…… Longtemps considéré comme un lieu de perdition, rempli d’une population imbibée, enfumée et braillarde, aux yeux d’une population trop puritaine, voilà qu’aujourd’hui, sa disparition inquiète.
Alors que certains maires de campagnes essayent par tous les moyens de maintenir, voire de rouvrir ces estaminets, garants des souvenirs de leurs villages, d’autres, moins scrupuleux sous couvert de l’ordre public, s’acharnent sans répit sur des patrons de bars, jugés trop fort en gueule, qui pourraient faire ressurgir quelques non-dits, certains soirs où le vin coule plus que de raison (*).
(*) à lire prochainement: « Patron de bar, un contre pouvoir »
C’est dans ce climat de contradiction que naît un constat accablant:
« Le bistrot, un patrimoine en péril »
Ce phénomène prend une telle ampleur que désormais, la presse nationale, aussi bien que l’internationale s’est emparée du sujet
« Il faut sauver nos bistrots ! »
Selon une étude parue aujourd’hui dans « Le Parisien », la France n’a jamais compté aussi peu de cafés. Mais où sont passés nos temples de la convivialité ?
Par Le Point.fr
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Dans les années 1960, nous apprend le quotidien, on comptait 600 000 troquets ; aujourd’hui, il en reste moins de 35 000. © Maxppp/ Jean-Baptiste QUENTIN
Il faisait la une du New Yorker en novembre dernier sous la plume du dessinateur français Charles Berberian. Le bistrot, symbole de la résistance de la France aux attaques terroristes, berceau de la convivialité, serait en voie de disparition. « Jamais il n’y a eu aussi peu de cafés en France », annonce ainsi tristement Le Parisien mercredi matin, dévoilant une étude inédite de France Boissons. Dans les années 1960, nous apprend le quotidien, on comptait 600 000 troquets ; aujourd’hui, il en reste moins de 35 000. 34 669 dans 10 619 communes pour être exact.
Résultat : le lien social s’affaiblit considérablement dans les 26 045 villages qui n’ont plus ce lieu de vie qui permet aux habitants de se retrouver. En cause, l’exode rural, l’interdiction de fumer et le prix des consommations en hausse. « Une France sans zinc, c’est pas possible ! C’est dans ses gènes, sa culture ! » témoigne le client d’un café parisien. « On a tellement de petits appartements à Paris que le café, c’est presque notre salon, un chez soi », renchérit un autre. Mais le phénomène concerne aussi – et surtout – les bars de province.
« Comme la poste ou l’église »
« Ici, le café, c’est comme la poste ou l’église », un rendez-vous quotidien où l’on vient pour lire la presse, retrouver des amis ou refaire le monde au comptoir. « Beaucoup d’élus ont compris l’urgence de sauver nos débits de boissons, explique Marcel Benezet, président des cafés, bars, brasseries du syndicat professionnel Synhorcat. Certains achètent les murs ou les licences de cafés historiques pour installer des équipes motivées. À tel point qu’en Ile-de-France le nombre d’établissements remonte légèrement. »
« Subventionner les bars me semble légitime, avance quant à elle la sociologue Josette Halégoi, auteur d’Une vie de zinc (éditions du Cherche-Midi). C’est un lieu public au même titre que le stade ou la salle de spectacle. Il brise les spirales des solitudes extrêmes. » Et d’évoquer aussi pour les repreneurs la possibilité de moderniser l’offre, d’offrir du Wifi, des espaces de travail ou un ameublement plus confortable. Heureusement que le New Yorker est là pour nous rappeler que le bistrot parisien ne doit pas toujours se transformer en Starbucks…
Le bistrot, un patrimoine en péril
LE FAIT DU JOUR. Jamais il n’y a eu aussi peu de cafés en France. Et, pourtant, on y est très attachés. Notamment dans les villages, selon une étude inédite que nous dévoilons.
Émilie Torgemen | | MAJ :
On aurait presque envie de noyer la mauvaise nouvelle dans un verre. Les bars disparaissent, dans les campagnes comme dans les grandes villes. France Boissons, la société qui alimente en vin, café, jus de fruits les zincs de tout l’Hexagone, lance aujourd’hui le prix Un café pour nos régions pour redynamiser le secteur et soutenir ses clients en sursis.
