assainir les lieux. Ce retour est en effet fortement encouragé par le gouvernement nippon, dont la gestion de l’après-accident nucléaire est jugée sujette à caution par beaucoup d’observateurs internationaux.

A commencer par cette politique de décontamination qui rythme « La terre abandonnée » et qui semble tellement dérisoire… Autour des maisons, des pelleteuses enlèvent 30 cm de terre, récupérée dans de gros sacs noirs qui s’entassent un peu partout dans la zone irradiée. Mais l’air, les montagnes, les forêts, eux, restent souillés, pour les trente années à venir au moins, de césium 137, poison insaisissable qui fait régner la mort sur le paysage…

Scénario & réalisation : Gilles Laurent. 1h17.

Le film sort à Flagey du 12 octobre au 24 novembre, dans le cadre d’un hommage rendu à Gilles Laurent par la Cinematek. Jusqu’au 30 novembre, celle-ci remontrera à Flagey sept films auxquels il a participé, de « Rumba » d’Abel et Gordon à « Poulet aux prunes » de Marjane Satrapi, en passant par « Little Black Spiders » de Patrice Toye ou « La bataille dans le ciel » de Carlos Reygadas. Rens. : www.cinematek.be ou www.flagey.be

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