Japon 2012 Apres le déluge/151

L’Isle le 3 octobre:

Fuskushima : corium ou poudre noire, choisissez votre poison !

Peut-être n’en avons-nous pas assez parlé : une association de vétérans du nucléaire souhaite travailler depuis 14 mois sur l’immense chantier de Fukushima-Daiichi. M. Yamada a en effet sollicité dès le mois d’août 2011 auprès de l’opérateur Tepco l’autorisation d’intervenir avec ses collègues retraités de l’industrie électronucléaire ; cette demande visait principalement à ménager l’exposition des travailleurs plus jeunes, forcément plus sensibles aux dégâts créés par les irradiations répétées (1). L’ensemble des interventions se déroulent en effet à Fukushima au niveau d’un chantier qui n’est somme toute qu’une immense source radioactive qui rayonnera pour une très, très longue durée.

Tepco refuse fermement l’assistance de ces vétérans du nucléaire

Les 700 volontaires de SVF sont pour la plupart d’anciens travailleurs du nucléaire, certains ont même passé une partie de leur carrière dans la centrale même de Fukushima-Daiichi ; et pourtant l’opérateur refuse depuis plus d’un an de leur accorder le « droit » de remplacer ou même d’assister les travailleurs employés actuellement sur l’immense chantier de décontamination qui se prolongera probablement sur des décennies.

M. Yamada estime qu’une partie du combustible aurait pu se disperser largement sous forme de poudre, ce qui serait une catastrophe dans la catastrophe

C’est un fait peu connu : l’accident de Three Mile Island a vu environ la moitié du combustible endommagé dont une partie (environ 35%) a été retrouvée sous une forme poudreuse qui s’est incorporée dans l’eau du circuit primaire du réacteur (2) tandis qu’environ 20% l’était sous forme semi-liquide (le corium) qui s’est déposée dans le fond de la cuve sans la percer (3).

Fukushima : poudre noire ou corium, choisissez votre poison !

Du fait que les confinements des unités sont très probablement endommagés à Fukushima-Daiichi, et à condition qu’une partie du combustible se soit retrouvé sous forme poudreuse comme à Three Mile Island, M. Yamada estime que, fort logiquement, une partie de cette poudre pourrait avoir été dispersée dans l’atmosphère sous forme de particules fines et / ou entrainé dans l’environnement aquatique par l’intermédiaire des nombreuses fuites recensées depuis le début de la catastrophe.

Un travail rendu impossible et un avenir incertain

Si cette hypothèse s’avérait exacte, M. Yamada affirme que le travail de décontamination sur le site s’avérerait alors « impossible » et que l’avenir du chantier de décontamination serait plus qu’incertain.

Three Mile Island, le combustible endommagé a pu être récupéré 6 années après l’accident car il était contenu d’une part dans le circuit primaire et d’autre part dans le fond de la cuve sous la forme du corium solidifié, deux enceintes qui sont restées relativement étanches donc aux dimensions définies.

 

Interaction corium-béton dans le confinement de Fukushima-Daiichi (Tepco)

 

A Fukushima-Daiichi, si cette poudre fine s’est dispersée, il s’avérera pratiquement impossible de la récupérer ; la dispersion sous forme particulaire du carburant endommagé serait véritablement une catastrophe dans la catastrophe car cette poudre pourrait non seulement se disperser bien plus loin que ce qui était estimé avant cet accident mais également distribuer très largement des émetteurs Alpha sous une forme assimilable, ces radioéléments étant les plus radio-toxiques de tous (4) une fois qu’ils se retrouvent incorporés dans le corps humain.

La poudre noire retrouvée un peu partout au Japon serait-elle celle tant redoutée par M. Yamada ?

Nous avons parlé depuis longtemps de cette curieuse poudre noire émettant de la radioactivité Alpha et qui a été retrouvée éparpillée un peu partout autour du site accidenté et même parfois bien plus loin. Pourrait-il y avoir un rapprochement à faire entre les craintes de M. Yamada et les constatations (non-officielles pour la plupart) faites par des équipes privées sur le terrain ?

Si c’est bien le cas, les conclusions évoquées par M. Yamada au niveau de l’impossibilité éventuelle de la décontamination du site de Fukushima-Daiichi et de son avenir plus qu’incertain pourraient se retrouvées transposées à une échelle bien plus large…


(1) Les dégâts d’une exposition à une source radioactive modérée à moyenne ne sont pas immédiats mais tendent à se développer plusieurs années voire plusieurs décennies après l’irradiation ; les personnes jeunes sont donc mathématiquement et statistiquement plus exposées à une morbidité radio-induite car il leur reste proportionnellement plus d’années à vivre et leurs cellules beaucoup plus de divisions à accomplir (et donc d’opportunités de carcinogenèse dans le cas des morbidités cancéreuses)

(2) cf. Shipping fuel from TMI, GAO, p.14

(3) A TMI, l’unique cuve réacteur du REP de 900 MWe a conservé – miraculeusement et contrairement aux unités 1 à 3 de Fukushima-Daiichi – son intégrité, ce qui a permis de contenir le corium dans le confinement

(4) Les Actinides sont majoritairement émetteurs Alpha, les produits de fission (Césiums) majoritairement Bêta et les éléments radioactifs recherchés par les autorités Japonaises majoritairement… Gamma !


Sources :

Interview with M. Yastel Yamada, youtube, 27/9 (anglais)

Yastel Yamada & Skilled Veterans for Fukushima part I / part II (audio, 20min + 30 min, anglais)

Lire également :

Le dossier de l’IRSN sur l’accident de TMI (1979)

Le rapport Rasmussen (WASH-1400), dissident-media

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