L’Isle le 18 avril
Japon : la NRA rédige de nouvelles règles de sécurité nucléaire draconiennes
L’agence de sécurité nucléaire Japonaise NRA 1 ne pouvait faire autrement que de répercuter rapidement dans les procédures et les différents règlements encadrant la production d’énergie électronucléaire au Japon les contraintes imposées par la catastrophe de Fukushima-Daiichi ; ces nouvelles règles rendront contraignants et coûteux les redémarrages éventuels des réacteurs souhaitant s’y conformer alors que nombre d’unités seront purement et simplement dans l’impossibilité technologique de s’y astreindre, ce qui pourrait – en toute logique – signer leur arrêt de mort.
Aucun des 26 réacteurs à eau bouillante ne peut espérer un redémarrage “rapide” ni peut-être même un redémarrage tout court
Les unités à eau bouillante Japonaise étant anciennes et n’ayant pas été mises à jour en temps utile, ces dernières devront par exemple toutes procéder au remplacement des câbles de contrôle-commande (inflammables) ainsi qu’à l’installation des indispensables pièges à particules permettant de limiter les énormes dégâts radiologiques induits par la montée en pression du confinement et son déconfinement volontaire (vent) ou involontaire (explosion).
Contrairement aux réacteurs à eau pressurisée qui introduisent une barrière radiologique supplémentaire (les générateurs de vapeur) entre les circuits primaire et secondaire d’un réacteur, ceux à eau bouillante transportent intégralement la vapeur du bâtiment-réacteur jusqu’au bâtiment-turbine, un circuit radiologique plus qu’allégé qui implique qu’on ne puisse soulager indirectement la pression dans le confinement (et le réacteur) en déchargeant de grandes quantité de vapeur dans l’atmosphère alors qu’une telle opération accompagne systématiquement les arrêts d’urgence réalisés dans les REP.
(1) Le GV « isole » les circuits primaire et secondaire des REP
A elles seules, ces deux interventions prendront probablement au minimum quelques années et la question de l’énorme charge financière engendrée par ces modifications devrait peser lourd dans la balance tenue par les opérateurs Japonais. En outre, le problème des câbles inflammables représente à lui seul un défi technologique majeur 2, selon des experts cités par l’Asahi.
Un troisième niveau d’alimentation électrique réellement redondant
Lors de la catastrophe de Fukushima-Daiichi, plusieurs pylônes d’alimentation électrique avaient été affectés simultanément par les secousses du séisme, pénalisant ainsi lourdement la redondance des différentes voies d’alimentation en énergie d’une partie du site électronucléaire 3 ; dès lors, les unités ne pouvaient plus compter que sur la production interne (nulle dès les premières minutes de la chronologie accidentelle) et sur les moyens de secours (groupes électrogènes) qui ont été balayés une heure plus tard par le tsunami.
(2) Des dégâts crées par le séisme sur les 3 lignes d’alimentation THT alimentant le site
Dans ce cas précis les mouvements du sol auraient (d’après Tepco) entrainé des dégâts simultanés sur 3 des 5 lignes THT alimentant le site (66 kV+ 2 x 275 kV + 500 kV) mais les mêmes effets auraient pu être engendrés également par la chute d’un objet important, voire un effondrement successif, les 2 lignes étant très proches à l’endroit de l’effondrement du pylône 66 kV.
(3) La ligne 2 x 275 kV (g) de FD avoisine dangereusement la ligne 66 kV effondrée (d) (SI)
Un délai de grâce accordé par la NRA pour les opérations visant à doubler et à déporter la salle de contrôle-commande
Une autre opération extrêmement contraignante pour les opérateurs Japonais est définie dans l’obligation de construire au niveau de chaque unité exploitée une salle de contrôle-commande déportée, une construction suffisamment éloignée du site pour ne pas être rendue inutilisable par des aléas qu’ils soient électriques, radiologiques ou autres ; dans ce cas les opérateurs se sont toutefois vus accorder un délai de grâce de cinq années pour réaliser les énormes travaux nécessaires, sous la réserve logique qu’ils soient techniquement envisageables.
Le problème des unités situées au niveau de failles sismique “actives”
La NRA a une nouvelle fois confirmé qu’aucune autorisation de construction ou d’exploitation ne sera délivrée à des unités situées au niveau d’une faille dite “active” (ayant subi un évènement géologiquement “récent”), l’agence Japonaise étant d’ailleurs favorable – selon le JPT – à la contrainte supplémentaire que le seuil de déclenchement d’évènement “récent” soit relevé de 130.000 à 400.000 années.
(4) La limite d’évènement géologique “récent” déterminant la qualité de faille “active”
pourrait passer de 130.000 à 400.000 années (JPT)
5 sites de production sont particulièrement visés par cette nouvelle obligation à Ohi, à Tsuruga, àKashiwasaki-Kariwa et à Higashidori.
Une durée de vie standard fixée à 40 années avec dérogation possible à 60 années, et pas une de plus
La durée de vie “ordinaire” d’une centrale nucléaire Japonaise est en outre redéfinie à 40 années avec une dérogation envisageable pour les unités répondant intégralement aux nouvelles exigences de sécurité. Si l’on compare cette donnée avec le tableau de vétusté des installations Japonaises tel qu’il est repris dans wiki, ceci nous amène à dresser le constat que, dans un horizon de cinq années, une dizaine d’unités électronucléaires Japonaises devront bientôt se heurter à cette nouvelle contrainte avec la réelle difficulté de devoir décider rapidement si la réalisation des indispensables travaux de modernisation est envisageable ou non.
