L’Isle le 28 août: Problèmes de thyroïde à Fukushima : une population cobaye
Le ministre français du redressement productif, Arnaud Montebourg, a déclaré dimanche dernier : « Le nucléaire est une filière davenir ». Il naurait jamais entendu parler de Fukushima cet homme-là ? Sil avait la moindre dignité, il devrait au moins présenter des excuses publiques pour avoir tenu ces propos indécents, eu égard à ce qui se passe actuellement dans la région de Fukushima. Là, toute une population est prise en otage par le village nucléaire qui fait tout pour minimiser les problèmes sanitaires.
Le constat de la contamination en mars 2011
Deux semaines après la catastrophe de Fukushima, un groupe d’experts gouvernementaux avait conduit des contrôles auprès de 1149 enfants âgés de moins de 15 ans. Ces enfants étaient résidants de trois municipalités voisines de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, Iwaki, Kawamata et Iitate, où des niveaux élevés de radiations avaient été constatés. Au total, 44,6% des 1080 enfants dont les tests sont valides, ont présenté une contamination au niveau de la thyroïde. En effet, liode 131 va généralement se fixer dans cette glande, augmentant le risque de développer un cancer ultérieurement. Cest le second crime des autorités japonaises (le premier étant davoir laisser sinstaller les conditions de la catastrophe) : elles nont pas donné suffisamment et clairement lordre de prendre les pastilles diode dans les territoires contaminés.
Etudes épidémiologiques lancées en juin 2011 A la fin du mois de juin 2011, les autorités sanitaires ont mis en place des études épidémiologiques afin dévaluer létat de santé des personnes qui ont été exposées aux rejets radioactifs et de suivre son évolution. En théorie, les résultats de ces études épidémiologiques devraient permettre de disposer dinformations sur lincidence de certaines pathologies au sein de la population japonaise (cancers, leucémies, troubles psychologiques, thyroïdiens, hépatiques, rénaux, diabète, etc.) et dévaluer les conséquences sanitaires de lexposition de la population aux retombées radioactives. Prévues pour une durée denviron 30 ans, le pilotage de ces études a été confié à lUniversité médicale de Fukushima, présidée par le très controversé Shinichi Yamashita. Parmi ces études, lune consiste à réaliser un bilan thyroïdien pour tous les enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvaient dans la préfecture de Fukushima pendant la phase des rejets : cette étude, qui a pour principal objectif la mise en évidence dune éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde telle quelle a été observée chez les enfants exposés aux retombées radioactives de laccident de Tchernobyl, portera sur environ 360 000 enfants nés jusquau 1er mars 2012.
Les âges des enfants testés au 31 décembre 2011
Premiers résultats en janvier 2012 : inquiétants Létude publiée par la préfecture de Fukushima en janvier 2012 montrait que sur 3755 enfants, 1143 dentre eux, soit 30,4% des enfants testés, avaient des nodules ou des kystes de taille variable (jusque 20,1 mm). Or, cet état sanitaire qui doit servir d« état zéro » était déjà inquiétant au vu du témoignage de ce médecin : « En 30 ans de pratique de médecine générale en milieu rural français, je n’ai pas rencontré d’enfant ayant un nodule thyroïdien. (Juste quelques gonflements de le thyroïde à la puberté; phénomène banal). Je peux confirmer que les nodules thyroïdiens chez l’enfant sont rares. 30 % c’est beaucoup. Dans la littérature médicale on parle de 0,2 à 1,4% pour les moins de 18 ans (ce chiffre monte à 3,5 % si on réalise des examens systématiques par échographie). On aurait donc un facteur 10 ». 
Les premiers résultats (graphique IRSN)
Derniers résultats davril 2012 : alarmants Michiyuki Matsuzaki, docteur en médecine à lhôpital de Fukagawa (Hokkaido), sest penché sur létude publiée le 26 avril 2012 qui concernait 38 114 enfants. Comme il ne disposait pas détat zéro ‒ en effet, celui-ci nexiste pas réellement puisque les tests ont débuté seulement 7 mois après la contamination ‒ il a repris une étude réalisée en 2006 dans la préfecture de Nagasaki, co-écrite par Shinichi Yamashita, qui montre que sur 250 enfants âgés de 7 à 14 ans, deux enfants seulement (0,8%) avaient des kystes thyroïdiens. Or, selon les résultats davril 2012, 13 380 enfants, soit 31,1 % des enfants testés, ont un kyste thyroïdien, ce qui confirme les résultats de janvier 2012. Même si les kystes liquidiens ne signifient pas qu’il y ait une chance immédiate de cancer de la thyroïde, quelque chose danormal se passe dans la glande thyroïde de ces enfants. Doù linquiétude légitime des parents.
