FUKUSHIMA AN III : SUR LA CÔTE DÉVASTÉE, LA PEUR ET LA COLÈRE
Fukushima. A lui seul, ce nom représente désormais les catastrophes que connut le Japon le 11 mars 2011: un séisme de 9 sur l’échelle de Richter, un tsunami tuant 20 000 personnes et la perte de contrôle de trois réacteurs dans une centrale nucléaire. Ces faits, survenus dans la région du Tohoku, ont été amalgamés dans l’angoisse de la radioactivité. Pourtant, comme nous l’avions constaté quelques jours après le tsunami, en tant qu’envoyés spéciaux du Monde sur la côte ravagée, les frayeurs ne sont pas les mêmes au Nord, frappé par la vague, et au Sud, irradié par la centrale endommagée. Près de trois ans après, nous sommes repartis à la recherche des témoins rencontrés à l’époque. Chaque baie, chaque vallée raconte une autre manière de survivre.

Les mers de débris sont devenues des terrains vagues. Partout, sur les sols plats de la côte du Tohoku, la montée brutale de l’océan avait accumulé plusieurs mètres de matériaux fracassés. Trois ans après, les hommes ont presque fini de déblayer. Là où se trouvaient auparavant des ports, des quartiers, des zones industrielles, ne restent que des friches envahies d’herbes folles, cernées par des presqu’îles et des montagnes sublimes.Quand on redécouvre ce paysage bouleversé à Taro, au nord du Tohoku, une incongruité supplémentaire frappe le regard. Une muraille de béton s’interpose toujours entre l’océan et un no man’s land. Une digue, haute de 10 mètres, vieille de cinquante ans, reste posée là, au-dessus de ce village qu’elle n’a pu protéger, vestige des temps où les hommes pensaient pouvoir résister aux éléments.
Il n’a besoin que de quelques secondes pour déchirer le voile de prudence polie qui enveloppe ses mots d’employé municipal. « Pour être honnête, lance Akira Sato après une longue inspiration, je suis toujours terrifié par la moindre secousse. si je pouvais trouver un travail ailleurs, s’il n’y avait pas toute ma famille, je m’enfuirais loin de cette ville. Rester là, c’est ressasser sans fin les mêmes horreurs. »
Près de la centrale endommagée, le déchirement était de partir. Plus loin, le tourment a souvent été de rester. Demeurer dans cette ville de Fukushima en proie à toutes les peurs. Subir à la fois la mauvaise réputation de la cité, dont le nom restera indissociable de la catastrophe, les déchirures de son tissu social et son exposition, faible mais réelle, aux particules radioactives.
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