850 tonnes de l’eau de Fukushima…

850 tonnes de l’eau de Fukushima ont été relâchées en mer. Volontairement

Dominique Leglu
Par Dominique Leglu

TEPCO assure que cette eau a été décontaminée, c’est-à-dire que sa radioactivité a été ramenée aux normes retenues par l’opérateur de la centrale accidentée en 2011.

Le 14 septembre 2015, dans la centrale de Fukushima, les dispositifs de purification de l'eau contaminée. © JAPAN POOL / JIJI PRESS / AFPLe 14 septembre 2015, dans la centrale de Fukushima, les dispositifs de purification de l’eau contaminée. © JAPAN POOL / JIJI PRESS / AFP

TRITIUM. On savait qu’à Fukushima, les problèmes d’eau étaient aujourd’hui le casse-tête n°1 de TEPCO. On en a la preuve depuis ce 14 septembre 2015, où 850 tonnes d’eau ont été relâchées en mer, volontairement. Une première. Cette eau, pompée dans des drains qui ont été creusés tout autour des bâtiments de la centrale, a été décontaminée, assure l’opérateur de la centrale. Ou plus précisément, elle a été ramenée, après traitement, à des niveaux conformes aux normes retenues par TEPCO de « 1 becquerel de césium radioactif par litre et de 1500 becquerels pour le tritium », rapporte le quotidien japonais Asahi Shimbun. Le tritium, version radioactive superlourde de l’hydrogène, est une plaie pour les installations nucléaires, où il est engendré lors des réactions nucléaires. Sous forme d’’eau tritiée’, il est en effet très difficile – et surtout extrêmement cher – de l’extraire de l’eau habituelle à laquelle elle se mélange tout naturellement, car ces deux versions de l’eau, différentes du point de vue de la physique, sont chimiquement identiques. Faute d’extraction, la seule solution pour s’en débarrasser s’appelle alors… dilution. En l’occurrence, en retenant un niveau de 1500 Bq/litre, TEPCO compte manifestement sur une forte dilution par les courants environnants. Rappelons, pour comparaison, que les activités mesurées sous l’influence des rejets des usines de traitement de combustibles usés de La Hague en Manche et de Sellafield en Mer d’Irlande, varient, selon les chiffres de l’ASN (autorité de sûreté nucléaire française) « de 0,3 à 10 Bq/l ».

Manifestement, TEPCO est parvenu à convaincre certains responsables locaux

Rappelons aussi, pour mémoire, que la norme autorisée dans l’Union européenne pour l’eau potable se situe en dessous de 100 Bq/l pour le tritium. Mais on se doute qu’aucun humain n’ira boire l’eau rejetée en mer au large de la centrale accidentée. En revanche, se pose toujours la question de la contamination des organismes marins. Si les spécialistes disent ne pas avoir relevé de phénomène de « bioaccumulation » du tritium par les algues et les mollusques (voir les observations de l’IRSN, institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français), on peut se demander ce qui se passera si ce tritium venait à s’accumuler dans les sédiments du fond de l’eau et la forme chimique qu’il y prendrait. Comment réagiraient alors les organismes vivant à proximité de ces sédiments ? Quelle serait l’effet du tritium à plus long terme. On ne le sait pas encore très bien.

Quand nous nous étions rendus à Fukushima en juin 2015, le directeur de la centrale Akira Ono s’était interrogé devant nous : « Serait-ce possible un jour de rejeter cette eau à la mer. Nous nous attendons à une résistance des résidents locaux ». Manifestement, TEPCO est parvenu à convaincre certains responsables. Comme le rapporte l’Asahi Shimbun, « la Fédération des associations coopératives de pêcheurs de de la préfecture de Fukushima a donné son feu vert à l’opération le 11 août ». Mais il n’est pas certain que tous les pêcheurs soient convaincus que leur réputation n’en soit pas… contaminée. D’autant que de l’eau encore plus radioactive que celle prélevée dans les drains (en particulier celle utilisée pour continuer à refroidir les « coriums » des réacteurs accidentés) et qu’il faut également décontaminer continue à s’accumuler dans des centaines de réservoirs. Une capacité de 800.000 tonnes d’eau est envisagée sur le site. Quelle part pourrait se retrouver un jour dans l’océan ? La question va se poser pendant plusieurs années, voire décennies.

L’eau habituelle, H2O, est composée de deux atomes d’hydrogène liés à un atome d’oxygène. Dans l’eau tritiée dite « super lourde », les noyaux légers (composés d’un seul proton) des atomes d’hydrogène sont remplacés par des noyaux superlourds : un proton et deux neutrons. C’est la désintégration de ces neutrons au fil du temps, avec émission d’électrons, qui explique la radioactivité du tritium. Sa demi-vie, autrement dit le temps au bout duquel il ne reste que la moitié des atomes initiaux est de 12,32 ans. Ce qui explique la progressive disparition dans les océans des contaminations au tritium que les essais nucléaires à l’air libre avaient provoquées et qui avaient fait doubler la concentration des eaux de surface des océans, passant d’environ 0,1 Bq/l à 0,2 Bq/l.

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