Derniers mouvements en date …

Texte de de HORI Yasuo du 1er novembre 2016 traduit de l’espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET 
Derniers mouvements en date contre la politique nucléaire
[pdf] LA 1AN DE NOVEMBRO 2016

Texte original en espéranto

Les débats au tribunal de ma ville ont pris fin
Le 31 octobre a eu lieu la fermeture des débats au tribunal de Maebashi, dans le département de Gunma. Les magistrats ont annoncé qu’ils rendraient leur verdict le 17 mars 2017. Il s’agissait d’une demande de fonds de compensation de la part des victimes habitant ici en raison de l’accident nucléaire de Fukushima en mars  2011.

 

Le 11 septembre, le groupe de plaignants constitué de 137 personnes de 45 familles de Fukushima, vivant principalement dans le département de Gunma, a exigé devant le tribunal une indemnisation de TEPCO. Le 25 avril 2014, la première des plaidoiries verbales a eu lieu. Le 15 décembre, tous les 137 plaignants ont présenté leur affaire. En tout 25 séances ont eu lieu et finalement, le 31 octobre 2016,  les débats ont été terminés.

 

Dans ce jugement, le groupe des accusateurs a donné les arguments suivants :
1. Les plaignants ont été chassés de leur maison à cause de l’accident de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima. Ils ont perdu leur foyer, base de leur vie et de leur bonheur de vivre. Cinq années plus tard, certains ne peuvent pas encore revenir à Fukushima, certains vivent séparés des membres de leur famille et d’autres vivent seuls ici dans un endroit qui leur est étranger.

 

2. Ils exigent qu’au tribunal on leur explique les causes de l’accident. On pouvait prévoir un tsunami exceptionnel, mais TEPCO n’a rien fait pour prévenir l’accident, et l’État n’a pas donné de consignes à la compagnie. Ils sont tous deux coupables de l’accident.

 

3. Ils demandent que le tribunal fasse rapidement son travail pour sauver au plus tôt les victimes en difficulté.

 

4. Ils exigent 10 millions de yens (86 500 euros) de compensation de TEPCO.

 

J’ai souvent assisté à l’audience du tribunal, et j’ai senti que la présidente Hara éprouvait de la sympathie pour le groupe de plaignants et avait au contraire une position sévère envers les avocats de TEPCO et de l’État. Elle a écouté sincèrement les plaidoiries des plaignants. Elle a consenti à un verdict rapide comme le demandaient ceux-ci, si bien qu’une audience s’est tenue presque tous les mois, de sorte que le verdict sera le premier sur les 20 procès similaires se déroulant au Japon.

 

Au sujet de la sincérité de la présidente quelqu’un a écrit ces lignes:

 

Des 25 audiences, la plus impressionnante a été celle du 25 avril 2014. C’était la première audience et une femme a témoigné. Elle a parlé de la façon dont elle avait fui et atteint le département de Gunma, elle pleurait et tremblait, et pour finir elle s’est écroulée. Tout le monde la regardait avec une grande inquiétude. Elle n’était pas très mal en point, mais elle a dû sortir du palais de justice avec l’aide des responsables du tribunal. Ensuite la présidente a lu le reste de sa plaidoirie jusqu’au bout, et elle a déclaré que cela devait être considéré comme la plaidoirie de cette femme. J’ai été ému par sa sincérité.

 

Après la fermeture des audiences, est arrivée la réunion de synthèse. On y a fait un rapport sur 5 années de procès et ensuite deux accusatrices ont dit un mot en prenant congé. Je vais traduire les paroles de Mme Tanyi Sugie.

