Les réfugiés de Fukushima…

Japon. Les réfugiés de Fukushima traînent des pieds

Lina Sankari Mardi, 8 Septembre, 2015
Photo : AFP

A Naraha, vendredi dernier une veillée aux chandelles s’est tenue pour célébrer la levée de l’ordre d’évacuation de la localité évacuée après l’accident nucléaire du 11 mars 2011. Photo : AFP

La commune de Naraha, située à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire sinistrée, a levé l’ordre d’évacuation. Seuls 10% des habitants seraient candidats au retour.

Il est de coutume de dire, parfois jusqu’à l’abus, que la résilience est un art de vivre au Japon. Le premier ministre Shinzo Abe en use lui-même à outrance afin de servir ses desseins politiques. Ainsi en va-t-il avec les réfugiés de Fukushima qui, à la suite du séisme de magnitude 9 et du tsunami du 11 mars 2011, durent faire face à un accident nucléaire majeur de niveau 7. Une réaction en chaîne qui entraîna la mort de 15 846 personnes et la disparition de 3317 autres.

7368 habitants de Nahara invités au retour

Depuis samedi, les 7368 habitants de la commune de Naraha, située dans la préfecture de Fukushima à une vingtaine de kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi, sont invités à faire le chemin du retour alors que l’ordre d’évacuation a été levé. Entièrement évacuée, la cité avait jusqu’alors tout de la ville-fantôme. Seulement 10% de la population se serait portée candidate au retour. « Même si on revient, on ne pourra pas travailler dans les champs, on ne pourra pas cultiver les rizières, on ne pourra pas non plus cueillir les légumes sauvages. Ce sera la même chose pour les produits de la mer ou des rivières », regrette Satoru Yamauchi, un restaurateur de Naraha.

Toutes les conditions sont loin d’être réunies

Selon les autorités, le niveau d’exposition à la radioactivité de Naraha est revenu à un seuil inférieur à 20 millisieverts par an. « Même si les autorités disent que nous sommes en sécurité, je reste anxieux car, par définition, la radiation ne se voit pas », plaide un habitant de la localité, interrogé par le quotidien japonais Asahi Shimbun. A cet égard, la défiance de la population envers ses responsables politiques reste prégnante. Les associations écologistes notent à leur tour que les conditions sont loin d’être réunies : « le niveau de contamination est très variable dans cette localité et selon les maisons, ce qui risque de créer des tensions entre les personnes », explique Jan Vande Putte de Greenpeace. L’eau serait en outre une source continue d’inquiétude alors que les niveaux de radiation restent élevés.

Pressions du gouvernement

S’adressant à la population, cet été, le maire de Naraha, Yukiei Matsumoto, a reconnu qu’une « montagne de problèmes » restait à « surmonter ». Pour convaincre les réfugiés de regagner la localité, les autorités locales et centrales s’appuient sur les importantes difficultés qu’entraine la vie de réfugiés notamment en terme de stress lié à la gestion du quotidien. De nombreux fermiers ont par ailleurs vu leur budget se restreindre, contraints d’acheter des aliments qu’ils produisaient avant la catastrophe. Pis, le gouvernement central exerce une pression sans nom en assurant que les réfugiés ne pourront bientôt plus bénéficier des logements gratuits mis à leur disposition.

Le très libéral Abe souhaite donner à voir un Japon qui va de l’avant

« Le gouvernement de Shinzo Abe est déterminé à essayer de normaliser les effets de la catastrophe nucléaire, créant le mythe que la vie des gens peut être restaurée quelques années seulement après la contamination radioactive à grande échelle provoquée par l’accident nucléaire du 11 mars 2011 », souligne Greenpeace dans un rapport de juillet dernier. Or, avec la perspective des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, le très libéral Shinzo Abe souhaite donner à voir un Japon qui va de l’avant. Le 11 août, il autorisait ainsi le redémarrage d’un réacteur nucléaire dans le complexe de Sendai malgré les manifestations d’hostilité de la population. Le Japon compterait 118 812 déplacés dont 73 077 à l’intérieur de la préfecture de Fukushima.

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