Une hirondelle japonaise ne fait pas le printemps de l’uranium
Le 28 février 2014 par Daniel Krajka
La réanimation de l’industrie nucléaire au Japon ne doit pas cacher que la demande d’uranium est massivement tirée par la constitution d’énormes stocks en Chine.
Le marché de l’uranium a reçu positivement l’annonce par le gouvernement japonais que le nucléaire faisait toujours partie du mix énergétique du pays. Depuis la catastrophe de Fukushima, le prix de l’uranium a été sévèrement corrigé. Sur le marché spot, le prix de la livre d’uranium U308 est tombé vers les 35 dollars, ayant perdu la moitié de sa valeur en trois ans. A long-terme, le retour du Japon est certes rassurant pour le niveau de la demande d’uranium, souligne l’analyste de Macquarie Stefan Ljubisavjevic, mais les énergéticiens japonais ne devraient guère se précipiter à l’achat au-delà de ce qu’ils ont déjà contracté ou stocké. Pas de hausse de la demande en vue, donc, avant la fin de la décennie. D’ici là, estime l’analyste, l’appétit d’uranium de la Chine, apparemment insatiable, se sera peut-être calmé.
Les derniers chiffres publiés pour janvier 2014 montrent que les importations chinoises de concentrés d’uranium ont monté à 1 930 tonnes, soit 22% de plus que les achats moyens mensuels en 2013. L’an dernier, les importations chinoises avaient établi un nouveau record à 18 968 tonnes de concentrés. Ces volumes d’importation sont largement supérieurs aux besoins des centrales nucléaires du pays dont la consommation annuelle est estimée entre 6 500 et 7 500 tonnes. La Chine poursuit donc l’accumulation de ses stocks d’uranium.
Le gouvernement chinois a pour objectif l’installation de 50 GW de capacités nucléaires d’ici à 2017 contre 16,6 GW actuellement. La production d’uranium en Chine est toujours sapée par la faible qualité du minerai extrait et la lenteur de sa mise en activité. Le niveau actuel du prix de l’uranium n’est pas tenable à long terme, rappelle l’analyste qui estime que les acheteurs chinois ont profité massivement de cette opportunité. En 2013, ils ont payé la livre d’uranium U308 moins de 50 dollars, pour la première fois depuis 2006. Dans ce type de situation, on peut s’interroger sur la durée d’un tel cycle haussier, note l’analyste qui a calculé que depuis 2006 la Chine a accumulé pas moins de 60 000 tonnes d’uranium. Ce qui correspond à huit ans de consommation actuelle de la Chine ou environ un an de production minière globale.
Si rien n’indique que le rythme d’accumulation va ralentir, « il semblerait logique que tôt ou tard les importations chinoises commencent à décroitre », conjecture la banque australienne. Il serait préférable pour les producteurs d’uranium que ce ralentissement soit lié à une hausse des prix spot du minerai plutôt qu’à une décision des Chinois estimant que leurs réserves sont suffisantes. Si cette décision est prise avant une hausse de la demande des principaux utilisateurs le marché de l’uranium pourrait bien rester déprimé plus longtemps que prévu, met en garde Stefan Ljubisavjevic.