Je vous remercie de tout cœur de votre présence et de votre soutien. Je suis sûre que votre appui constant a encouragé le jury et sera un puissant levier pour une possibilité de verdict équitable.
J’ai perdu deux parents après l’accident nucléaire, c’est pourquoi aujourd’hui je suis venue ici en habit de deuil.
En juillet 2011, je me suis réfugiée dans la ville de Maebashi, laissant derrière moi mes chers amis. Je suis une réfugiée volontaire, non contrainte par le gouvernement, parce que mon mari et moi vivions en dehors de la zone interdite, donc j’ai toujours eu un sentiment de culpabilité depuis. Chaque jour, je me demandais si mon choix avait été juste, et si nous n’aurions pas dû rester là pour lutter ensemble. Aujourd’hui sont venues 15 personnes de la ville où j’habitais, donc je suis d’autant plus heureuse de les voir.
Je suis également reconnaissante aux avocats, qui nous ont soutenus au cours des 3 dernières années. Ils nous ont sincèrement tendu leurs mains secourables. Dans le Gunma, chaque plaideur est pris en charge par son avocat particulier. Tout le monde était venu à la barre des témoins avec beaucoup d’inquiétude et de peur. A ce moment-là les avocats et les sympathisants nous ont soutenus chaleureusement. Nous vous remercions du fond du cœur. Nous avons ainsi marché main dans la main avec une forte confiance.
J’ai plaidé deux fois. J’ai commencé les plaidoiries par ces mots « TEPCO doit compenser nos journées perdues dans la terreur et la solitude » et j’ai fini par ces mots « S’il n’y avait pas eu de centrale nucléaire, s’il n’y avait pas eu cet accident nucléaire, … ». Toutes les victimes ont leurs propres difficultés, mais ce qui les a causées, c’est l’accident nucléaire.
Le jour de l’accident, sans aucune information sur les pollutions aériennes, beaucoup de gens sont restés dans cet endroit dangereux et de nombreux parents ont fait la queue avec leurs enfants sous la pluie et la neige en attendant de l’eau. Ils regrettent d’avoir agi ainsi ce jour-là et ils s’en veulent. Ensuite, le gouvernement a déclaré qu’une radioactivité de 20 ou même de 100 millisieverts/an n’était pas dangereuse, mais peut-on le croire?
Qui peut rassurer les mères qui tremblent et qui pensent qu’une bombe nucléaire installée dans le corps de leurs enfants pourra exploser à tout moment ? Qui est coupable, et qui devra leur demander pardon? Qui doit répondre à la question d’un enfant: « Est-ce que je grandirai? Combien de temps pourrai-je vivre? ». Même si nous pourrons rentrer chez nous, nous ne pourrons pas retrouver notre ancienne vie tranquille.

Pendant les audiences, Mme A, qui s’est réfugiée avec ses trois enfants, a raconté d’une voix tremblante qu’à partir de ce jour-là l’enfer avait commencé. Mme B a perdu son mari pendant l’exode, Mme C a renoncé à avoir un bébé, Mme D était dans l’inquiétude, craignant que ses enfants ne soient pas acceptés par leurs camarades de classe à l’école…, tous les 137 plaignants ont raconté leurs difficultés; avec leurs jambes qui tremblaient et avec des larmes, ils expliquaient le danger de l’énergie nucléaire, se présentant comme des personnes sincères et fières, et ils demandaient que TEPCO et le gouvernement leur présentent des excuses.

 

A chaque audience, les dossiers augmentaient et s’entassaient sur la table des avocats. Toutes les paroles qui y figuraient montraient une accumulation de chagrins, de pertes et d’angoisses chez les habitants de Fukushima. Mais TEPCO et le gouvernement n’ont jamais accepté une seule page de nos plaintes. Au contraire les agresseurs se dressent avec arrogance au-dessus des agressés.

 

Ce que nous pouvons faire maintenant, c’est exiger un verdict juste, et serrer plus fort les mains de nos amis. Nous ne demandons pas l’aumône à TEPCO et au gouvernement, mais nous exigeons d’être indemnisés comme notre droit.

