Japon 2013 – Après le déluge/11

L’Isle le 17 janvier:

Hamaoka : des crayons de combustible bien fatigués

Une inspection réalisée en 1994 sur des assemblages de combustible irradié à la centrale nucléaire de Hamaoka avait révélé au moins une fissure importante ; un nouvel examen endoscopique effectuée récemment semble avoir découvert d’autres défauts au niveau du combustible irradié dans l’un des plus anciens réacteurs Japonais. Retour sur une dégradation inquiétante de l’une des barrières radiologiques du combustible brulé dans les centrales nucléaires.

La tranche n°. 1 de Hamaoka

Le réacteur n°. 1 de la centrale d’Hamaoka était l’un des tous premiers mis en service au Japon en 1974 ; il s’agissait d’un Réacteur à Eau Bouillante General Electric Mk 1 BWR/3 de 515 MW, légèrement plus performant mais ressemblant par ailleurs beaucoup à l’unité n°. 1 de Fukushima-Daiichi.

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L’unité n°.1 (ainsi que l’unité n°. 2) ont été mises définitivement hors-service au début de l’année 2009 après avoir subi un bon nombre d’avaries dont la rupture d’une vanne HPCI en 2001 ayant entrainé un accident LOCA .

Le site d’Hamaoka est en outre situé au niveau d’une zone de subduction majeure (la faille de Nankaï) au niveau de laquelle les spécialistes Japonais prévoient une probabilité d’affaissement majeure (un séisme égal ou supérieur à 8.0) s’élevant à 90% au cours des 30 prochaines années.

1994 : au moins une fissure majeure détectée dans la partie inférieure de l’un des crayons

Dans le cadre des – longs – travaux de démantèlement de l’unité n°. 1, l’assemblage au sein duquel les défauts ont été initialement repérés en 1994 a été déplacé en janvier 2012 de la piscine de combustible irradié de l’unité n°. 1 vers celle de l’unité n°.5, opération suite à laquelle un nouveau contrôle de l’assemblage a été initié.

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Le défaut initial isolé en 1995 ; notez le bleuissement des enveloppes inférieures des crayons
selon une ligne apparemment oblique correspondant approximativement à la hauteur de la fissure

La constatation de cet endommagement de l’enveloppe de Zircaloyentourant les pastilles de combustible a été effectuée à la fin de l’année 1994, après que les techniciens en charge du contrôle de la radioactivité de l’eau du circuit primaire n°. 1 aient constaté une augmentation significative de la radioactivité dans le “cœur” ; l’assemblage défectueux fût ensuite isolé puis placé dans la piscine de désactivation n°. 1.

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Dans la famille “explications simplistes”, Chubu veut : “le problème de manutention”

Ledit assemblage fût donc déplacé début 2012 de la piscine n°. 1 dans la piscine n°. 5 où un nouveau contrôle endoscopique fût effectué. De nouveaux défauts furent identifiés à cette occasion que l’opérateur plaça – par l’une de ces pirouettes magiques du village électronucléaire – non sur le dos d’un vieillissement quelconque d’éléments anciens et probablement largement fragilisés par une réaction neutronique mais par des prétendues “contraintes mécaniques de manipulation” qui auraient déformé les crayons.

Nous voyons deux objections majeures à cette hypothèse :

1) La machine de manipulation de combustible ainsi que les “châteaux” de stockage temporaire sont conçus pour n’exercer qu’une contrainte mécanique négligeable lors de la manutention du combustible ; toute la procédure de manipulation s’effectue en outre le panier vertical ; la seule contrainte résultante éventuelle ne peut donc être qu’axiale, c’est à dire “en tension” sur l’assemblage

2) Le “bleuissement” constaté sur le premier document évoque plutôt une contrainte thermique ou à la rigueur une réaction chimique qu’une contrainte mécanique sur l’assemblage comme le signale intelligemment un commentateur averti sur le fil de commentaires enformable.com, même si ce dernier indique ensuite que la paroi des crayons ne mesure qu’environ 0.035 inch soit moins d’un millimètre d’épaisseur !

 

La dégradation inexpliquée d’une barrière d’isolement radiologique n’est jamais une bonne nouvelle !

La contrainte évoquée pourrait – à notre avis – plutôt avoir été induite soit par une amplitude thermique temporaire sortant des zones de sécurité initialement prévues pour l’alliage , soit par une usure neutronique intensive ou encore l’association de ces deux causes.

Une autre explication logique pourrait impliquer le processus de fabrication des crayons de combustible, le procédé de fabrication mécanique le plus fiable soit-il n’étant jamais à l’abri d’évènements de probabilité rare mais jamais nulle.

Quoiqu’il en soit, il faut espérer que le comportement “fuyard” de cet assemblage reste un cas relativement isolé faute de quoi la technique actuelle de stockage à moyen terme des assemblages en piscine de désactivation devra être revue, l’ensemble du combustible irradié stocké en piscine vérifié visuellement , ce qui alourdirait à coup sûr des contraintes financières déjà très préjudiciables aux installations électronucléaires vétustes ; des charges financières évidemment non provisionnées qui alourdiraient un peu plus – le coup de grâce ? – le fragile équilibre financier d’une filière déjà bien mal en point.


Sources :

Cracks found in spent fuel rods at Hamaoka nuclear power plant, enformable, 11113

Status of Hamaoka NPP Units N°. 1, 2 and 5, Chubu Electric, 191212

Nouvelle fissure sur une barre de combustible, at-s, 11113 (Japonais)


Lire également sur le même sujet :Hamaoka : des travaux anti-tsunami plus longs que prévus, gen4, 4812

La fuite en avant : la centrale d’Hamaoka va relever ses protections à 18 mètres mais un tsunami de 21 mètres est possible, gen4, 1412

Rien ne va plus à Hamaoka : l’unité n°. 5, la plus récente, pourrait être condamnée, gen4, 7812

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