David Boilley, Docteur en Physique Nucléaire, nous propose sur le site ACRO dont il est le Président et Directeur de Publication, un bilan sanitaire de la catastrophe de Fukushima, un peu plus de 4 ans après les faits.

Lire l’entièreté de l’article ici.

Faire un bilan sanitaire de Fukushima n’est pas chose facile : l’explosion de la centrale a suivi de peu un gigantesque tsunami qui, à lui seul, a tué ou entrainé la disparition de 18.475 personnes. L’explosion de la centrale a eu lieu dans un contexte de panique et de grande désorganisation : l’évacuation de plus de 146.000 personnes ne s’est pas déroulée dans le calme, les communications étaient perturbées, des routes abimées. Depuis, le « suivi » ne se fait pas non plus dans la plus grande transparence, les informations officielles sont difficiles à obtenir.

Décès

Au final, à la date du 4 mars 2015, il y a officiellement 1.867 décès liés directement ou indirectement à l’évacuation à Fukushima et pour lesquels les familles ont reçu une indemnisation financière. Ce chiffre inclut des personnes âgées décédées lors de l’évacuation et dans les semaines qui ont suivi, les décès liés au manque de soins prodigués au moment de l’accident, les suicides. Il ne s’agit donc pas de décès par irradiation directe, cause pour laquelle nous n’avons pas d’informations. Nous ne disposons d’aucun chiffre concernant d’éventuels décès sur le site même.

Par comparaison, dans cette zone, 1.603 décès ont été directement attribués au tsunami.

Troubles psychologiques

Un grand nombre de personnes « déplacées » ont souffert et souffrent encore de troubles psychologiques : de nombreuses familles ne sont pas réunies, les enfants sont séparés des parents, les personnes âgées ne vivent plus sous le même toit, la peur d’être irradié est présente, des questions d’indemnisation ne sont pas résolues, etc, etc. Beaucoup de gens disent avoir perdu la « joie de vivre » et « avoir des troubles du sommeil ». Les enfants présentent souvent une obésité qui trouve en partie sa origine dans l’impossibilité à pouvoir jouer à l’extérieur.

Problèmes de santé

Des questionnaires ont été envoyés aux personnes déplacées, une tentative pour connaitre leur « ressenti » : peu de gens y ont répondu. Tout se passant comme si la confiance n’était pas présente. Néanmoins, il semble qu’il n’y ait pas eu d’augmentation appréciable de la fréquence des malformations congénitales.

Le plus gros « problème » se situe au niveau de la fréquence des cancers thyroïdiens chez les enfants (lire ici, ici). Les autorités ont beau dire que l’augmentation de la fréquence n’est pas en relation avec l’accident nucléaire, il est permis d’en douter.

La question des travailleurs de la centrale

A elle seule, la question de la santé des gens ayant travaillé ou travaillant encore à la centrale est importante mais les informations sont fragmentaires.

Plus de 41.000 personnes ont travaillé sur le site. 6 travailleurs auraient reçu une dose supérieure à 250 mSv mais comme presque personne ne portaient de dosimètre (!), on n’en sait guère plus ! TEPCO dit rechercher encore 10 personnes qui auraient travaillé  entre mars et juin 2011…

Le Gouvernement reconnait que beaucoup de doses reçues ont été sous-estimées.

Plus de 90% des intervenants sont des sous-traitants, avec parfois plusieurs niveaux de sous-traitance. Leur statut précaire favorise la triche. Suite à ces scandales, TEPCo a renforcé ses contrôles et la situation s’est améliorée.

Actuellement, environ 7 000 personnes triment chaque jour sur le site de la centrale de Fukushima daï-ichi. Il y a déjà eu plusieurs décès et blessés graves suite à des accidents.

Conclusion de David Boilley

La catastrophe de Fukushima ne fait que commencer. Il est difficile de tirer un bilan sanitaire après seulement quatre années. Heureusement pour le pays, 80% des rejets atmosphériques sont allés vers l’océan. Les surfaces contaminées sont limitées. Un accident similaire au milieu des terres aurait eu un impact beaucoup plus élevé.

Malgré cela, cette catastrophe a déjà fait de nombreuses victimes. Elle a aussi complètement déstabilisé toute une région avec des conséquences économiques et sociales à long terme qui se répercutent sur tout le pays.