 

Il y a 60 ans, le gouvernement a officiellement reconnu que la maladie de Minamata avait été causée par la société Tshiso qui avait déversé du mercure dans la mer, et ce problème a reçu un commencement de solution, mais il y a encore des gens qui souffrent sans compensation et sans aide médicale. Notre bataille contre la radioactivité invisible, inodore et indolore, durera longtemps par delà les générations, avec la crainte d’une maladie qui pourra éclater à tout moment. Tous les malades disent: « Qu’elle n’arrive plus jamais, la souffrance qui est la nôtre actuellement ». Toutes les victimes de Fukushima sont d’accord.

Nous avons expérimenté le pire et le plus grand malheur, c’est pourquoi nous voulons faire ce que nous pouvons faire maintenant pour l’avenir, pour le monde à venir. C’est avec cette conviction que nous avons soumis notre affaire à la justice. »
Le tribunal rendra son verdict en mars 2017, mais ce sera seulement le début de notre lutte. TEPCO et le gouvernement feront appel sans avoir honte quand ils auront ici un verdict défavorable. Jusqu’à ce qu’ils acceptent leur culpabilité et nous demandent pardon et que nous retrouvions une vie tranquille, après avoir reçu une compensation suffisante, nous avons décidé de nous battre, et nous ne renoncerons pas à la bataille.
A vous, les avocats et les sympathisants, nous adressons nos remerciements chaleureux. Jusqu’à la victoire finale, marchons ensemble main dans la main.

 Deux gouverneurs opposés à l’énergie nucléaire ont été élus
En juillet a été élu M. Mitazono Satoshi comme gouverneur du département de Kagoshima, dans lequel se trouve la centrale nucléaire de Sendai. Il a exigé l’arrêt de cette usine, bien qu’il n’ait pas le pouvoir de l’ordonner. La société Kyūshū, qui possède cette centrale, a rejeté sa demande. L’avis du gouverneur, c’est-à-dire l’opinion de ses administrés, est d’une grande importance, donc l’entreprise ne peut pas simplement l’ignorer. Dans le département voisin de Kagoshima ont eu lieu de grands tremblements de terre successifs en avril, de sorte que les habitants de Kagoshima ont une grande peur d’un accident de la centrale nucléaire dans leur département.

 

En octobre a été élu M. Yoneyama Ryūitshi à la tête du département de Nīgata. A Nīgata se trouve la plus grande centrale nucléaire du monde, à savoir celle de Kashiwazaki-Kariwa. Dans cette centrale, qui dispose de sept réacteurs, a eu lieu en 2007 un gros accident causé par un tremblement de terre. A présent, plus aucun réacteur ne fonctionne, mais TEPCO a l’intention de les remettre en route.

 

Le gouvernement va décider de démanteler le surgénérateur de Monju, qu’on a échoué à remettre en route au cours des 20 dernières années, bien qu’on ait dépensé 1000 milliards de yens (8,65 milliards d’euros). Le gouvernement a prévu de produire du plutonium à partir d’uranium usagé à Monju pour que le Japon possède éternellement un combustible nucléaire bon marché. Que ce soit pour garder Monju ou pour le mettre au rebut, nous aurons besoin de beaucoup d’argent et on ne sait pas comment le démanteler en toute sécurité.

 

Selon un sondage réalisé par le journal Asahi, 57% des Japonais sont opposés à la remise en route des réacteurs nucléaires, tandis que 29 % l’approuvent.

 

 

Les pays voisins
A Taïwan, le cabinet a décidé d’arrêter tous les trois réacteurs jusqu’en 2025. Après l’accident nucléaire de Fukushima, le mouvement contre l’énergie nucléaire a évolué, si bien qu’on a  décidé de ne plus construire le réacteur n°4  qui est en cours de construction.
(Selon le journal Akahata du 24 octobre 2016)

 

Au Vietnam, beaucoup de gens sont opposés au fonctionnement de trois réacteurs chinois, qui sont situés à proximité du Vietnam. On avait prévu de construire une centrale nucléaire sous la direction du Japon, mais après l’accident nucléaire de Fukushima, la crainte a augmenté, si bien que le gouvernement a décidé de reporter la construction à 2020.

 

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