Fukushima : Tepco, une demi-vie de désinformation
Par Trifou ,dimanche 28 juillet 2013.Lien permanentJapon › Fukushima
Tepco, même s’il est rarement crédible dans son plan comm, présente l’avantage de toujours s’exprimer de manière linéaire : le liquidateur de Fukushima-Daiichi évoquera toujours les mauvaises nouvelles par ordre d’importance inversée. Même s’il dispose à ce jour d’informations importantes et inédites, par exemple en ce qui concerne les divers rayonnements radioactifs disséminés par la catastrophe, il les communiquera selon son propre calendrier établi sur des paramètres qui lui sont propres (et secrets) et jamais de manière spontanée et instantanée. Pourquoi Tepco agit-il ainsi ? La logique ne voudrait-elle pas que les informations les plus importantes (au niveau de la radioprotection) soient reportées fidèlement dès leur découverte ?
Tepco et les radiations ionisantes : de la plus anodine à la plus fracassante (pour les organismes)
Illustrons notre propos avec l’exemple de la communication globale de Tepco au niveau des différentes radiations ionisantes engendrées par la catastrophe :
Phase I : Tepco communique uniquement sur les rejets de produits de fission et leurs traditionnels représentants Gamma [1] : Césium, Iodes… sans évoquer aucunement les autres rayonnements ionisants (Alpha, Bêta, Neutron) ; cette période s’est étendue sur environ 2 ans pendant lesquels Tepco n’a jamais évoqué un seul relevé d’activité radioactive non électromagnétique
Phase II : Tepco commence à évoquer au printemps 2012 la composante Bêta au niveau de l’eau radioactive – avec des chiffres effarants et constamment réévalués : le niveau d’activité Bêta de l’eau radioactive [2] est actuellement (fin juillet 2013) d’environ 750 MBq/l, un chiffre qu’il suffit de rapprocher d’une activité Gamma identifiée [3] pour constater que l’activité Bêta est quasiment similaire à l’activité du Césium-134, l’un des principaux émetteurs Gamma libérés !
Phase III (communication à venir dans un avenir proche ?) : Tepco s’intéresse(ra) aux émetteurs Alpha qui sont pourtant parmi les plus radiotoxiques [4] et qui sont directement liés aux « impossibles » (car peu mobiles d’après la littérature officielle) noyaux lourds : les transuraniens comme le Plutonium ou les Actinides mineurs (Américium, Curium, Neptunium…) ; aucun relevé d’activité Alpha n’a été communiqué à ce jour par Tepco !
Phase IV (communication à venir dans un avenir lointain ?) : le rayonnement Neutronique rapide – Tepco n’en a jamais fait mention dans aucun de ses comptes rendus et pourtant ce rayonnement est – de loin – le plus néfaste pour les organismes biologiques car il progresse très loin de la source émettrice et induit des dommages génétiques et cellulaires énormes, au point que l’on en a fait dans les années 1960une arme de destruction massive
: un « tueur d’hommes » qui épargne – relativement – les structures et les équipements (ponts, routes, aérodromes) en diffusant franchement les Neutrons induits par la fusion explosive des atomes d’Hydrogène plutôt qu’en les réfléchissant à l’intérieur de l’arme.
Pour en revenir au réacteurs civils, les Neutrons émis lors de la fission de l’atome sont extrêmement énergétiques et assez difficilement confinables ; il est très difficile de s’en protéger dans le cadre d’un accident électronucléaire majeur car les Neutrons « rapides » continuent d’être générés longtemps après l’arrêt de la réaction nucléaire [5] du fait qu’une grande partie des freins Neutroniques initiaux [6]est rapidement détruite par les très hautes températures atteintes lors de la fusion du cœur nucléaire [7] et que les éléments fissibles « chauds » (généralement, les actinides mineurs) plus ou moins enfermés dans les gaines de combustible génèrent des Neutrons de manière spontanée.
