De Tokyo à Hambourg,…

De Tokyo à Hambourg, les villes mènent l’innovation face aux changements climatiques

Symbole du renouveau de Séoul, le canal de Cheonggyecheonla a été rendu aux habitants de la ville après des décennies passées sous l’asphalte. Kim Hong-Ji/Reuters

Un an après la COP21 et l’adoption de l’Accord de Paris, les décideurs internationaux peinent à transformer leurs objectifs en actes concrets. Pour preuve, ce titre évocateur d’une rencontre organisée dans le cadre de la récente COP22 de Marrakech : « Les villes en tête de l’action pour le climat ».

Aujourd’hui, en effet, si la communauté internationale cherche son second souffle dans la lutte contre les changements climatiques, les villes et les communautés locales se positionnent, elles, en première ligne.

Des villes à l’assaut de la pollution

Depuis plusieurs années, des acteurs locaux – villes et régions – bénéficient d’un poids de plus en plus important dans les négociations internationales. Décideurs politiques et chercheurs reconnaissent la vulnérabilité et, dans une certaine mesure, la part de responsabilité des villes dans la dégradation de l’environnement.

Comme l’a montré le récent sommet des Maires du C40 qui s’est tenu à Mexico, les édiles des grandes métropoles mondiales sont intéressés par la mise en place de modes de vie urbains résilients, qui se caractérisent par des usages « bas carbone ».

Les gouvernements locaux contrôlent des secteurs clefs des politiques environnementales : ils ont la mainmise sur de fortes concentrations de personnes, des activités économiques et des hubs politiques. Les villes tiennent ainsi une position cruciale dans la réflexion et l’élaboration de solutions innovantes face au changement climatique.

À Tokyo, par exemple, le gouvernement municipal a mis en place le premier marché asiatique de permis d’émissions de CO₂, qui concerne principalement les bâtiments de l’agglomération, gros consommateurs d’énergie. Lorsque les établissements les plus énergivores ne parviennent pas à respecter les limites d’émissions de CO2 établies en amont, ces derniers doivent alors acheter du crédit aux immeubles conformes.

Les habitants de Bogota en Colombie profitent de l’hebdomadaire « Ciclovia », le dimanche sans voiture. Lombana/Wikimedia, CC BY-SA

En Corée du sud, le projet Station 7017 de Séoul devrait prochainement reconvertir une vielle route surélevée en passage piétonnier, reliant le centre-ville aux autres quartiers de la ville ainsi qu’aux gares. Cette initiative devrait non seulement valoriser certains quartiers isolés mais aussi végétaliser des zones métropolitaines particulièrement denses.

Plus proches de nous, citons l’exemple de Hambourg. La cité allemande met actuellement en place un ambitieux projet de ville sans voiture : sur les vingt prochaines années, un réseau routier « vert » pour les cyclistes et les piétons va être développé ; il reliera la ville à ses banlieues, mais aussi aux parcs, aires de jeux, cimetières et autres espaces publics. Ces routes vertes rendront obsolète l’usage de la voiture, feront barrage à certains désastres naturels comme les inondations et pourront favoriser l’absorption du dioxyde de carbone.

De nombreux projets du côté de l’énergie

Chacun dispose d’un incroyable potentiel pour lutter contre le changement climatique. C’est particulièrement vrai dans le secteur énergétique, comme l’indiquent nombre d’études à ce sujet : « le pouvoir de la communauté » facilite la mise en place de projets d’énergie renouvelable et régule la demande énergétique, permettant ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Cette idée a inspiré la très récente conférence World Community Power Conference qui s’est tenue à Fukushima (Japon) les 3 et 4 novembre 2016, au moment même où l’Accord de Paris était ratifié. L’événement, une première mondiale, organisé par la Japan Community Power Association, l’Institute for Sustainable Energy Policies et le World Wind Energy Association, réunissait universitaires, représentants politiques locaux et membres de la société civile (dont des écoles) et du monde de l’entreprise pour imaginer comment les communautés pouvaient devenir acteurs du développement durable à l’échelle locale.

Les participants ont abordé différentes questions, de la démocratie énergétique à la coopération régionale en passant par le pouvoir concret des communautés locales dans le développement national. Les freins à la coopération entre les gouvernements locaux, leurs citoyens et le monde des affaires ont également été débattus.

Le choix de Fukushima pour cette conférence est hautement symbolique : dévastée en 2011 par un tremblement de terre suivi d’un tsunami, cette agglomération nipponne et toute sa région ont subi un désastre nucléaire dont les conséquences sont toujours en cours d’évaluation. Peu après cette catastrophe, les autorités locales ont décidé d’adopter la proposition de passer au 100 % énergies renouvelables d’ici à 2040.

Pour atteindre cet objectif, les habitants, les entreprises et le gouvernement local travaillent de concert pour développer les énergies solaire et éolienne.

