Tokyo le 29 octobre:
Du Xénon-133 retrouvé en Amérique du Nord prouve que Fukushima est tout sauf un accident localisé [Édité]
Une équipe Canadienne du centre pour la recherche scientifique a procédé, en mars et avril 2011 soit quelques jours / semaines après la phase aiguë de la catastrophe Japonaise de Fukushima-Daiichi, à une campagne de mesures aériennes et terrestres au niveau de lîle de Vancouver à la recherche de radioisotopes pouvant être directement reliés à la contamination émanant de lautre côté de locéan Pacifique, à plus de 7500 Km du Canada. Du Xénon-133 a été « trac頻 lors de ces mesures.
Détails intéressants sur la campagne de mesure
A la différence des campagnes de mesures Japonaises souvent très mal documentées, les Canadiens ont fourni dans leur papier pas mal de détails très clairs sur les équipements et les méthodes utilisés. On apprend ainsi (sans surprise) que les relevés ont été menés conjointement à bord dun avion Pilatus PC-12 de la police montée Canadienne volant à une altitude moyenne de 250 m et à environ 2 à 3 miles au large de la côte occidentale de lîle de Vancouver, ainsi que par des détecteurs installés sur des plateformes mobiles terrestres. Les Canadiens semblaient prendre la menace radioactive au sérieux Quen est-il exactement des mesures ?
Laéronef se tenait suffisamment loin de la terre pour éviter les interférences radiologiques éventuelles comme les concentrations naturelles de minerais radioactifs susceptibles de perturber les mesures. Le développement horizontal de la mesure sest étendu sur une distance denviron 350 km à une vitesse constante denviron 410 km/h.
Les détecteurs utilisés
Lavion était équipé dun ensemble de cinq gros cristaux NaI(Ti) 4x4x16 pouces (10x10x40 cm) qui représentaient un volume total actif denviron 20 litres (!), volume nécessaire pour obtenir une bonne sensibilité aux photons Gamma émis par les radionucléides baladeurs.
Chaque cristal était isolé sur le plan optique des autres (1) et équipé dun tube photomultiplicateur visant à amplifier la désintégration des photons entrants se déchargeant au niveau des capteurs pour en permettre le comptage ultérieur. Les cristaux dIodure de Sodium (NaI) dopés au Thallium (Ti) permettent de convertir lénergie induite par les désintégrations des radionucléides en lumière visible par le principe bien maîtrisé de la scintillation Gamma.
La bande passante énergétique de léquipement
Le spectre énergétique de léquipement utilisé par les Canadiens permettait de relever des énergies variant de 0 à 3 MeV (2), un équipement complémentaire permettant destimer linteraction des rayons cosmiques (Muons) sur le spectre 3 6 MeV.

- Le spectre « normal » relevé à lintérieur dun immeuble (Thomas Swan) : les radio-isotopes « naturels » dominent comme le K-40 (Potassium), les plomb-214 et Bismuth-214 (descendants Gamma du Radon)
La déduction du bruit de fond « naturel »
Avant de procéder au comptage et à lidentification des radionucléides recherchés, il est nécessaire de procéder à une première correction permettant de déduire grossièrement de la mesure brute le niveau du « bruit de fond » autrement dit le niveau « naturel » des différents éléments dans un contexte « normal ». Cette opération est réalisée simplement en soustrayant la courbe dun spectre considéré comme « normal » des relevés graphiques obtenus (3).
On soustrait de léchantillon analysé (marqueurs noirs, 20/3/11) le bruit de fond (rose) relevé 15 jours plus tard (21/4/11). Nous ferons remarquer que cette méthode de déduction post-analyse nest évidemment pas parfaite mais, dans un cadre accidentel, à défaut déchantillon prélevé de manière anticipée, il sagit hélas de la seule option envisageable.
Les déductions secondaires
Les muons, particules ionisantes crées lors de la désintégration des rayons cosmiques dans la haute atmosphère peuvent également influencer la mesure globale mais leurs effets principaux se produisent majoritairement dans un spectre nettement supérieur à celui des radioisotopes recherchés. Leur action est généralement considérée comme minime.
Cependant, afin de réduire au maximum une éventuelle perturbation, plusieurs relevés complémentaires ont été effectués à des altitudes supérieures afin de dresser une courbe au niveau de 250 m utilisé pour la mesure. La courbe résultante est représentée par une ligne discontinue verte sur le graphique ci-dessus.
Il est enfin souhaitable déliminer une éventuelle contamination émise par lavion renifleur lui-même, qui pourrait par exemple, dans le cas dun aéronef dédié à cette tâche, avoir été contaminé lors de campagnes de mesure précédentes. Pour effectuer cette dernière pondération, un équipement similaire est installé sur un aéronef différent et les résultats sont comparés.
Étalonnage de linstrumentation
Lun des points critiques de toute opération de quantification de radioactivité consiste à étalonner la mesure obtenue par rapport à une ou des sources connues. En effet, si lidentification des radioisotopes est facilitée par leur signature énergétique unique, la quantification qui suit cette identification est nettement plus complexe.
