Décharge, justice et démantèlement

Texte de HORI Yasuo du 31 décembre 2017, traduit de l’espéranto par Ginette MARTIN avec la collaboration de Robert Molimard

Sommaire :

  • Stockage des déchets nucléaires : l’avant-dernier
  • Les tribunaux donnent raison aux victimes
  • 13 réacteurs sont en démantèlement
  • Le tribunal d’Hiroshima a interdit la remise en route d’un réacteur dans la centrale nucléaire d’Ikata

 

Décharge à Minamisoma en 2012 à côté d’une école primaire (capture d’écran vidéo CBS News)

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Stockage des déchets nucléaires : l’avant-dernier

Le 28 octobre, on a commencé à stocker provisoirement les déchets  nucléaires sur un site qui devrait être l’avant-dernier (peut-être le dernier et perpétuel), dans les villes d’Ōkuma et de Futaba, où se trouve la centrale nucléaire n°1 de Fukushima.

Le fond d’une large cuvette de stockage a été tapissé de toiles imperméables pour éviter la pollution des nappes souterraines. L’eau de pluie collectée au fond sera purifiée par une machine et rejetée dans les rivières. Ce lieu de stockage a une surface de 16 000 hectares, mais ne constitue que 39% des terrains prévus. Il est difficile d’obtenir l’accord des propriétaires fonciers.

Sur ce terrain, on construira ensuite un incinérateur pour les plantes arrachées et les arbres abattus, et un lieu de stockage pour les cendres fortement radioactives. Selon la loi, le gouvernement a promis qu’au bout de 30 ans (avant 2045) ce stockage devra être déménagé hors du département de Fukushima, mais personne bien sûr ne le croit, parce que nul n’acceptera ces installations dangereuses près de son logis.

A Fukushima, 15,2 millions de mètres cubes de terre contaminée sont stockés temporairement sur des terrains de sport, dans des parkings et même dans des jardins de particuliers. Selon le plan, la plus grande partie de cette terre contaminée sera transportée dans le nouveau site de stockage d’ici 2020.

Décharge, justice et démantèlement

Les tribunaux donnent raison aux victimes

En 2017, 3 jugements ont été prononcés concernant les souffrances générées par l’accident nucléaire. Le 17 mars, par la Cour de justice de Maebashi (département de Gunma), le 22 septembre par le tribunal de Chiba (département de Chiba), et le 10 octobre par le tribunal de Fukushima.

À Fukushima, 3800 personnes accusent l’État et TEPCO. Le 10 octobre, 1000 personnes se sont réunies devant le tribunal. Elles ont poussé des cris de joie quand le verdict favorable a été prononcé. Le secrétaire général des plaignants a déclaré: «TEPCO a exploité des réacteurs mal entretenus et a provoqué l’accident. Il est coupable.

L’État et TEPCO ont essayé ensemble de cacher leur faute. C’est celle-ci que le tribunal a révélée. »

Décharge, justice et démantèlement

De ces trois procès, celui de Maebashi était presque une victoire et celui de Fukushima une victoire parfaite pour les plaignants. Dans ces deux procès, on a augmenté les indemnités pécuniaires, mais la somme est restée trop faible. A Maebashi, 39 millions de yens (selon Boursorama 289 000 euros) pour 62 plaignants (630 000 yens en moyenne par plaignant, soit 4661 euros) et à Fukushima, 500 millions de yens ( 3 703 703 euros) pour 2907 plaignants (en moyenne 172 400 yens par personne, soit 1270 euros).

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Le verdict de Chiba n’était pas aussi favorable, car il ne reconnaissait pas la faute de l’Etat, mais il approuvait l’indemnité compensatoire à ceux qui souffraient de la perte des conditions de vie basales dans  leurs foyers, cela faisait 376 millions de yens ( 2 785 185 euros) pour 42 plaignants (en moyenne 9 millions de yens par plaignant, soit 66 313 euros).

Le tribunal de Fukushima a expliqué la prévisibilité du tsunami de la façon suivante : « Le comité d’Etat sur les risques de tremblements de terre disait dans son rapport de juillet 2002 que, sur la côte pacifique de l’île de Honshu, pourraient survenir de grands tremblements de terre qui pourraient causer de gros tsunamis avec une probabilité de 20% au cours des 30 prochaines années. Si l’Etat avait étudié immédiatement le rapport, il aurait pu anticiper le tsunami de 15,7 mètres qui allait atteindre les réacteurs. Si l’Etat à l’époque avait commandé à TEPCO des mesures adéquates, l’accident aurait été évité. L’État l’a négligé, c’est pourquoi il faut le critiquer. »

13 réacteurs sont en démantèlement

Le 22 décembre, la compagnie d’électricité Kansay a annoncé qu’elle avait décidé de se défaire de deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Ōoi dans le département de Fukui. Après l’accident nucléaire de Fukushima, les règles de maintenance des réacteurs sont devenues plus sévères, de sorte que les petits réacteurs, pour lesquels la réparation et l’amélioration coûtent davantage, ne seront pas rentables. Cependant, ces deux derniers sont très puissants, pouvant à l’avenir produire 117,5 kilowatts d’électricité (la plupart des autres réacteurs mis au rebut produisaient environ 50 kilowatts), il semblait donc qu’ils étaient rentables. Cette décision signifie qu’à présent certains réacteurs deviennent non rentables. Une ère de mise au rebut des réacteurs a commencé, mais s’en défaire est très difficile pour les compagnies électriques.