Cette collaboration se concrétise par divers projets citoyens. Au sein du Fukushima Airport Solar Power Project, par exemple, les citoyens ont été partiellement mis à contribution en vue d’investir dans l’achat et l’installation de panneaux solaires pour fournir 1,2 MW d’électricité à l’aéroport. Une autre initiative émanant de la préfecture, la Fukushima Ryozen Citizens’ Joint Power Plant, a de même été financée par le contribuable local pour aider les paysans de la région à mettre en place des fermes solaires. Cette centrale fournit actuellement environ 50 KWs.

Le désastre nucléaire post-tsunami de Fukushima a poussé la préfecture à se tourner vers les énergies renouvelables. Yomiuri Yomiuri/Wikipedia

La mobilisation des communautés locales permet ainsi la promotion des énergies renouvelables et l’élimination progressive du recours aux énergies fossiles. Et cette implication réelle pour une meilleure sécurité énergétique renforce l’engagement démocratique et l’autonomie locale. De ce pouvoir citoyen découle d’autres avantages, comme la création d’emplois et de nouvelles sources de revenus, le bien-être de la communauté, des solutions concrètes pour palier à la pénurie de carburant ou encore une baisse des tarifs de l’énergie.

Un « pouvoir citoyen » en devenir

S’il n’existe aujourd’hui pas de définition générale du « pouvoir citoyen », on peut cependant dire ici qu’il implique une participation du citoyen dans la production et l’usage de systèmes énergétiques renouvelables, de même qu’un certain contrôle sur ces activités.

C’est ainsi le cas lorsque des citoyens bénéficient de la propriété – même partielle – d’une usine productrice d’énergie renouvelable via une participation à une coopérative. De même, si le citoyen participe à la gestion et l’organisation de la coopérative, possède un droit de regard sur les décisions opérationnelles de l’entreprise ou encore siège en tant que membre de son conseil d’administration.

Et les communautés qui profitent de cette énergie renouvelable et des profits réalisés dans le cadre de cette production détiennent à leur tour une part de ce pouvoir. On le voit, les citoyens cessent ici d’être uniquement des consommateurs pour devenir acteurs et producteurs de leur consommation. Ceci est particulièrement important compte tenu des particularismes locaux et des nombreux obstacles administratifs et bureaucratiques à dépasser.

Le partage d’expériences locales peut aider à promouvoir ce modèle. Au Danemark, une loi oblige ainsi les consommateurs des coopératives municipales à posséder et gérer les systèmes de chauffage leurs quartiers. Une règle qui s’appliquait par le passé dans ce pays à la production d’électricité avant que le marché énergétique européen ne s’ouvre.

L’exemple danois illustre l’importance dans le futur de la structuration du marché des énergies renouvelables. Le récent projet Clean Energy for all Europeans, qui défend l’idée que les « consommateurs sont des acteurs actifs et centraux dans les marchés énergétiques du futur », montre l’impact que les pouvoirs citoyens peuvent avoir sur les marchés.

La déclaration de Fukushima

Pour la déclaration finale de la Conférence de Fukushima – « For the future of the earth » – le pouvoir citoyen doit devenir le modèle incontournable « de la production mondiale de l’énergie renouvelable du futur ».

Pour atteindre cet objectif, les participants de la Conférence se sont engagés à promouvoir et échanger leurs bonnes pratiques et à travailler avec les gouvernements locaux sur des projets autour des énergies renouvelables qui impliquent une gouvernance politique à l’échelle nationale et internationale pour en permettre le développement dans de bonnes conditions. Ils se sont également engagés à promouvoir le pouvoir citoyen dans les pays en développement grâce au transfert de connaissance.

Les communautés peuvent s’épauler et s’associer autour de projets d’énergie renouvelable. Anthony Phelps/Reuters

Cette déclaration constitue avant tout un instrument de « soft power » (méthode douce) puisqu’elle ne comporte aucune dimension légale. Elle montre cependant une manière intéressante d’associer citoyens et politiques dans la lutte contre le changement climatique. Et les efforts entrepris par ces initiatives citoyennes ne sont pas seulement cruciaux pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (qui vise à maintenir la hausse globale des températures sous la barre des 2 °C, ils rendent les structures de gouvernance plus démocratiques.

La tendance à la décentralisation de l’énergie dans de nombreux pays en constitue un bon exemple. Dès 2010, des agences internationales du développement ont montré que l’apport de cette décentralisation allait dans le sens des objectifs du Millenaire pour le développement.

En déléguant la gouvernance énergétique au niveau local, la décentralisation renforce le contrôle des ressources et le rend plus accessible aux citoyens. Ce changement donne aux villes une possibilité d’innover en évitant de laisser aux plus riches l’opportunité de lancer d’ambitieux programmes énergétiques.

La Conférence de Fukushima a jeté les bases d’une organisation du pouvoir citoyen dans le domaine énergétique ; les années à venir seront déterminantes pour démontrer ses effets d’échelle et son universalisme. La prochaine conférence aura lieu au Mali, en Afrique, un continent où le développement socio-économique et la sécurité énergétique sont tout aussi importants que les défis de la lutte globale contre le changement climatique.

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