Les champignons de la région Rhône-Alpes toujours radioactifs !
Trente ans après Tchernobyl, une étude révèle que la teneur en césium 137 des champignons récoltés dans la région dépasse les normes européennes.
De notre correspondante à Lyon, Catherine Lagrange
Modifié le – Publié le | Le Point.fr
Chanterelles jaunissantes cueillies dans la région Rhône-Alpes et étudiées par la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité). © CRIIRAD
Trente ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, les retombées n’en finissent pas. Les champignons des bois de la région Rhône-Alpes sont toujours porteurs d’une concentration notable de radioactivité. C’est ce que viennent de mettre au jour les chercheurs de la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) basée à Valence dans la Drôme.
Chanterelles en tube fraîches, séchées et réduites en poudre. Selon la Criirad, les champignons des bois de la région Rhône-Alpes sont toujours porteurs d’une concentration notable de radioactivité. © CRIIRAD
Leur étude porte sur des champignons cueillis cet automne dans les différents départements de Rhône-Alpes. « Sur 38 échantillons prélevés, 36 se sont révélés être porteurs de césium 137 », explique l’ingénieur qui a dirigé l’étude, Julien Syren. « La concentration de césium 137 est certes moins importante qu’il y a trente ans, mais quand même supérieure aux normes d’importation des produits en provenance du Japon », relève le chercheur. Pour trois d’entre eux, en l’occurrence un bolet bai récolté dans le parc naturel du Pilat, une chanterelle à tube ramassée dans l’ouest de la Loire et un petit gris trouvé dans le Vercors dans la Drôme, la concentration radioactive n’aurait pas permis l’importation de ces champignons, puisque supérieure aux normes autorisées par l’Europe depuis la catastrophe de Fukushima.
Rassurer les amateurs de cueillette
La Criirad n’a pourtant pas l’intention d’affoler les amateurs de cueillette et assure que la concentration en radioactivité est trop faible pour se révéler dangereuse pour la santé de ceux qui consomment ces champignons, mais quand même. « S’il s’agit d’une consommation occasionnelle, il n’y a pas de danger, mais une consommation de plusieurs centaines de grammes par an de ces champignons secs peut comporter un risque non négligeable », assure Julien Syren, « surtout si elle est accompagnée de consommation de gibier, comme le sanglier, qui se nourrit aussi de ces champignons ».
La Criirad s’inquiète aussi du manque d’homogénéité des normes en matière de radioactivité. L’Europe avait fixé une norme à 600 becquerels par kilo frais après Tchernobyl, mais, après Fukushima, les Japonais se sont montrés plus draconiens et ont abaissé la norme à 100 becquerels par kilo frais. L’Europe s’était alors alignée. « Pour des raisons économiques, l’Europe se prépare pourtant à rehausser ces normes à 1 250 becquerels par kilos frais », dénonce le scientifique. « Elle anticipe un nouvel accident nucléaire et prépare des normes moins drastiques qui permettraient la consommation d’aliments contaminés jusqu’à 1 250 becquerels. »
Les observations réalisées dans la région Rhône-Alpes ont par ailleurs toutes les chances de se révéler identiques sur toute la frange est de la France, la plus touchée par le nuage russe. Et sans doute, dans une moindre mesure, sur l’ensemble de l’Hexagone puisque cette présence radioactive est imputable, au-delà de Tchernobyl, à d’autres sources, « comme les essais nucléaires réalisés dans le monde entier dans les années 1950 et 1960, et dans une moindre mesure à Fukushima ».
Quand le nuage de Tchernobyl réussira-t-il à se faire oublier ? « La concentration de césium 137 est divisée par deux tous les trente ans », précise encore Julien Syren, « il faudra donc attendre 300 ans pour que la concentration soit divisée par mille »