Pour en être définitivement convaincu, il suffit de rappeler que les convois de déchets nucléaires contrôlés par la CRIIRAD et l’ACRO – des déchets pourtant stockés plusieurs années en piscine de « désactivation » – émettaient environ 2 désintégrations Neutron pour une désintégration Gamma (+ X-Ray) pour se convaincre que le phénomène Neutron est loin d’être marginal, une information soigneusement cachée par le village nucléaire !
28 mois après la catastrophe, une demi-révélation !
Près de deux années et demi après la catastrophe initiale, Tepco n’a encore communiqué qu’au niveau de deux de ces quatre radiations ionisantes (Gamma et plus récemment Bêta). Les révélations concernant les rayonnement Alpha et Neutron restent à venir, nous sommes intimement persuadés que le liquidateur de Fukushima-Daiichi dispose depuis longtemps de tous les éléments utiles à la parfaite connaissance des conséquences radiologiques de l’accident sur les personnels d’intervention, les populations locales et l’ensemble de la vie organique concernée mais qu’il ne communiquera que sur les derniers éléments – les plus critiques – qu’au plus tôt dans quelques années, selon une espèce de rythme théâtral inversé. Après tout, communiquer, c’est se taire…
(1) Cheminement du rayonnement Alpha (Je comprends enfin
)
JCE : un excellent site de vulgarisation pour tout ce qui est « officiel »
Sources : Fukushima I Nuke Plant Groundwater Contamination: 2.35 Billion Bq/L of Cesium in Water in Trench That Comes from Reactor 2 Turbine Building
(ex-skf, 26713) – Risques liés à l’irradiation
(je comprends enfin, 9411) – Les « déchets nucléaires ultimes » émettraient 2 fois plus de neutrons que de photons(gen4, 6213)
Notes :
[1] Les Gammas sont les seuls rayonnements ionisants (avec les rayons-X, hors-propos) émettant dans le spectre électromagnétique ; ils tendent donc à diffuser sur une plus grande distance car ils sont moins atténués (désintégrés, affaiblis) au fil des éléments rencontrés
[2] Engendrée par les émetteurs Beta et principalement le Tritium (8.7 MBq), le Strontium-90 (0.75 MBq), chiffres relevés le 26 juillet au sein de la tranchée B1-1 située près de la prise d’eau de l’unité n°. 2
[3] 750 MBq/l pour le Cs-134 et 1.6 GBq pour le Cs-137 au 27 juillet, source Tepco via ex-skf 
[4] Même si les personnels d’intervention sont – a priori – assez peu concernés par cette irradiation interne, la biosphère n’y est pas indifférente ! Le rayonnement Alpha, fabriqué par les noyaux « légers », est (avec les Neutrons) l’un des principaux « briseur » de chromosomes ; attendu qu’il ne tire qu’à très courte portée (ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient), les cibles présentant un point d’impact très réduit encaissent ainsi des irradiations majeures même si les activités développées sont relativement faibles. Lire à ce sujet l’abondante documentation sur les radioémetteurs Alpha sur le site de l’AIPRI 
[5] On peut stopper très rapidement la réaction de fission en « éliminant » les neutrons lents ; le nombre de neutrons rapides décroit quant à lui bien plus lentement ; si nous devions évoquer une analogie mécanique l’on pourrait utiliser celle d’un véhicule propulsé par un moteur à explosion qui tombe en panne d’essence (neutrons ralentis) : le véhicule ne s’immobilise pas forcément immédiatement !
[6] Les barres de contrôle « absorbantes » à base de Bore sont situées entre les barres de combustible et fondent bien avant le combustible, à une température de cœur estimée à 1300-1500 °C (wiki
) ; le contrôle neutronique est ainsi typiquement instable en cas d’accident grave
[7] Un corium en pleine forme (comme celui lié à un accident majeur de réacteur Moxé) peut atteindre des températures de près de 3000° C