On peut effectuer une approche sommaire en considérant que la bande passante de la chaîne de comptage est globalement linéaire et effectuer un étalonnage restreint à laide dun nombre limité de radioéléments significatifs du spectre envisagé (4).
Dans le cadre plus strict dune étude scientifique, il est nécessaire détalonner le plus précisément possible le ou les isotopes recherchés en étalonnant finement quand lopération est possible la chaine de comptage directement au contact de sources identifiées des mêmes radioisotopes. Dans notre cas, si lon recherche le Xenon-133, il est particulièrement intéressant de calibrer lappareil directement sur une source identifiée de ce même Xénon-133.
Le Xénon-133
Le Xe-133 fait partie des gaz dits « rares » (car très peu présent naturellement sur terre), il présente une période ou demi-vie courte (5.25 jours), ce qui lamène si la source est tarie à disparaître complétement au bout denviron 2 mois. Considéré comme relativement peu radiotoxique (tableau IV) du fait de sa faible capacité dincorporation (5) ou plutôt de sa décorporation rapide (6) ; il est souvent à tort mésestimé dans les calculs de retombées (terme-source). Les gaz nobles sont en fait même si le Xénon est 50 fois plus lourd que lhydrogène en phase gazeuse les premiers radioéléments relâchés dans latmosphère car ils sont les plus mobiles des inventaires radioactifs et cette caractéristique permet de considérer globalement quen cas daccident majeur, 100% de linventaire global des gaz nobles est généralement relâché dans latmosphère.
Plus spécifiquement, à Fukushima-Daiichi, nos excellents confrères de lAIPRI ont calculé que la totalité du Xenon-133 en inventaire relâché pouvait être évalué à environ 2.4 kg (soit environ 0.5 m3) ce qui représenterait environ 400 millions de doses létales (pulmonaires ?) très généreusement dispersées dans latmosphère et ayant apparemment effectué a minima un voyage de 7500 km.
Évidemment, les zélateurs nucléocrates vous sortiront des effets de seuil comme les avocats sortent des effets de manche pour vous expliquer une nouvelle fois que les concentrations sont négligeables et ne représentent aucun danger tant que les seuils « magiques » ne sont pas dépassés ; aucun danger ? Sachez bien que cela nexiste pas en terme de radioactivité, les récentes études sur le radon et les imageries irradiantes en apportent la preuve : le lien reliant la radioactivité et le développement de cancers est bien plus direct et précis que ce que le village nucléaire aimerait bien vous faire croire encore un peu.
Synthèse des résultats de la campagne de mesure Canadienne
Les scientifiques Canadiens ont constaté lors du relevé effectué le 20 mars 2011 un pic très significatif à 81 KeV correspondant à la raie Gamma la plus marquante du Xénon-133 ; le niveau relevé alors représentait environ 6 à 7 fois la mesure détalonnage effectuée hélas ultérieurement, environ 1 mois plus tard. Au niveau activité, ceci représentait une concentration denviron 30 à 70 Bq / m3. Les concentrations les plus élevées ont été relevées au niveau de la West Coast Trail, près de la frontière Nord-Américaine.
[EDIT du 29/10] Nous apprenons dans cette autre étude scientifique américaine quune concentration de 40 Bq/m3 est 40.000 fois supérieure à lactivité habituelle du « rare » Xe-133 sur la côte Ouest de lAmérique du Nord.
Concentration en radioxénons du 1/3/11 au 31/3/11à Richmond, Wa, USA. Notez léchelle logarithmique et la valeur maximale incroyablement élevée denviron 40 Bq / m3 par rapport à la valeur « normale » mesurée à 0.1 nBq/m3 au moyen dun appareillage dédié hyper-sensible. Peut-on réellement encore parler de concentrations « inoffensives », attendues quelles représentent plus de 400.000 fois lactivité naturelle du Xénon ?
Source : Elevated radioxenon detected remotely following the Fukushima nuclear accident, Bowyer et al., Journal of Environemental radioactivity, juillet 2011
(1) Blindage réalisé à laide dune feuille daluminium facilement traversable par les rayons Gamma ; rappelons que plus la densité du blindage est faible, plus son atténuation Gamma est modérée
(2) MeV : Millions dÉlectrons-Volt ; chaque radionucléide émetteur Gamma possède une signature permettant de lidentifier formellement : 0.662 MeV pour le Césium-137, 0.081 MeV pour le Xe-133
(3) Léchantillon considéré comme « normal » étant obtenu idéalement antérieurement ou à la limite postérieurement à léchantillon analysé si lon se contente de rechercher des éléments à faible durée de demi-vie
(4) Des sources identifiées dEuropium-152 SCT sont fréquemment utilisées à cet effet car elles présentent la particularité de combiner 3 raies Gamma intéressantes situées à 0.122, 0.344 et 1.41 Me
(5) Incorporation : contamination interne par introduction de source(s) radioactives dans le corps
(6) Décorporation : le contraire, lexpulsion plus ou moins rapide des radionucléides par les voies naturelles ; dans le cas précis des gaz nobles, la dimension de leurs atomes leur permettrait déchapper presque complétement, selon les scientifiques, au piège des cul-de-sacs pulmonaires


