Fukushima, cinq ans après la tragédie

Fukushima, cinq ans après la tragédie

Mise à jour le mardi 8 mars 2016 à 14 h 35 HNE Yvan Côté Twitter Radio-Canada
Une vue aérienne de la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, le 20 mars 2011, deux semaines après le tsunami. Une vue aérienne de la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, le 20 mars 2011, deux semaines après le tsunami.  Photo :  Ho New / Reuters

Il y a cinq ans cette semaine, le Japon vivait l’une des pires tragédies de son histoire. Un tsunami faisait près de 20 000 morts et détruisait la centrale nucléaire de Fukushima. Encore aujourd’hui, le taux de radiation est élevé dans plusieurs régions du pays. Cela n’empêche pas le gouvernement d’inviter les résidents à revenir à la maison et de remettre en fonction des centrales nucléaires malgré l’opposition de la population.

Yavn Côté

  Un texte d’Yvan Côté
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Le matin du 11 mars 2011, tout le Japon est soudainement secoué par un immense tremblement de terre. À l’intérieur du parlement, le premier ministre Naoto Kan doit interrompre en catastrophe la période de questions. L’immeuble risque de s’effondrer.

« Tout s’est soudainement mis à bouger. Les chandeliers dans la pièce allaient dans tous les sens. Je me disais que c’était dangereux puisqu’ils pouvaient nous tomber sur la tête. On se sentait démunis à l’intérieur de l’immeuble. Personne n’a osé bouger. » — Naoto Kan, ex-premier ministre du Japon

À 200 kilomètres de là, Yusuke Igari, fonctionnaire, se trouve dans les bureaux de la préfecture de Fukushima. « Je n’avais jamais vécu quelque chose d’aussi intense, explique Yusuke Igari. Tout se déplaçait, je pensais que l’édifice dans lequel je travaillais allait s’écrouler. Cela a duré pendant deux interminables minutes. »

Une vague déferle sur Miyako, dans l'estuaire de Heigawa au Japon, après le séisme le 11 mars 2011. Une vague déferle sur Miyako, dans l’estuaire de Heigawa au Japon, après le séisme le 11 mars 2011.  Photo :  Ho New / Reuters

Des millions de Japonais fuient les immeubles et se regroupent dans les rues. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le pire est à venir. Le séisme de magnitude 9 provoque aussi un tsunami. Une immense vague de 30 mètres emporte tout sur son passage : les immeubles, les voitures et la vie de 19 000 personnes.

On apprend rapidement qu’un autre drame frappe le pays, quelques minutes après le séisme. De l’eau s’est infiltrée dans la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima.

« Une heure plus tard, on m’a avisé que [la centrale nucléaire] Daiichi avait perdu le courant. Ça m’a glacé le sang. Je ne suis pas un expert, mais j’ai étudié la physique et je comprenais que le temps était compté. » — Naoto Kan, ex-premier ministre du Japon
Il y a 5 ans, la tragédie de Fukushima

Jan Vande Putt de Greenpeace explique qu’il faut en continuité refroidir les réacteurs. Autrement, ils peuvent fondre après un très court délai, et entraîner par la suite une énorme relâche de radioactivité. C’est ce qui s’est produit à Fukushima avec les trois réacteurs.

La vie de millions de personnes est menacée

Le taux de radioactivité à l’intérieur de la salle de contrôle grimpe en flèche et est 1000 fois supérieur à la normale. La vie de milliers d’autres Japonais est dorénavant en danger. Le premier ministre évacue en catastrophe la population dans un rayon de 20 kilomètres, puis de 50 kilomètres autour de la centrale nucléaire.

Une école primaire dans la zone d'exclusion à Okuma, près de la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, qui a été détruite par le tsunami, le 13 février dernier. Une école primaire dans la zone d’exclusion à Okuma, près de la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, qui a été détruite par le tsunami, le 13 février dernier.  Photo :  Toru Hanai / Reuters

« Je m’imaginais le pire des scénarios avec ces explosions. Je craignais de devoir évacuer Tokyo, ce qui aurait été catastrophique », ajoute Naoto Kan.

