Japon 2012 Apres le déluge/197

L’Isle le 27 novembre:

M. Grover, rapporteur spécial de l’ONU, estime que le Japon ne gère pas correctement la crise sanitaire

Le rapporteur spécial pour la Santé de l’ONU, M. Anand Grover, après avoir passé une dizaine de jours dans les régions touchées par la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi, a exposé ses premières constatations dans un communiqué de presse qui évoque les réponses superficielles et insuffisantes des autorités Japonaises face à une situation sanitaire manifestement alarmante.

M. Grover, es-qualité de rapporteur spécial pour les droits à la santé, a été mandaté par l’ONU pour faire le point sur la situation sanitaire du Japon de manière totalement indépendante des autorités de ce pays et il semble que sa mission ait réussi – enfin – à lever très officiellement un coin du voile très opaque qui recouvre tout ce qui touche aux conséquences de « l’accident » Japonais.

Les pilules d’iode stable n’ont pas été distribuées

M. Grover commence par regretter que l’un des rares traitements prophylactiques efficaces contre une partie des radiations n’ait non seulement pas été distribué préventivement auprès de la population concernée comme il aurait dû l’être par les autorités Japonaises, mais également que ces dernières n’aient donné aucune consigne particulière dans ce domaine, laissant les habitants concernés et les autorités locales dans l’incertitude la plus totale.M. Grover évoque la faiblesse des réponses sanitaires Japonaises devant la presse, le 26 novembre 2012

Le gouvernement Japonais a adopté une perspective trop optimiste de la situation

Le récent rapport de la commission d’enquête parlementaire – qui a travaillé de manière indépendante – a ainsi confirmé que les autorités Japonaises ont bien retardé la diffusion d’informations capitales qu’ils avaient en leur possession et qui auraient été vitales pour la mise à l’abri des populations situées dans les environs de la centrale en perdition ; cette attitude a en conséquence initié une attitude de défiance profonde de la population vis-à-vis des autorités nationales et de l’industrie nucléaire en général.Les contrôles sanitaires mis en place sont insuffisants

Même si M. Grover accueille favorablement les contrôles sanitaires mis en place par les autorités, il estime que ceux-ci sont très insuffisants à la fois sur un plan géographique et sur les catégories de population contrôlées ; l’étude épidémiologique devrait, toujours d’après l’enquêteur de l’ONU, s’étendre bien au-delà des 2 millions d’habitants de la préfecture de Fukushima et les contrôles thyroïdiens ne pas être réservés aux seuls enfants de moins de 17 ans.

Etude épidémiologique : la majeure partie du Nord-Est de l’île de Honshu devrait être concernée

Les retombées radioactives ne se sont manifestement pas arrêtées aux frontières de la préfecture de Fukushima aussi l’étude épidémiologique devrait fort logiquement s’étendre à l’ensemble des territoires contaminés. Nous avions estimé précédemment que les retombées concernaient 7 ou 8 préfectures différentes

Des contrôles continus doivent suivre les personnels travaillant sur le site bien après leur exposition

La plupart des employés affectés au chantier de Fukushima-Daiichi le sont de manière très temporaire aussi il est normal que leur suivi épidémiologique ne soit pas définitivement stoppé dès que leur contrat de travail est terminé comme cela est pratiqué actuellement.Accès intégral aux dossiers médicaux

M. Grover s’est également dit préoccupé par le fait que de nombreux habitants concernés se soient plaints de ne pouvoir accéder à leurs propres dossiers médicaux ou à ceux de leurs enfants.Une étude épidémiologique malheureusement trop étroite