La plus grande difficulté est de savoir que faire des déchets nucléaires. Ils sont classés en trois catégories, et tous seront enterrés. Les plus dangereux seront enfouis à plus de 70 mètres de profondeur pour les 100 000 années futures. Le démantèlement actuel ou à venir des 9 réacteurs produira 80 000 tonnes de ces déchets, mais on ne les a encore pas enterrés. Seule la compagnie d’électricité de Genden a présenté un plan selon lequel elle enterrera des déchets sur son terrain dans une immense cavité de 100 mètres de long, 80 mètres de large sur 4 mètres de hauteur, mais l’Autorité de Régulation Nucléaire l’étudie encore et le département ne l’a pas approuvé.

Le gouvernement a décidé que les déchets émettant moins de 0,01 millisievert par an soient réutilisés, mais jusqu’à présent, seuls quelques-uns ont été réutilisés sur le terrain des compagnies électriques, et jamais ailleurs.

Il faut plus de 30 ans pour démanteler parfaitement un réacteur. Au cours des 5 à 10 premières années, les installations seront examinées et nettoyées, tandis que les 8 à 10 années suivantes on démontera les installations peu contaminées. Pendant les 6 à 9 années qui suivront,  on démontera le réacteur. Finalement il faudra encore 4 à 8 ans pour démonter toutes les installations et obtenir un terrain propre. Parmi ces travaux, le plus difficile est le démontage du réacteur, car il est si fortement contaminé que personne ne peut y travailler, les robots font et feront ces travaux, mais cela demande une très haute technicité.

Les difficultés décrites ci-dessus sont expliquées dans les journaux, mais j’ai une autre crainte, qui sera le manque de main-d’œuvre. Les gens ne veulent pas travailler dans cet endroit dangereux, se soumettre constamment à la radioactivité. Selon la loi, les personnes  déjà été exposées à plus de 100 millisieverts pendant 5 ans ne peuvent plus travailler dans une centrale nucléaire. L’entreprise doit donc employer de plus en plus de nouveaux ouvriers inexpérimentés. Maintenant, au Japon, il y a un manque général de main-d’œuvre. De nombreuses entreprises dépendent d’ouvriers étrangers asiatiques.

Rien que dans la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, 10 000 personnes travaillent chaque jour. Pour  démanteler 11 réacteurs, il faudra chaque jour au moins 100 000 travailleurs et embaucher davantage de nouveaux ouvriers chaque année. Y aura-t-il assez de force de travail pour cela? Y aura-t-il une main-d’œuvre de qualité suffisante pour cela? Les compagnies d’électricité pourront-elles dépenser autant d’argent? La force économique japonaise durera-t-elle aussi longtemps? En attendant, n’y aura-t-il pas d’autres cataclysmes?

Le tribunal d’Hiroshima a interdit la remise en route d’un réacteur dans la centrale nucléaire d’Ikata

Le 13 décembre, la cour d’appel d’Hiroshima a décidé que le réacteur n°3 de la centrale nucléaire d’Ikata sur l’île de Shikoku ne devait pas être remis en route en raison du danger d’une possible éruption du mont Aso dans l’île de Kjūshū. Ce réacteur est en cours d’examen et on prévoit de le redémarrer en janvier 2018, mais cela pourra être impossible. Pour la première fois devant la cour d’appel, le parti antinucléaire a gagné. C’est très important pour nous.

Décharge, justice et démantèlement

  Un autre point à noter concernant ce jugement est que le tribunal a interdit la remise en route du réacteur selon les règles de l’Autorité de Régulation Nucléaire. Celle-ci avait approuvé cette reprise d’activité, estimant négligeable le danger d’une grande éruption du mont Aso.  Mais le tribunal a jugé que la relance de la centrale nucléaire d’Ikata mettait en danger la vie humaine, à cause de l’énorme éruption du volcan Aso à 130 kilomètres de là.

Jusqu’à présent, devant les tribunaux, le principal débat concernait les tremblements de terre, mais devant ce tribunal il s’agissait de volcans et d’éruptions, et la cour a jugé que, selon les règlements édictés par l’Autorité, on doit être plus sévère pour évaluer l’état et les dangers des volcans. Le Japon est un archipel volcanique, donc il y a partout des volcans dangereux. Grâce à cette décision, le camp antinucléaire a acquis une nouvelle arme pour lutter contre le gouvernement et les compagnies d’électricité.

Il y a trois réacteurs dans la centrale nucléaire d’Ikata. L’entreprise a déjà décidé de démanteler le réacteur n°1, n’a encore rien décidé pour le réacteur n°2, et cette fois le tribunal a interdit l’exploitation du réacteur n°3. La politique nucléaire est dans une situation de plus en plus défavorable, mais le gouvernement et le monde industriel s’accrochent au nucléaire.

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