Fukushima: les cas de cancer explosent…

Fukushima: les cas de cancer explosent chez les enfants au Japon

Les problèmes de santé se multiplient à Fukushima, cinq ans après la catastrophe nucléaire. Selon les derniers chiffres du gouvernement japonais, 116 jeunes de moins de 18 ans ont contracté un cancer de la thyroïde.

Un texte d’Yvan Côté

Comme des centaines de milliers d’autres parents, Minami Shioda est inquiète. Sa fille Airu est née deux ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Pendant des mois, elle a pu limiter son exposition aux radiations en gardant son enfant à l’intérieur de la maison. Mais dorénavant, cette stratégie ne fonctionne plus. Airu a aujourd’hui trois ans, et elle a besoin de jouer à l’extérieur.

« Je suis effrayée tout simplement parce que ma fille joue dehors. Ce n’est pas normal. Je suis obsédée par tout ce qu’elle touche et par les mares d’eau. Tout peut être radioactif ici. »
— Minami Shioda

C’est pourquoi elle a décidé, il y a quelques jours, de se rendre dans l’une des seules cliniques de dépistage du cancer de la région de Fukushima, où on effectue toujours des tests cinq ans après la catastrophe.

À l’intérieur de l’hôpital d’Isikakwa, elle a rencontré d’autres parents alarmés, des enfants malades, des citoyens à la recherche de réponses. Des familles qui angoissent depuis que le gouvernement a annoncé la découverte de 116 cas de cancer de la thyroïde depuis la catastrophe nucléaire. Un nombre anormalement élevé si on le compare à ceux publiés avant l’accident de la centrale de Daiichi en mars 2011.

20 à 50 fois plus de cancers

En fait, selon Toshihide Tsuda, un chercheur de l’Université Okayama, les cas de cancer de la thyroïde chez les enfants vivant à proximité de la centrale nucléaire de Daiichi sont 20 à 50 fois plus nombreux que chez les autres jeunes dans le reste du pays. Et ce qui impressionne le plus ce chercheur, c’est la rapidité avec laquelle ces cas sont apparus.

Selon ces données, les tumeurs chez les enfants seraient apparues en moins de cinq ans à Fukushima. Beaucoup plus rapidement qu’à la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl, où les premiers cas ont été décelés après sept ou huit ans.

La recherche du professeur est cependant loin de faire l’unanimité au Japon. Elle est remise en cause par le gouvernement du premier ministre Shinzo Abe et par plusieurs professionnels de la santé dans le pays.

« Bien des gens disent que c’est relié aux radiations, mais ce n’est pas du tout la réalité. L’exposition après Tchernobyl au Bélarus était de 1100 millisieverts, alors qu’ici elle n’a été que de 4 millisieverts. On ne peut tout simplement pas relier l’accident nucléaire à ces nouveaux cas », affirme le Dr Tsubokura Masaharu.

Le médecin explique plutôt cette recrudescence des cas de cancer de la glande thyroïde par de meilleures campagnes de dépistage dans le pays. À son avis, il est impossible que ce soit relié à la centrale de Daiichi pour trois raisons :

  • Les enfants touchés à Fukushima sont en moyenne plus âgés qu’à Tchernobyl;
  • L’exposition ici a été moins grande;
  • Une tumeur met de 5 à 10 ans avant de se développer.

Cette évaluation dérange le groupe Greenpeace, qui se penche sur l’impact de l’explosion des trois réacteurs à Fukushima depuis 2011.

« C’est inacceptable de dire des choses pareilles, parce qu’il y a encore de nombreuses incertitudes sur la relation entre le niveau de radiation et les cas de cancer. On ne sait toujours pas dans quelle mesure la population sera véritablement touchée. »
— Jan Vande Putte, de Greenpeace

Un seul travailleur indemnisé

L’autre controverse médicale à Fukushima touche les travailleurs. Des milliers d’hommes et de femmes se sont relayés depuis cinq ans pour nettoyer la centrale nucléaire. Jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a reconnu qu’un seul cas de leucémie relié à l’exposition aux radiations. Des dizaines d’autres dossiers d’ouvriers atteints de cancer ont été écartés par Tokyo.

« Ce qui nous fâche, c’est que les autorités n’apprennent pas et continuent à nier qu’il y a probablement un effet. De dire qu’il n’y a pas d’impact n’est manifestement pas scientifique; c’est politique et ce n’est pas respectueux pour les gens qui sont touchés », affirme Jan Vande Putte.

Après plusieurs heures à la clinique d’Isikawa, Minami a finalement reçu la réponse qu’elle espérait : tous les tests effectués sur sa fille Airu indiquent qu’elle est en pleine santé.

Un soulagement pour la mère, même si ses craintes sont loin d’avoir disparu. Elle limite toujours les sorties de la fillette et s’abstient de lui servir toute nourriture qui a été cultivée dans la région de Fukushima.

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