La faute à l’exode rural, à l’interdiction de fumer et au prix des « consos » qui monte en flèche.
Dans les années 1960, on comptait 600 000 troquets. Il en reste moins de… 35 000. 34 669 bars en 2014 dans 10 619 communes. Ce qui signifie aussi que 26 045 villages sont des zones de « no bar » ! Un record, d’autant que, selon l’étude France Boissons* que nous révélons, un habitant des petites communes sur trois déclare que non seulement il n’y a plus de troquet chez lui mais qu’il n’y en a pas non plus dans les alentours. Résultat, « les trois quarts des habitants de ces petites communes considèrent que le lien social s’est plutôt affaibli », précise Damien Philippot, chargé de l’étude pour l’Ifop.
En attendant, de plus en plus de villes ou d’associations de quartier se mobilisent. En Alsace, la mairie d’Ohnenheim s’est même transformée en débit de boissons, la municipalité a racheté la dernière licence IV du village et on tire de la bière dans la salle du conseil ! « Beaucoup d’élus ont compris l’urgence de sauver nos débits de boissons, certains achètent les murs ou les licences de cafés historiques pour installer des équipes motivées. A tel point qu’en Ile-de-France le nombre d’établissements remonte légèrement », explique Marcel Benezet, président des cafés, bars, brasseries du syndicat professionnel Synhorcat.
>> ANALYSE. «Subventionner les cafés me semble légitime.»
>> A PARIS, le bar c’est presque «notre salon».
>> EN MOSELLE, chez Paulette, on y retournera.
« Lieu du débat public, nos comptoirs sont les agoras modernes », revendique Xavier Denamur. Pour le patron de la Belle Hortense, à Paris (IVe), il est temps que la profession des limonadiers, très aidée par l’Etat (baisse de la TVA, etc.), balaie devant sa porte. Les solutions : innover en multipliant les services, mais aussi miser sur la qualité. « C’est pas croyable qu’un bar sur la route d’Agen propose des poulets industriels insipides, alors qu’il a un des meilleurs producteurs à quelques kilomètres ! Il faut mettre de bons produits dans les assiettes. »
* Menée du 16 au 21 octobre 2015 auprès d’un échantillon de 1 209 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus, et de 209 personnes dans des communes de moins de 5 000 habitants.
Ils servent à tout
Lever le coude et taper la belote ne suffisent plus aux clients. Alors, des patrons de bar dynamiques se diversifient, quitte à devenir des « couteaux suisses » du service.
Assurer la cantine scolaire. C’est par exemple le cas à l’Auberge de Concèze (Corrèze). « La cuisine fournit les 25 repas de la classe unique de l’école primaire au bout de la rue », s’amuse la patronne Sylvie.
Livrer les courses des seniors. Lieu de convivialité et d’entraide, les troquets peuvent aussi faire du portage pour les plus âgés comme à l’Auberge de Pinay (Loire).
Devenir un « office de tourisme » bis. Les barmen connaissent tout et tout le monde. « En affichant notre autocollant, les bars montrent qu’ils donnent des informations, cela fait partie de notre charte », explique Bastien Giraud, le directeur de la fédération Bistrots de pays. Certains organisent une rando-bistrot, un parcours avec un guide plus une rencontre avec un paysan autour d’un produit du terroir et le repas dans le bistrot.
Passer en « mode cirque ». Et si Pandy le clown jonglait au milieu des flûtes et des ballons ou faisait ses tours de magie au-dessus du comptoir ? C’est le pari de plusieurs bars de l’Isère, dont la Grange à Torchefelon.
Donner les recommandés et les colis. Le Renaissance, l’unique bar du village de Courdimanche (Val-d’Oise), fait bar, tabac et point Poste, c’est-à-dire qu’on peut y recevoir ou déposer ses colis, mais aussi envoyer une lettre recommandée… De très nombreux bars sont par ailleurs devenus des points relais où l’on peut récupérer ses achats faits sur Internet.