Ce n’est pas la première fois qu’une tragédie nucléaire du genre survient sur la planète. Tchernobyl détient ce triste honneur. Cependant, à Fukushima, les éléments radioactifs ne s’échappent pas seulement dans l’air, mais aussi dans l’eau. D’ailleurs, cinq ans après la catastrophe, des éléments toxiques sont toujours rejetés dans l’océan Pacifique.

Balançoires d'une cour de garderie couvertes d'herbes dans la zone d'exclusion à Okuma, près de Fukushima, le 13 février 2016. Balançoires d’une cour de garderie couvertes d’herbes dans la zone d’exclusion à Okuma, près de Fukushima, le 13 février 2016.  Photo :  Toru Hanai / Reuters

Naoto Kan explique que, encore aujourd’hui, les réacteurs doivent être refroidis avec de l’eau quotidiennement. Il y a plusieurs fuites de ces liquides de refroidissement radioactifs dans l’océan, donc l’accident n’est toujours pas terminé.

Coûts astronomiques

Pour éviter une autre catastrophe du genre, le gouvernement a fermé ses 54 réacteurs nucléaires le temps d’étudier les dangers et parce que des tremblements de terre au Japon peuvent survenir à tout moment.

Après Hiroshima, Nagasaki et maintenant Fukushima, le pays ne peut plus se permettre une autre tragédie nucléaire. Les coûts humains et financiers sont trop grands. Jusqu’à maintenant, l’opération de décontamination a coûté plus de 100 milliards de dollars au gouvernement et a forcé 150 000 personnes à quitter leur domicile.

D’ailleurs, de nombreuses municipalités autour de la centrale nucléaire Daiichi sont toujours désertes cinq ans après la tragédie. Tout ce que l’on y trouve ce sont de gigantesques dépotoirs où l’on entasse des sacs contenant les matières radioactives récupérées dans les sols.

Sacs contenant de la terre et des débris radioactifs jetés dans un dépotoir « temporaire » à Fukushima, le 22 février 2015. Sacs contenant de la terre et des débris radioactifs jetés dans un dépotoir « temporaire » à Fukushima, le 22 février 2015.  Photo :  Toru Hanai / Reuters

Selon certaines évaluations, ces déchets toxiques sont tellement nombreux que si on les accumule, on sera en mesure de recréer un deuxième mont Fuji. Un problème de taille, puisque le Japon ne sait toujours pas ce qu’il fera avec ces tonnes de matières nucléaires.

La mafia du nucléaire

Malgré les dangers de la radioactivité, le gouvernement de Shinzo Abe a décidé il y a quelques mois que certains résidents pouvaient réintégrer leur domicile à proximité de la centrale. Les fonctionnaires jugent que les risques pour la santé sont minimes puisque le taux de radiation y est à peine plus que le maximum recommandé.

Mais pour l’ex-premier ministre du Japon, Naoto Kan, qui s’oppose aujourd’hui au nucléaire, le gouvernement de Shinzo Abe va trop vite. Tokyo a même remis en fonction certaines de ses centrales nucléaires au cours des derniers mois. « Le lobby du nucléaire est trop fort, s’insurge Naoto Kan. C’est comme une mafia au Japon. Cette industrie a perdu des sommes énormes au cours des dernières années et elle est prête à tout pour rouvrir les réacteurs. »

Un constat partagé par Greenpeace, qui critique lui aussi les décisions du gouvernement Abe et ses liens avec l’industrie nucléaire.

« Surtout les dernières années, on voit une stratégie de normalisation. On fait une décontamination gigantesque avec des dizaines de milliers de travailleurs, mais le but n’est pas vraiment de décontaminer ou de rendre ces zones saines pour les gens. C’est plutôt pour faire semblant que les choses vont vers la normale. » — Greenpeace

Selon plusieurs analystes, Tokyo veut aussi envoyer un message au reste de la planète en réintégrant à toute vitesse les résidents des zones touchées par l’accident nucléaire. Surtout à l’approche des Jeux olympiques en 2020.

Japon : 5 ans après le tsunami

Dans les faits, la décontamination de la centrale de Daiichi à Fukushima prendra encore 40 ans.

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