Japon 2012 – Après le déluge/6

L’Isle le 7 janvier:   Mouvement de vigilance des mères de familles de Fukushima à lire dans un article de « Aujourd’hui le Japon »……

Fukushima : les mères japonaises organisent la vigilance citoyenne

La catastrophe de Fukushima a sonné la fin de la confiance aveugle de beaucoup de Japonais dans le gouvernement. Des mouvements citoyens s’organisent avec en première ligne les mères de famille, soucieuse de la santé de leurs enfants.

Au supermarché, Nakayama scrute les étiquettes à la recherche de l’origine des produits qu’elle achète. Légume, lait, thé ou riz, aucun ingrédient de sa cuisine n’a échappé à la vérification.

“Cela double le temps de préparation des repas”, confie-t-elle, mais cette mère de famille est prête à tout pour assurer à son fils de 3 ans une nourriture non contaminée. « Mes priorités ont changé, mon enfant passe désormais en premier», explique cette ancienne carriériste au Japan Times.

Parents inquiets

Comme beaucoup de parents nippons, Nakayama craint les retombées du désastre de Fukushima, et évite les produits en provenance du Nord-Est de l’île d’Honshu (région Tohoku et Kanto).

Quand elle ne barre pas l’entrée de sa cuisine aux isotopes radioactifs, elle lutte pour que ses exigences de sécurité soient adoptées dans les écoles. Dans son quartier de Setagaya, à Tokyo, elle anime un groupe de parents d’élèves très actifs dans la prévention des risques de contamination. Elle consacre donc plusieurs heures par jour à interpeller la direction des établissements scolaires, les politiques et les parents d’élèves : elle est désormais une activiste politique.

Ces groupes se sont multipliés depuis le mois de mars, et se sont organisés. En juillet, s’est formé le Réseau National des Parents pour la Protection des Enfants contre les Radiations, un rassemblement de plus de 250 groupes de quartier, qui compte aujourd’hui plus de 6000 membres.

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Une manifestation de Japonais inquiets à Tokyo. Dans le cortège, beaucoup de mères de famille

La plupart sont des mères de familles qui ne se sont jamais engagées politiquement et qui n’ont jamais voté, mais elles relaient le sentiment d’anxiété d’un nombre beaucoup plus importants de Japonais. Leurs actions consistent à partager et diffuser des informations sur la sécurité environnementale et alimentaire vis-à-vis du nucléaire, et à faire pression sur les autorités pour que des mesures soient prises.

Leurs appels ont forcé les municipalités à s’équiper. A Setagaya comme dans beaucoup d’autres villes, les écoles testent les repas dans les cantines scolaires. Les revendications remontent, et le Ministère de l’Éducation a lui-même déboursé 100 millions de yens pour permettre l’achat de tels équipements.

Leur engagement est d’autant plus remarquable que les Japonais sont traditionnellement peu intéressés par les questions politiques. La contestation directe, ou la revendication organisée a une image anticonformiste peu appréciée dans le société.

In Facebook we Trust

Quand elle est entrée dans son groupe, Madame Itoh a d’ailleurs été étonnée par le manque de plateforme permettant la communication politique. Internet s’est dès lors imposé comme un moyen d’organisation et de récolte d’informations, explique-t-elle à Associated Press. C’est ainsi que des milliers de « mère du bon sens » ont commencé à être très actives sur les réseaux sociaux.

Sur Facebook, Twitter ou les autres médias sociaux japonais, elles échangent des informations sur les retombées de la catastrophe, organisent des rencontres avec des élus et font en sorte de diffuser leur message.

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Une volontaire de la Station Citoyenne de Mesure de la Radioactivité de Setagaya, à Tokyo

ATOMTEX 101: A staff member at the Citizen’s Radioactivity Measurement Station in Setagaya Ward, Tokyo, demonstrates how to use an ATOMTEX machine to measure radioactive cesium in food items in mid-December.Yoshiko Fukagawa, 41 ans, fait partie du même groupe que Nakayama, à Stenagaya. Elle est arrivée dans cette localité avec ses deux enfants de 4 et 7 ans après avoir fui leur préfecture de Fukushima. 10 mois après la catastrophe, elle vit toujours dans un centre d’évacués et justifie son engagement par une phrase simple : “je ne peux pas pouvoir croire le gouvernement” http://www.japantimes.co.jp/text/nn20120104f1.html .

Car le moteur de cette nouvelle forme d’activisme, c’est aussi la chute de confiance des Japonais à l’égard du gouvernement et des médias traditionnels. Dès les premières semaines suivant la catastrophe de Fukushima, des voix se lèvent contre le « manque de franchise » du gouvernement. Les sondages révèlent que plus de 70% des Nippons pensent que les annonces officielles ne sont pas « dignes de confiance » et critiquent au passage la gestion politique de la crise. http://whatjapanthinks.com/2011/05/25/vast-majority-find-government-slow…

Pourtant, les télévisions et journaux de l’archipel continuent de s’aligner sur la communication gouvernementale : dans cet Etat “paternaliste”, pour la première fois, les citoyens doutent de leur classe politique.

« Changer l’orientation du pays »

Avec l’échange entre internautes comme seule source d’information, les réseaux se mettent en place, et les écoles ne sont pas le seul champ de bataille.

Les citoyens veulent avoir une participation active dans la reconstruction des zones sinistrées par le tsunami, et surveiller eux-même l’évolution du risque nucléaire. Aujourd’hui, une dizaine de Stations Citoyennes de Mesure de la Radioactivité sont en service, dans la province de Fukushima et à Tokyo. Les consommateurs et les producteurs apportent eux-mêmes des produits pour les faire tester, en échange d’une somme modique qui sert à couvrir les frais de fonctionnement.

Tous les résultats sont publiés sur le web : « Notre rôle est ce qu’ils appellent une deuxième opinion dans le monde médical », explique une responsable du mouvement.

Là encore, les mères de famille sont en première ligne. Elles qui considéraient internet comme une « source d’information douteuse » inondent la Toile de contre-expertises, et les Japonais suivent assidument.

« Nous sommes en train d’évoluer vers une forme de démocratie plus active, dans laquelle les gens réalisent qu’ils sont les acteurs principaux, pas le gouvernement »,explique Tatsuya Yoshika, fondateur d’un groupe de volontaire pour la reconstruction du Nord-Est.

L’importance de ces groupes reste pourtant à relativiser, face à l’impact médiatique des médias traditionnels et de la communication gouvernementale. Mme Itoh, mère de 48 ans reste toutefois optimiste : “Nous sommes toujours petits, mais les mères impliquées n’allaient même pas voter, et font aujourd’hui signer des pétitions”, confie-t-elle au Today Online.

“Je pense que c’est un facteur qui peut faire changer l’orientation de notre pays” conclut-elle avec optimisme.



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Une réponse à Japon 2012 – Après le déluge/6

  1. carlos dit :

    Comme toujour des reportages et photo sublimes , je te remercie Serge .

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