Les effets recherchés par les études actuelles semblent notoirement insuffisants ; ainsi seul le cancer thyroïdien chez l’enfant est recherché alors que l’objectif devrait viser l’ensemble des maladies radioinduites dans toutes les catégories de population. M. Grover veut probablement ici évoquer l’éventail des maladies dites « probabilistes », celles dont les liens avec l’irradiation externe ou interne ne peuvent être corrélés à 100% ; ces effets « incertains » incluent une longue liste de maladies incluant par exemple des cardiopathies sévères, les conséquences génétiques, les accidents de mutation, les symptômes asthéniques (le célèbre bura-bura des hibakusha , les affections allergiques localisées ou systémiques…Tchernobyl : un mauvais exemple

L’étude Japonaise semble se baser sur l’exemple très médiocre des études épidémiologiques réalisées au cours des trois premières années suivant l’accident de Tchernobyl. « Nous ne possédons aucune donnée au cours de cette période suite à la censure (effectuée par les autorités Soviétiques) ».Le seuil de 20 mSv / an : un message trompeur

M. Grover estime que le fait d’avoir relevé après l’accident le seuil d’exposition maximale de la population de 1 mSv à 20 mSv constitue un « message trompeur » qui pourrait laisser croire qu’exposer n’importe quel individu à cette dose serait sans conséquence. Le gouvernement a également publié des brochures officielles, des livres scolaires et tenu des conférences destinées à l’information des populations dans lesquelles il est indiqué noir sur blanc que : « des doses jusqu’à cinq fois supérieures à ce seuil sont sans effets sur la santé des populations ».Des zonages insuffisants

Les autorités Japonaises ont finalement établi des zones radioactives bien plus restreintes que celles établies consécutivement à l’accident de Tchernobyl, M. Grover estime ainsi que le seuil de contamination de la Zone Rouge de Fukushima est « environ 4 fois plus élevé qu’en Ukraine ».

Ce n’est pas au gouvernement Japonais de décider des seuils de radioprotection

M. Grover tient ici un discours que nous aurions vraiment aimé entendre dans la bouche des radioprotectionnistes qui se sont trop peu exprimés dans cette triste affaire de Fukushima : est-ce à un gouvernement de décider arbitrairement, sans consultation internationale préalable et malgré un débat très vif entre experts, de modifier arbitrairement des seuils de radioprotection établis ? D’après l’enquêteur mandaté par l’ONU, ce n’était pas le rôle du gouvernement Japonais de trancher cette opposition scientifique en exprimant un choix pour un camp ou l’autre mais plutôt « d’arbitrer du côté des études les plus prudentes, en n’en omettant aucune ».ONU : le Japon ne gère pas correctement la crise nucléaire

Impliquer davantage les populations concernées

M. Grover indique également qu’il souhaiterait que les autorités Japonaises écoutent beaucoup plus les habitants non seulement avant de prendre des décisions les regardant mais également après qu’elles aient été prises, afin de vérifier leur conformité et de les rectifier si nécessaire.
Les experts n’ont pas connaissance de l’intégralité de la situation

D’après M. Grover, les experts n’ont qu’une connaissance liminaire de la situation sur le terrain aussi les communautés devraient être « beaucoup plus impliquées ».


M. Anand Grover est un avocat Indien près la Haute Cour de Bombay particulièrement impliqué dans la défense des droits sanitaires des populations mondiales. M. Grover s’est illustré dans un combat visant – entre autres – à défendre les droits des personnes souffrant du Sida dans leur misérable quotidien, notamment en défendant les patients ayant été contaminés par des transfusions sanguines, souffrant d’effets secondaires graves liés à des traitements expérimentaux ou encore s’étant vu opposer des refus de traitement par l’industrie pharmaceutique 

M. Grover a été nommé au poste de Rapporteur spécial des Droits à la Santé de l’ONU en juin 2008 et exerce depuis sa fonction avec un zèle et une attention toute particulière aux droits sanitaires les plus élémentaires des citoyens du monde vis-à-vis d’industries puissantes, du lobby médical ou encore d’États tentant d’échapper à leurs responsabilités sanitaires.


Sources :

U.N. envoy: Japan should do more for nuclear victims, asahi (AP.)

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