Les revenants de Fukushima : « S’il y a un accident, eh bien, nous mourrons ici »
Hisae Kamata avec son mari et deux de ses cinq enfants. La famille s’est réinstallée à Naraha, à 15 kilomètres de Fukushima, dès décembre 2015. (Guillaume Bression/Hans Lucas pour L’Obs)
Six ans après la catastrophe nucléaire, les autorités incitent 120.000 Japonais à rentrer dans les villages fantômes qui cernent la centrale. La plupart refusent de rejoindre ces terres sinistrées. Reportage.
Ils sont une centaine à entonner comme un seul homme le « Furosato ». Tous les Japonais ont été biberonnés à ce chant célébrant la terre natale et, toujours, il provoque une émotion particulière. C’est encore plus palpable ce petit matin du 30 mars, dans la salle municipale du village d’Iitate, à 40 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima. Tandis que l’assemblée de cheveux blancs vocalise gravement « je rentrerai chez moi, un de ces jours », un grand rideau au fond de la pièce se lève doucement. Il dévoile un magnifique panorama de champs vierges glacés par la froidure printanière. Solennité.
Mais, soudain, sous les yeux effarés de l’assistance surgit dans le paysage un immense monticule vert bouteille : sous une bâche dorment des dizaines de gros sacs noirs remplis de terre. Brutalement, le sale souvenir du jiko (l’accident). Ils contiennent la terre irradiée des champs d’Iitate, terre que les équipes de décontamination ont raclée à la pelleteuse et entreposée partout dans les champs alentour. Elle est gorgée d’éléments radioactifs rejetés par trois des réacteurs de la centrale de Fukushima