[Reportage] À Fukushima, les premiers retours de réfugiés
Publié le samedi 15 mars 2014 à 16:02.
Naomi Shiraishi, la jeune fille, réfugiée à Funehiki aimerait rentrer. Katsu Saito, la petite grand-mère originaire de Miyakoji, dans son préfabriqué à Tamura. © Vincent Touraine
Officiellement, les résidents du village de Miyakoji pourront se réinstaller dans la zone interdite à partir du 1er avril. Trois ans après la catastrophe nucléaire, la plupart hésitent, craignant l’isolement et les radiations.
Fukushima. De notre correspondant
Il a beaucoup neigé cet hiver à Fukushima. Dans les villages de réfugiés de Tamura, chacun reste cloîtré dans son préfabriqué. Parmi les rares à braver le froid, Naomi Shiraishi, jeune femme originaire de Miyakoji, dans le rayon des vingt kilomètres autour de la centrale. Une localité qu’elle a dû évacuer dans l’urgence avec sa famille, il y a trois ans. Aujourd’hui, elle attend la réouverture de la zone interdite, prévue le 1er avril. « Je veux rentrer chez moi, dit-elle. Mon village me manque, c’est là que j’ai grandi. Depuis l’évacuation, chacun vit de son côté. C’est ça le plus dur. »
Sacs de terre contaminée
Un peu plus loin, Katsu Saito, petite grand-mère au large sourire, pourra, elle aussi, se réinstaller chez elle. Mais elle hésite. « Je suis retournée plusieurs fois dans ma maison. Ça n’est jamais aéré, il y a des rats et de la moisissure partout. » Fait-elle confiance aux autorités qui affirment que la zone est décontaminée ? « On habite à côté d’une forêt ; dès qu’il pleut ou qu’il vente, la radioactivité augmente. »
Sur la route qui mène à Miyakoji, la beauté du paysage de montagne enneigé ferait presque oublier que l’on est à Fukushima, là où s’est produit le pire accident nucléaire de l’histoire après Tchernobyl. Certains signes ne trompent pas, comme les sacs noirs remplis de terre radioactive entassés le long des routes. Une terre raclée par les entreprises de décontamination et dont on ne sait que faire. Quand on s’en approche, le compteur Geiger redouble de crépitements.
Dans la zone interdite, la route est déserte, les commerces et les habitations sont abandonnés. Seuls quelques aboiements de chiens brisent un silence de plomb. En cherchant bien, on tombe sur Kyoji Konnai, la cinquantaine, qui a rouvert son commerce de tatamis, dès l’été dernier, grâce à une permission spéciale.
Par précaution, sa femme et son enfant vivent à 50 km. Mais lui n’est pas plus inquiet que cela pour sa santé. « J’ai travaillé pendant vingt-cinq ans à la centrale de Fukushima Daiichi, lance-t-il, et je n’ai jamais eu aucun problème ! »
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le nucléaire à Tokyo, dimanche. Le Japon s’apprête à commémorer le séisme sous-marin d’intensité 9, le tsunami et l’accident nucléaire survenus le 11 mars 2011 à Fukushima. La catastrophe a fait 15 884 morts et 2 636 disparus.
Vincent TOURAINE.