Les premiers redémarrages planifiés dans plusieurs années au mieux
Selon l’Asahi, même si la mise en œuvre de ces chantiers de modification était décidée rapidement, les travaux de mise en conformité avec la nouvelle règlementation Japonaise pourraient fort bien s’étaler sur plusieurs années, imposant ainsi au pays de se passer de cette énergie pour la même durée. Bref, si l’on additionne la perte de production à l’enveloppe financière à imputer aux travaux, le montant à provisionner pourrait bien représenter une barrière infranchissable pour certains des opérateurs. Eh oui, faire du nucléaire dans les meilleures conditions de sécurité (qui restent modestes) coûte beaucoup plus cher et rapporte donc beaucoup moins, sans même que l’on insiste trop sur l’épineuse question des déchets !
(5) Plusieurs années avec une production minimale d’énergie électronucléaire : c’est déjà ça de pris…
La nouvelle règlementation entrera en vigueur au mois de juillet
Longtemps accusée d’être trop lente et pas assez contraignante envers l’industrie électronucléaire, la nouvelle agence Japonaise semble avoir décidé de mesures de bon sens suffisant – théoriquement – à placer la nouvelle barre sécuritaire assez haut et de tenir compte de la majorité sinon de la totalité des leçons tirées de la catastrophe Japonaise.
Cette appréciation ne vaut évidemment que dans le cas ou de mesquins “marchandages” ne s’engagent directement entre les opérateurs non privatisés et le gouvernement Japonais, un évènement funeste qui serait plus que mal interprété par les observateurs et l’ensemble de la population Japonaise car il reviendrait à court-circuiter et à désavouer une entité investie très récemment des pleins pouvoirs.
S’il y a en effet bien une règle à observer d’un tel fiasco technique / industriel / financier / politique c’est que plus de contrôle dans le domaine nucléaire ne peut passer que par plus de contrôle des opérateurs en se rappelant que le sens originel du mot consiste à donner des consignes et à noter des observations sur un contre-rôle, c’est à dire un registre par définition strictement indépendant de celui tenu par le contrôlé !
Digression : euh, vous avez dit “radier de Fessenheim” ?
Tiens, en parlant de contrôle et de travaux à réaliser, nous n’avons pas tellement de retour de l’autorité de contrôle française au niveau de l’ultimatum fixé par cette dernière à EDF et ses désormais fameux radiers “amincis” de Fessenheim, une opération qui devrait pourtant s’avérer aussi complexe et couteuse que certaines des modifications imposées aux opérateurs Japonais !
Pour mémoire, l’ASN avait constaté lors d’une inspection en 2010 que le radier en béton de Fessenheim-1 présentait la particularité significative d’être environ 2 fois moins épais 4 que sur la totalité du parc des autres réacteurs français. L’autorité de sureté avait mis l’opérateur en demeure de remédier à cette situation avant le 30 juin 2013.
(6) extrait de la décision 2011-DC-0231 de l’ASN émise le 4 juillet 2011 (ASN)
En toute naïveté, nous avions cru comprendre qu’à la suite de négociations “tendues” entre EDF et l’ASN, l’opérateur devrait avoir terminé les travaux “d’épaississement du radier” 5 pour la date du 30 juin 2013, soit dans 75 jours ? Nous qui pensions naïvement que 1.5 m de béton ASN valaient 1.5 m de béton “ordinaire” et non les généreux “60 à 70 cm” repris dans la contre-proposition d’EDF ? Le registre du contrôlé vaut-il en France 2 fois celui du contrôleur ?
(6) Rappelons que 60 cm de béton sont dévorés en quelques heures au plus par un corium en forme
Les choses (vues du côté d’un observateur critique de ce qu’il lit) semblent pourtant évidentes : soit le radier de Fessenheim-1 égale en épaisseur et en superficie celle du “standard” des autres tranches françaises et cette condition se voit remplie, soit cet épaississement se cantonne par exemple à 70 cm au lieu des 1.5 m nécessaires et cette condition n’est qu’à demi-remplie.
Par analogie, le mur protégeant Fukushima-Daiichi d’éventuels tsunamis ne plafonnait qu’à la moitié environ de la hauteur de ce qu’il aurait du être 6, quelques centimètres avidement grignotés par l’opérateur et probablement lâchement cédés par l’organisme de contrôle Japonais, quelques centimètres qui ont marqué la limite entre un évènement gérable et la catastrophe que l’on connait.
Et l’on voudrait de nouveau valider un comportement de soumission venant d’une autorité de contrôle au niveau d’une industrie qui a pourtant prouvé son extrême dangerosité à de nombreuses occasions ?
Sources :
NRA Sets Rules For Japan’s Nuclear Future – Simply Info, 16413
New NRA safety standards may impact reactor restarts – JP times, 10413
New NRA rules impose costly roadblocks to restart idle reactors – Asahi, 11413
A Look At The Power That Failed At Fukushima – Simply Info, 131111



