Japon 2013 – Après le déluge/86

L’Isle le 28 mars:

Fukushima : une énorme concentration de Co-60 au niveau du combustible neuf prélevé dans la SFP4

Selon un document en Japonais publié par Tepco le 6 mars et traduit en anglais par Fukushima-Diary, une activité très importante de Cobalt-60 a été mesurée au niveau des débris retrouvés sur l’un des 2 assemblages de combustible neuf qui ont été ôtés de la piscine n°. 4 le 19 juillet 2012 ; vous avez dit : « Cobalt-60″ ?

(1) L’un des 2 assemblages de combustible neuf extrait de la piscine n°. 4 le 19 juillet 2012

Du gravier retiré de l’assemblage neuf très contaminé au Co-60

Le premier échantillon (4UN01) récupéré au niveau du combustible se présente sous la forme d’un sable grossier jaunâtre ressemblant à du gravier, il était situé sur la surface de l’assemblage et a été récupéré dans un filtre après le rinçage du panier à l’eau.

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(2) 4 g de ce gravier ont été récupérés pour former l’échantillon 4UN01

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(3) L’échantillon 4UN01 pèse 4 grammes et présente un débit de dose significatif (1mSv/h)

A partir de ces données, l’échantillon a ensuite été analysé par spectrométrie gamma afin de relever ses principales caractéristiques radiologiques. A la surprise générale, le principal radionucléide retrouvé n’a pas été le Césium-137 dont certains autres échantillons prélevés sur les assemblages ont confirmé un niveau allant jusqu’à 200 mille Becquerels par gramme mais le Cobalt-60 retrouvé à une concentration environ 10 fois supérieure (1.4 MBq/g, soit 1.4 GBq/kg !).

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(4) “Seulement” 1600 Bq/g de Cs-137 mais 1.4 MBq de Co-60 au niveau de l’échantillon 4UN01 !

Un tel ratio de 875 entre le Co-60 et le Cs-137 (qui peut servir de référence en matière accidentelle) semble nettement indiquer qu’un évènement radiologique particulier s’est produit au niveau de cet échantillon.

Des débris plus grossiers glissés entre 2 crayons de combustible confirment un ratio Co-60 / Cs-137 élevé

Un second échantillon a été prélevé toujours sur ce même assemblage de combustible neuf mais cette fois-ci au niveau de l’espace situé entre 2 crayons de combustible, il se présente sous la forme de cailloux beaucoup plus grossiers (probablement des débris de béton) ; cet échantillon appelé 4UN02 représente une masse de 16 g et émet un débit de dose approximatif de 300 µSv/h.

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(5) L’échantillon 4UN02 pèse environ 16 g et présente un débit de dose au contact de 0.3 mSv/h

Ce deuxième échantillon présente quant à lui une activité de Cobalt-60 de 830.000 Bq/g (0.83 GBq/kg) et un ratio Co-60/ Cs-137 de 310 environ, un peu inférieur à celui du gravier mais malgré tout extrêmement significatif.

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(6) 0.83 MBq/g de Co-60 pour “seulement” 27000 Bq/g de Cs-137 !

Le Cobalt-60, un produit d’activation de la fission nucléaire, n’a théoriquement rien a faire sur du combustible neuf

Le Co-60 est un produit d’activation c’est à dire qu’il est formé à partir du Cobalt stable (Co-59) que l’on retrouve sur les aciers de cuve ou encore les tuyauteries du circuit primaire qui s’en détache (poudrage) puis est “activé” au contact du processus de fission nucléaire par l’intermédiaire du bombardement neutronique continu qui accompagne ce phénomène.

Ce radionucléide est très intéressant à étudier car il est l’un des rare produits d’activation à être naturellement mono-isotopique c’est à dire qu’a la différence des autres produits d’activation (Nickel, Cuivre, Chrome…) il ne se retrouve dans la nature qu’à l’état de Cobalt-59 (stable) alors que, par exemple, le Nickel sous forme “naturelle” comporte 5 isotopes (58, 60, 61,62 et 64, le Ni-58 étant prédominant).

Le Cobalt-60 est donc un radioélément 100% artificiel ainsi sa métrologie ne peut être en aucun cas “perturbée” par l’activité naturelle ou encore sa filiation radioactive. Au niveau du rayonnement, une désintégration Bêta accompagne la décroissance radioactive (Co-60 > Ni-60) mais le Co-60 excité (Co-60m) libèrera également une “décharge” Gamma lors de sa désexcitation.

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(7) La désintégration du Cobalt-60 (je comprends enfin)

Une preuve d’une criticité accidentelle au sein de la piscine n°. 4 ?

Si un assemblage de combustible neuf – donc n’ayant jamais été irradié – se retrouve contaminé au Co-60, surtout à des niveaux bien supérieurs à celui du “témoin” Cs-137, on peut raisonnablement en déduire qu’il a soit été contaminé par la détérioration d’autres assemblages exposés au sein de la piscine de désactivation, soit qu’il a directement subi une réaction d’activation neutronique en piscine induite par une criticité accidentelle temporaire au sein de cette dernière.

A la lumière des énormes niveaux d’activité en Cobalt-60 communiqués, nous penchons vers cette seconde hypothèse d’autant plus que, comme nous l’avons déjà exposé, les températures proches du point d’ébullition mesurées au niveau de la piscine n°. 4 lors de la phase critique de l’accident laissent penser que les températures réelles au centre des assemblages de combustible devaient être largement supérieures, surtout en cas de dénoyage temporaire du combustible.

Même si l’alliage spécial au Zirconium (Zircaloy) utilisé dans les gainages de combustible permet de réduire la présence de Cobalt et d’autres absorbants neutroniques nuisibles à la réaction en chaine, la présence de Cobalt-59 et donc de Cobalt-60, un radionucléide extrêmement radioactif et radiotoxique (groupe 2), ne peut  être entièrement écartée, ne serait-ce que par la proximité d’aciers au Cobalt dans le bassin de désactivation (paniers, structures porteuses, “peau” métallique de la piscine), un lieu où des réactions de fission ne sont – théoriquement – pas censées se produire.


Sources :

1.4 billion Bq/Kg of Co-60 measured from debris attached to the new fuel in SFP4, “feels like grit” – Fukushima-Diary, 26313

ガレキ・伐採木の線量低減対策進捗状況 (FD Reactor Data) – Tepco, 6313

Fiche Cobalt-60 – IRSN, 2001

Le fil sur les piscines – Forum RPCirkus


Lire également :

Pourquoi Tepco voulait récupérer rapidement quelques assemblages neufs de la piscine n°. 4 – gen4, 20712

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