Japon 2013 – Après le déluge/106

L’Isle le 23 avril

Fukushima : Tepco pense utiliser les chambres de suppression 1F5/6 pour stocker l’eau radioactive

Suite aux problèmes de fuite de l’eau radioactive stockée dans les réservoirs souples, Tepco a prévu de dispatcher l’eau y étant – mal – contenue dans plusieurs autres lieux de stockage “temporaire” ; surprise : les piscines de suppression des unités n°. 5 et 6 font partie de ces réservoirs de secours !

Que faire des 23.000 m3 stockés dans les réservoirs souples et non-étanches ?

L’opérateur ayant avoué il y a peu avoir “perdu confiance dans la technique des réservoirs souples”, Tepco doit en conséquence procéder à la vidange des quelques 23.000 tonnes d’eau radioactive qui y étaient imprudemment stockées. Sur le papier, c’est facile mais sur le terrain ça l’est beaucoup moins car Tepco semble ne plus disposer de suffisamment de ressources de stockage, malgré des efforts remarquables effectués ces derniers temps .

Toujours des problèmes de personnel disponible, selon certaines sources Tepco

Selon Fukushima-Diary citant le désormais célèbre employé Tepco ‘happy11311’, Tepco ne parvient plus à faire progresser simultanément les différents chantiers déployés sur le site de Fukushima-Daiichi notamment faute de main-d’œuvre disponible, un problème que nous avons souvent évoqué auparavant mais que ne peut que s’aggraver au fil des interventions et du “grillage” dosimétrique progressif des différents intervenants.

2013-04-23_15h57_57

(1) Happy11311 cite le manque de travailleurs disponibles comme source des retards sur le chantier

Cette raison expliquerait pourquoi les travaux de construction de nouvelles citernes destinées à remplacer les réservoirs souples ne progresseraient pas à la vitesse prévue initialement par l’opérateur et pourquoi ce dernier a envisagé d’utiliser en dernier ressort des stockages de secours qui n’étaient pas prévus à cet effet.

Un réservoir géant de 19.000 m3 dont la construction n’a pas commencé

Tepco se heurte de plein fouet à la problématique dosimétrique : l’emplacement prévu pour construire le nouveau réservoir de stockage géant “G6” est situé à peine à 300 m au Sud des unités n°3 et 4, au niveau d’une zone dont la dosimétrie est probablement supérieure à 0.2 mSv/h. L’opérateur est pris à son propre piège radioactif !

2013-04-23_16h05_59

(2) Le réservoir G6 : une zone de construction proche du brasier radioactif

Mobilisation générale des derniers lieux de stockage disponibles

L’opérateur, désormais marqué à la culotte par l’agence de régulation Japonaise, a du fournir à cette dernière une réponse complémentaire au cas où le fameux réservoir géant ne pourrait accueillir suffisamment rapidement les effluents radioactifs déchargés des réservoirs souples ; les moindres capacité de stockage ont donc été envisagées, dont, fort curieusement, les piscines de barbotage (chambres de suppression) des unités n°. 5 et 6.

Des piscines elles-mêmes probablement déjà remplies d’effluents radioactifs

Il est maintenant établi que les réacteurs n. 5 et 6 de Fukushima-Daiichi ont subi au minimum un début de dégradation du combustible ; il est possible que le schéma connu de détérioration du confinement s’y soit également produit, tout au moins au niveau de l’unité n°. 5.

En effet, même si les 2 réacteurs n°. 5 et 6 étaient effectivement à 0% de puissance le 11 mars 2011, les combustibles avaient été rechargés et les chapeaux des 2 confinements réajustés, les opérations de maintenance effectuées au niveau de ces réacteurs étant achevées ; bref les réacteurs 5 et 6 étaient “prêts à redémarrer”.

