Japon 2013 – Après le déluge/155

Fukushima : Tepco évalue la fuite de vapeur radioactive à 3m3/h et admet ainsi implicitement la fuite continue du confinement n° 3

Par Trifou ,vendredi 26 juillet 2013.Lien permanentJapon › Fukushima

Il aura donc fallu 28 mois pour que Tepco, le liquidateur actuel de Fukushima-Daiichi, admette a demi-mots [1] que le confinement de l’ex-unité n°. 3 avait certainement failli au niveau du joint du chapeau du confinement, que ce joint avait été définitivement détérioré et que les fuites de vapeur étaient radioactives et s’échappaient régulièrement dans l’atmosphère. Fidèle à son habitude, Tepco ne dévoile toutefois les mauvaises nouvelles qu’acculé dans les cordes radioactives, à l’occasion d’un événement précis et incontestable (les fuites permanentes de vapeur) et sans replacer cette donnée dans son contexte général. Rappelons que cette hypothèse (la détérioration du joint de la tête du confinement) avait été formulée dès le 18 mars 2011  par Dave Lochbaum de l’Union of Concerned Scientists avant d’être reprise et réévaluée une petite année plus tard [2] par A. Gundersen.

La référence : l’incident de Brunswick (1970)

Nous avions déjà évoqué cet incident ou plutôt cette expérience réalisée dans les années 1970 au niveau de l’unité n°. 1 de Brunswick [3] et qui est reportée en détail par M. Lochbaum : à la suite d’un essai – réacteur stoppé – de mise en pression du confinement de l’unité n°. 1, les ingénieurs de Duke Energy auraient eu la surprise de constater la déformation apparente du joint supérieur du drywell qui se serait suffisamment comprimé pour dégazer le confinement dans le niveau 5 du bâtiment-réacteur ; l’incident s’était produit alors que la pression induite artificiellement dans le confinement n’était pourtant que très légèrement supérieure à la pression maximale [4admissible de ce dernier.

Lors de cette expérience, il s’était en fait avéré impossible de dépasser la pression de 70 PSI [5] car l’énorme joint (torique ?) situé sur le haut du confinement semblait s’écraser et laisser s’échapper la surpression en émettant simultanément un sifflement caractéristique. Dans la version reprise plus tard par Arnold Gundersen, l’origine du défaut se serait plutôt située dans la détérioration des boulons assurant le chapeau du confinement à la cuve de confinement elle-même au-delà d’une pression estimée à 100 PSI.

 

36.png

(1) le joint (torique ?) et les boulons de fixation de la tête de la cuve de confinement (Fairewinds )

A Fukushima-Daiichi, la pression est montée à 75 PSI avant de redescendre rapidement dans le confinement 1F3

Nous savons grâce aux enregistrements effectués peu avant l’explosion de l’unité n°. 3 que la pression au sein du drywell a dépassé 0.52 MPa [6] (75 PSI) le 14 mars 2011 peu avant 11h00 avant de s’effondrer brutalement peu après. Il est surprenant de constater combien cette pression s’approche du seuil qui n’a pu être dépassé lors de l’expérience effectuée à Brunswick (71 PSI). La pression a ensuite décru après l’explosion en 10 minutes environ pour se stabiliser vers 0.36 MPa (52 PSI) à partir de 11h30 ; l’énorme explosion ayant dévasté l’unité n°. 3 s’est quant à elle produite précisément à 11h01.

39.png(2) La chronologie de la dépressurisation de 1F3 le 14311 (Goddard )

Tepco semble valider cette hypothèse en précisant que la quantité de vapeur est estimée à environ 3m3/h

D’après le document Tepco actuellement disponible uniquement en Japonais [7], la fuite de vapeur provenant du confinement serait estimée à environ 3 m3/h ; il n’est pas certain que Tepco valide officiellement la théorie de la fuite radioactive localisée au niveau du chapeau du confinement mais le schéma reproduit ci-dessous vise cette zone précise tout en reportant au niveau de mystérieuses flèches jaunes des indications que nous devons bien avouer ne pas clairement identifier pour le moment.

 

38.png(3) Le schéma divulgué hier par Tepco (Tepco , p. 5)

 

L’activité particulaire de la vapeur serait d’environ 100 Bq/g de radiocésium

Attendu que Tepco relève en permanence l’activité des aérosols et des particules dans le confinement 1F3, l’on peut s’attendre à ce que les concentrations de radiocésium au niveau de la fuite présentent approximativement les mêmes caractéristiques ; ces dernières sont estimées à environ 100 Bq/g (100 kBq/kg) de Césium pour les particules et à 6*10^-6 Bq/cm3 (0.006 Bq/l) pour les aérosols. Connaissant le volume de la fuite et son activité en radiocésium, il est facile de calculer que cette dernière disperse chaque heure environ 100 kBq/h de Césium sous forme particulaire (à raison de 100g/h) et 0.025 Bq sous forme quasi-gazeuse. Si ceci peut sembler – relativement – peu important (si les calculs sont corrects et si les chiffres s’avèrent honnêtes) il ne faut perdre de vue que cette fuite est permanente et que cette activité radioactive « résiduelle » représente donc à elle seule la diffusion d’un terme-source [8] estimé à environ 2.5 GBq de césium sous forme particulaire.

 

40.png (4) Le circuit rouge (fuite) devrait présenter sensiblement les mêmes valeur de radioactivité que les bleu et vert (Tepco , p.9)

 


Sources : TEPCO Spokesman Says « As You All Know, the Area Was Contaminated by the Steam Coming Out of Containment Vessel » After Explosion in March 2011  (ex-skf, 25713) –  TEPCO Admits Containment Failure At Unit 3  – (simplyinfo, 25713) – Tepco’s roadmap  (Tepco, 25713) – Possible Cause of Reactor Building Explosions  (UCS/ATN/Lochbaum, 18311) – New Containment Flaw Identified in the BWR Mark 1  (Fairewinds, 9212) – Le niveau de radiations est extrêmement élevé dans les niveaux supérieurs de l’unité n°. 2 de Fukushima-Daiichi (gen4, 14612)

Notes :

[1]  Lire le texte puis les commentaires sous le billet de ex-skf 

[2]  A. Gundersen s’est intéressé plus tardivement à cette hypothèse (à partir de février 2012 )

[3]  Un REB de 990 MWe raccordé au réseau en 1975 ; le site se trouve en Caroline du Nord et est exploité par Duke Energy (Progress Energy)

[4]  La pression d’épreuve de la cuve du confinement (drywell) d’un REB est généralement établie à 62 PSI ; lors de l’essai, les ingénieurs de DE seraient montés à 71 PSI soit environ 15% de pression supplémentaire ; il faut rappeler que la pression de service d’un drywell est normalement faible, de l’ordre de 15 PSI soit 0.23 bar

[5]  PSI : Pound (per) Square Inch ; 1 PSI = 0.069 bar ; 70 PSI = 4.8 bar

[6]  MPa :  MegaPascal, 10^6 Pascal

[7]  Tepco publie en général les versions en Anglais 24 à 48 h plus tard

[8]  Terme-source : ensemble des rejets radioactifs dans la biosphère ; cette quantité théoriquement totale ne s’intéresse ici qu’au radiocésium

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