Japon 2013 – Après le déluge/29

L’Isle le 12 février:

Tepco a volontairement entravé les travaux de la commission d’enquête parlementaire Japonaise en mars 2012

“L’explication de Tepco s’est révélée absolument fausse et a sérieusement entravé les investigations” – l’on pourrait penser à une nouvelle attaque aussi cynique que sournoise proférée par votre site préféré ; mais non, cette attaque expéditive a été lancée le 7 février devant le parlement Japonais par Mitsuhiko Tanaka , l’un des membres de la commission d’enquête mandatée par le parlement Japonais pour faire “toute la lumière” sur l’accident de Fukushima-Daiichi.

En fait d’aider à faire la lumière sur l’accident, l’opérateur à évoqué une prétendue “obscurité totale” pour bloquer l’inspection de l’ex-réacteur n°. 1 de Fukushima-Daiichi en mars 2012

M. Tanaka avait entrepris de se déplacer avec la commission d’enquête parlementaire début mars 2012 afin de vérifier les affirmations de Tepco selon lesquelles le site de Fukushima-Daiichi et tout particulièrement l’unité n°. 1 n’avait pas souffert de dommages majeurs engendrés par le séisme de magnitude 9.0 qui a ébranlé les installations le 11 mars 2011 à 14h46.

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L’opérateur a en effet toujours soutenu que l’essentiel des dégâts avait été créé par le tsunami ayant frappé le site 45 minutes après le séisme et que le tremblement de terre n’avait pas à lui seul pu engendrer de dommages majeurs sur les installations.

Très circonspects sur ce point particulier – comme sur de nombreux autres –, la commission d’enquête indépendante mandatée par la diète Japonaise en mai 2011 a donc voulu vérifier de visul’état de l’ex-réacteur n°. 1 et tout particulièrement celui des Isolation Condenser, le système de refroidissement d’urgence passif du réacteur prenant le relais en cas de perte totale prolongée d’énergie électrique .

L’isolation condenser est un échangeur de chaleur passif spécifique aux paliers techniques BWR 2 et 3 qui est enfermé dans 2 immenses réservoirs contenant environ 100.000 litres d’eau ; ce dispositif est localisé entre les paliers n°. 3 et 4 du bâtiment-réacteur, donc une trentaine de mètres au-dessus du sol. De par sa conception technique massive et son positionnement en hauteur, il était en effet plausible que les violentes vibrations engendrées par le séisme aient endommagé ces réservoirs en les désolidarisant par exemple de leurs canalisations d’entrée ou de sortie ou en les descellant de leurs fixations.

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Certains opérateurs du site avaient en effet reporté une baisse de pression notable au niveau du réacteur n°. 1 le 11 mars 2011 vers 15h00, soit bien avant la survenue du tsunami à 15h30 ; les ingénieurs estimaient alors que cette dépressurisation pouvait provenir du circuit IC et / ou de ses canalisations endommagées par le séisme ; ils ont donc stoppé manuellement ce circuit IC le 11 mars 2011 à 15h03 afin de tenter d’isoler et de repérer la fuite ; notons en passant que cet élément déporte également – comme le tore de suppression – le circuit primaire au delà du confinement qui ne “confine” décidément pas l’intégralité de ce qu’il devrait pourtant faire !

Tepco affirmait, quant à lui, que cet arrêt du dispositif de refroidissement d’urgence de l’unité n°. 1 était du au respect d’une procédure du manuel de conduite accidentelle, une explication que la commission d’enquête a jugé “irrationnelle” dans son rapport final.

Tepco : “Ne venez pas, le bâtiment est plongé dans le noir et les radiations pourraient s’avérer dangereuses !”

L’opérateur avait alors prétexté des conditions rendant impossible l’inspection prévue, en évoquant à la fois une obscurité totale des niveaux supérieurs du bâtiment réacteur n°. 1 et un niveau de radiations incompatible avec les inspections prévues, surtout si le premier critère exposait les inspecteurs – cherchant leur chemin en tâtonnant, on a bien l’image – au second de manière prolongée.

En ce qui concerne l’argument de l’éclairage insuffisant, l’asahi a fourni un très bon dossier technique prouvant que l’explication avancée par Tepco n’était pas légitime car non seulement les niveaux 3 et 4 (affaissé) du BR n°. 1 étaient éclairés naturellement par la lumière filtrant au travers du chapiteau installé à la fin de l’année 2011 mais 5 puissants projecteurs au mercure illuminaient également les étages supérieurs où se situent les réservoirs de l’IC qui devaient être inspectés.

Cette explication fictive viserait donc uniquement à placer des bâtons dans les roues de la commission d’enquête qui aurait pu – éventuellement – relever des éléments prouvant les dégâts initiés par le séisme et infirmant ainsi les déclarations péremptoires de Tepco, des éléments repris ultérieurement en l’état par les autorités Japonaises et l’AIEA.

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Le second argument invoqué par Tepco, les “radiations considérables” qu’auraient pu affronter les inspecteurs de la commission d’enquête si d’aventure ils s’étaient égarés suite à “l’éclairage insuffisant” est par ailleurs typiquement basé sur un risque que l’opérateur n’a jamais hésité à faire courir à ses équipes techniques dans d’autres endroits du site de Fukushima-Daiichi.

Nous avions publié il y a quelque temps un billet revenant sur ces quantités “incroyables” de radioactivité estimées au niveau des étages supérieurs de l’unité n°. 1 (et n°. 2) ; il faut bien reconnaitre que Tepco n’a jamais expédié d’équipe d’intervenants au niveau du palier technique ; seuls le “robot” Quince s’est risqué à cet exercice en juin 2012 en rapportant des niveaux de débits de dose impressionnants, du moins au niveau de l’unité n°. 2 ( 0.9 Sv/h).

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“Incroyable” radioactivité au niveau de l’unité n°. 1 ?

Le fait de rajouter une enceinte extérieure plus ou moins étanche pourrait également tendre à “piéger” la radioactivité particulaire et ainsi à condamner ainsi plus ou moins définitivement le bâtiment n°. 1 , du moins de manière théorique.

A moins que cette histoire de radioactivité énorme dans les étages supérieurs des unités n°. 1 et 2 ne vise décidément qu’à empêcher – de manière très maladroite – que certains n’insistent trop lourdement sur l’extrême fragilité de ces unités anciennes implantées sur des zones fortement exposées au risque sismique et là, l’enjeu – et la réaction épidermique de Tepco – serait compréhensible pour la survie des opérateurs Japonais.

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Car, à notre connaissance, les niveaux de radioactivité mesurés par le second dirigeable “ampoule” expédié par Tepco le 24 octobre 2012 dans le sas de montée du combustible n’étaient pas si élevés que cela : de 20 à 150 mSv/h, autrement dit pas de quoi irradier “gravement et subitement” un inspecteur officiel un peu trop curieux.


Sources :

TEPCO misled Diet panel, averted quake-damage inspection at Fukushima plant – asahi shimbun, 7213

TEPCO botches apology for misleading Diet investigatory panel – asahi shimbun, 10213

Tepco misled Diet nuke crisis panel: member – japantimes / jiji, 8213


Lire également :

Rapport officiel de la Commission d’enquête indépendante sur l’accident nucléaire de Fukushima : traduction française en ligne – fukushima blog, 111112

Fukushima: le Japon crée une commission d’enquête indépendante – liberation, 24511

Fukushima : le niveau technique du BR1 trop radioactif, le couvercle du confinement endommagé ? – gen4, 3812

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