2013-04-23_17h01_38

(3) L’unité n°. 5 était sous pression et affichait une température de 90°C le 11 mars 2011 (NEI/INPO)

A la fin du mois d’avril 2011, soit 45 jours après la phase critique, une concentration non négligeable d’Iode-131 était relevée au niveau de la prise d’eau alimentant les réacteurs n°. 5 et n°. 6, alors que la concentration d’I-131 était nettement plus faible au niveau des prises d’eau des unités n°.1 à 4.

2013-04-23_17h12_29

(4) Environ 7 fois Plus d’I-131 au niveau de la prise d’eau des unités 5 et 6
que sur celle alimentant les unités 1-4 (Relevés effectués le 24 avril 2011)

De l’iode-131 “dans la nature” impliquerait théoriquement une criticité et un défaut du combustible récent, ce radionucléide n’étant produit que lors du processus de fission nucléaire et sa durée de vie dans le combustible étant limitée à quelques semaines . Autre indication : la température du réacteur n°. 5 était située à environ 190° C le 15 mars 2011 alors que celle du réacteur n°. 6 approchait  les 150° C à la même date ; donc les conditions de radioactivité, de température et de pression de ces unités peuvent laisser craindre un endommagement du combustible.

2013-04-23_17h23_37

(4) Température des unités n°. 5 et 6 (1F5 et 1F6)

 

Une présence d’eau radioactive sous les réacteurs n°. 5 et 6 confirmée à la mi-mai 2011

Quelques semaines plus tard, Tepco confirmait les quantités d’eau radioactive stockée sous les différents réacteurs au niveau de la tranchée reliant les bâtiments-réacteur au bâtiment-turbine. L’opérateur y confirmait la présence de 300 m3 au niveau de l’unité n°. 5 mais surtout celle de 13.500 m3 sous le n°. 6 ; la justification la plus évidente de la présence d’une eau contaminée à cet endroit est qu’elle est provient simplement du réacteur situé juste au-dessus.

2013-04-23_17h47_04

(5) Quantité d’eau radioactive stockée sous les différentes unités au 23 mai 2011 (phnetwork)

Pour remplir d’eau contaminée un récipient, il faut d’abord vider le vider de l’eau contaminée qu’il contient (logique militaire)

Bien sûr, l’opérateur pourrait transvaser l’eau radioactive de l’unité n°. 6 dans un autre réservoir mais alors pourquoi ne pas utiliser ce réservoir pour y transvaser directement l’eau des réservoirs souples défectueux ? Tepco se serait-il débarrassé discrètement de cette eau par un moyen peu avouable, sinon comment expliquer que cet espace de stockage puisse être considéré comme “disponible” ?

Même si ce réservoir “d’infortune” est effectivement disponible, quid de son étanchéité puisqu’il a également été soumis à des agressions chimiques (eau de mer + radiolyse possible) ? Quelle peut être l’utilité de transvaser d’un élément peu étanche vers un autre élément probablement aussi peu étanche sinon pour gagner du temps et faire semblant de faire quelque chose, un domaine dans lequel les Japonais excellent depuis mars 2011 ?

Nous devons bien avouer que ces équations aquifères dignes des Shadoks nous laissent d’autant plus perplexes que dans l’intervalle de cette aimable discussion, plusieurs tonnes d’eau seront venues grossir les stocks de la plus importante réserve d’effluents radioactifs connue au monde : 300.000 m3 soit l’équivalent de 120 piscines olympiques !

2013-04-23_18h18_06


Sources :

Future Plan for the Water Transfer from the Underground Reservoirs – Tepco, 13413

Former Fukushima worker “Shortage of workers is delaying water transfer plan from the leaking reservoirs” – Fukushima-Diary, 20413

Tepco plans to transfer contaminated water to suppression pool of reactor5 and 6 in emergency – Fukushima Diary, 16413

Fiche radionucléide : l’Iode-131 – IRSN, 2001


(5) 

 

Ce contenu a été publié dans Japon 2013. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *