Des nouvelles du Japon

Localisation de l'atoll de Bikini 
Texte de de HORI Yasuo du 31 mai 2016 traduit de l’espéranto par Paul SIGNORET avec l’aide de Ginette MARTIN
Sommaire
  • Le Japon maintient son opposition à l’abolition des armes nucléaires
  • D’anciens marins japonais assignent l’État devant les tribunaux
  • 400 soldats américains mettent en accusation TEPCO
    Localisation de l’atoll de Bikini

Texte original en espéranto

Le Japon maintient son opposition à l’abolition des armes nucléaires

Lors de la visite d’Obama à Hiroshima, notre premier ministre Abe a dit :  “Sa visite à Hiroshima donne une forte impulsion à la réalisation d’un monde sans armes nucléaires”, et pourtant le Japon, qui a souffert et souffre encore des suites de deux bombardements atomiques, n’a pas pris clairement position contre l’abolition des armes nucléaires.

L’assemblée générale des Nations Unies, une première fois en 1996 et ensuite pendant les vingt années suivantes jusqu’en 2015, a adopté à une grande majorité une résolution pour que commence une négociation internationale visant à l’abolition des armes nucléaires, or le gouvernement japonais, aux mains de partis conservateurs, s’est cantonné durant vingt ans dans l’abstention à l’imitation des États-Unis. Il est très honteux que le Japon se soit comporté ainsi, comme un vassal des Américains.

D’anciens marins assignent l’État devant les tribunaux

De mars à mai 1945, les États-Unis ont expérimenté des bombes à hydrogène aux environs des îles Marsahll et sur l’atoll de Bikini. Au cours de l’essai de la bombe à hydrogène « Bravo », le premier mars, une cendre blanche fortement radioactive est tombée sur les vingt-trois matelots du bateau de pêche, Le Cinquième Dragon Heureux. Jusqu’à leur retour au port de Jaizu, dans le département de Shizuoka, ils ont vécu sur le bateau recouvert de cette cendre, buvant et mangeant de l’eau et des poissons pollués. Tous ont été immédiatement transportés dans des hôpitaux et soignés, mais six mois plus tard le radiotélégraphiste  Kuboyama Aikichi est mort.

L'essai nucléaire de Bikini
L’essai nucléaire de Bikini

Les Japonais étaient terrorisés par les matières radioactives s’envolant de Bikini ; ils ne voulaient pas manger de poissons, ils portaient des masques et se couvraient le corps lorsqu’il pleuvait. De grandes protestations s’élevèrent dans tout le pays.

 Dans un premier temps, les États-Unis ont accusé les marins d’espionnage, mais ils n’ont pu longtemps imposer ce mensonge aux Japonais. En 1955 ils ont réussi à “résoudre” la question en donnant deux millions de dollars à titre de dédommagement au propriétaire du bateau de pêche, à ces marins-pêcheurs et à d’autres. Les États-Unis ont ainsi pu échapper à leur responsabilité dans l’accident et les souffrances des victimes. Le gouvernement japonais a très vite cessé toute recherche à ce sujet, peut-être sous la contrainte des États-Unis, et cet accident gravissime a bientôt été à demi oublié; seuls quelques activistes ont continué à organiser la manifestation “Le Jour de Bikini”, chaque premier mars, à Jaizu.

Le Cinquième Dragon Heureux
Le Cinquième Dragon Heureux

Ce bateau de pêche a été ensuite utilisé par l’Université de la Pêche de Tokyo comme bateau d’entraînement, puis il avait été finalement mis au rebut à Tokyo en 1967 (photo ci-contre), mais la même année on s’est aperçu qu’il était un témoin important de l’accident de Bikini, et il est à présent conservé dans le musée du Cinquième Dragon Heureux, dans l’île de Jume (« le Songe »), dans la baie de Tokyo (photo ci-dessous). Quoique le musée reçoive de nombreux visiteurs, peu d’entre eux savent que ce bateau n’est pas le seul à avoir été victime de la cendre blanche, mais que presque un millier d’autres l’ont été également et que beaucoup de leurs matelots sont morts jeunes. Jusqu’en 2014, le gouvernement a prétendu faussement qu’il ne disposait d’aucun rapport de recherche sur cette affaire, or ces rapports ont été trouvés aux États-Unis, si bien qu’il n’a pu continuer à mentir plus longtemps à ce sujet. Et en fin de compte les matelots victimes ont eu l’occasion de faire valoir leurs droits.

Le Cinquième Dragon Heureux dans son musée à Tokyo
Le Cinquième Dragon Heureux dans son musée à Tokyo

Le 9 mai 2016, quarante-cinq anciens matelots ont porté l’affaire devant un tribunal, dans le département de Kōchi. Le porte-parole des plaignants, M. Kuwano Hiroshi, âgé de quatre-vingt-trois ans, qui appartenait à l’équipage du thonier « Le deuxième Kōsei-maru » de Kōchi, a rappelé les événements : “Quand nous sommes revenus au port de Uraga, dans le département de Kanagawa, des employés ont commencé à mesurer  la radioactivité dans le bateau, et j’ai compris pour la première fois que les nuages gris entourant l’atoll de Bikini étaient de la « cendre de mort » provenant de l’essai de bombe à hydrogène. Le bateau et les poissons ont été examinés mais pas nos corps. Les vingt-six marins de notre équipage sont tous morts vers quarante ou cinquante ans, sauf trois. Je me battrai pour les collègues disparus et je poursuivrai le gouvernement, responsable d’avoir dissimulé les rapports et de ne s’être pas soucié de nous.”

Or à présent, les marins ne sont pas les seuls à souffrir du cancer : beaucoup de Japonais en sont atteints. Selon une statistique, chaque année 30% des décès sont dûs au cancer. Pourquoi donc tant de Japonais en meurent-ils ? Je soupçonne les substances radioactives, qui ont afflué au-dessus du Japon en provenance des sites d’essais de bombes à hydrogène, d’en être une des causes majeures. La radioactivité présente à cette époque dans les eaux de pluie était beaucoup plus forte que celle qu’a provoquée l’accident nucléaire de Fukushima.  J’ai la chance de ne pas avoir de cancer, mais autour de moi beaucoup de mes connaissances en sont – ou en ont été – atteints. Je suppose qu’en raison de la radioactivité venue des Marshall, de Bikini et de Fukushima, davantage encore de personnes en seront les victimes.

Les Japonais détiennent le record du monde des souffrances dues à la radioactivité, d’abord à Hiroshima, puis à Nagasaki, ensuite à Marshall/Bikini et enfin à Fukushima. Et en dépit de cela, le gouvernement va continuer à les exposer à ces  souffrances en remettant en marche les centrales nucléaires dans tout le Japon. Quelle stupidité chez les dirigeants politiques de notre pays !

400 soldats américains mettent en accusation TEPCO

Au cours du grand tsunami de 2011, de nombreux soldats américains ont pris part à l’opération de sauvetage nommée “Opération de l’amitié”. Quatre cents d’entre eux, qui ont travaillé sur mer au voisinage de Fukushima, ont porté plainte contre TEPCO.

Carte de la DWD au moment de la catastrophe nucléaire
Carte de la DWD au moment de la catastrophe nucléaire

Theodore Holkomb, machiniste sur le sous-marin nucléaire « Donald Reagan », a travaillé au nettoyage d’hélicoptères ayant subi une pollution radioactive, et a été par la suite atteint d’un cancer dont il est mort en 2014 à l’âge de trente-cinq ans.

D’après le journal de bord et les témoignages de ses amis, il est possible qu’il ait été exposé à une forte irradiation provenant d’un nuage de fumée, ou bien d’eau dessalée, en se douchant ou en mangeant. Mais le Pentagone, dans un rapport publié en 2014, a nié l’impact de la  radioactivité sur lui, car son intensité avait été négligeable.

 

Beaucoup de plaignants malades ne reçoivent aucun secours pour se soigner. L’avocat Paul Barner dit : “Sachez qu’il y a,  aux  États-Unis, de nombreux « amis » abandonnés.” TEPCO répond : “Nous agirons convenablement selon la procédure ”. (Publié dans le journal Asahi, le 19 mai 2016)

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