Une lettre de pression sur les médecins En janvier 2012, alors quil commençait à publier les premiers résultats, le chef des opérations, Shinichi Yamashita, a envoyé une lettre aux spécialistes des maladies thyroïdiennes dans tout le Japon, leur demandant de ne pas établir dautre diagnostic pour les familles concernées. La demande de Yamashita est pourtant un acte contraire à la loi médicale qui prévoit quen aucun cas un médecin ne doit refuser un examen. Ainsi, par cette démarche, ce « scientifique » démontre encore une fois sa totale soumission au village nucléaire : il veut rester le maître absolu des résultats. Pas question détablir dautres mesures qui pourraient contredire les données officielles. Une raison de plus pour sinquiéter quand on a un enfant qui a des grosseurs anormales dans la thyroïde ! De fait, comme le rapporte un article du Mainichi daté du 26 août 2012, les examens supplémentaires sont systématiquement refusés. Par exemple, Pour ses 2 enfants, une mère de 38 ans qui se refugie à Aizuwakamatsu-shi a téléphoné vainement à 5 hôpitaux qui se trouvent à Fukushima. Un pédiatre de Fukushima avoue : « Si mon diagnostic est différent de celui de lUniversité Médicale de Fukushima, cela provoquera des confusions ». Un autre de la région Aizu explique : « Ce nest pas le rôle dune clinique privée de faire disparaître des angoisses des parents ». Un troisième, qui soccupe des examens du département de Fukushima, affirme : « Le suivi réalisé par lUniversité Médicale de Fukushima sera le premier et le plus utile pour montrer des effets de la radioactivité sur le corps humain. Sils vont dans dautres hôpitaux au lieu de venir à lexamen organisé par luniversité, cela perturbera cette précieuse recherche.»
Des parents désemparés Rien ne vaut le vécu des gens pour comprendre ce qui se passe réellement pour les réfugiés de Fukushima. Voici la traduction de quelques messages de mamans inquiètes (traduction Kazumi) : 1. Jai emmené mon deuxième fils qui souffre dune thyroïde enflée à lhôpital connu pour les traitements de la thyroïde, Le médecin lui a touché la thyroïde, et a écrit effectivement sur le dossier quil a des kystes. Je lui ai dit que nous sommes de Fukushima, alors il ma dit quil na pas le droit de donner son avis aux refugiés de Fukushima. 2. Mon fils a toujours la thyroïde enflée, pas dappétit. Malgré tout, il faut lautorisation soit de la préfecture de Fukushima, soit de lUniversité Médicale de Fukushima pour le traitement. Je suis prête à payer beaucoup dargent pour le suivi, mais ce nest pas une question dargent car évidemment, mon fils est couvert de la sécurité sociale. Salaud ! 3. Bonjour. On ma dit « Demandez dabord à lUniversité Médicale de Fukushima et attendez la réponse ». Autrement dit, aucun médecin ne peut rien faire avec les habitants et les refugiés de Fukushima sans autorisation. Par conséquent, mon médecin ne ma donné ni diagnostic, ni létat actuel de ma thyroïde. 4. Mon fils sest fait refuser dans un hôpital qui se trouve à Nagano. Javais déjà eu la même expérience ailleurs aussi. Le médecin ma dit quil peut soigner un petit rhume ou une blessure, mais pas la thyroïde ni les maladies qui seraient liées à la radioactivité. Il ma aussi montré une fiche « Avis sur le suivi de la santé des habitants de Fukushima » délivrée par la préfecture de Fukushima. 5. Pour soigner les refugiés et les habitants de Fukushima, il faut absolument une autorisation de la préfecture de Fukushima qui dit que cest eux qui prennent lentière responsabilité de la santé et de la radioactivité de tous les habitants « à vie ». Cest absurde ce quils disent…
Une population cobaye : lhorreur en 2012 Le Japon a ainsi choisi délibérément de faire des expériences médicales pouvant causer la mort sur une partie de sa population. Les gens de Fukushima et les réfugiés nucléaires sont devenus des indésirables ‒ tels les hibakusha suite aux bombardements de 1945 ‒ qui nauraient pas les mêmes droits que les autres citoyens. Malgré les résultats connus de la triste « expérience » de Tchernobyl, on laisse des centaines de milliers de personnes vivre en territoire contaminé, et on leur enlève le droit de se faire examiner librement. Troisième crime impardonnable contre lhumain. MM Montebourg, Valls et consorts, cest ça le bel avenir que vous nous promettez ? Le soutien inconditionnel à lénergie nucléaire fait glisser petit à petit nos sociétés vers la barbarie, sous couvert de raison détat ou de raison économique. On sait parfaitement que les premiers cancers de la thyroïde apparaîtront dici deux ou trois ans, mais on ne fait rien. On fait semblant de ne pas savoir. Tout cela est écurant, révoltant. Les responsables de ces actes criminels devront être jugés un jour.
Le programme ETHOS Pire, le crime est organisé, et bien rôdé. On la déjà testé en Biélorussie de 1996 à 2001 et ça marche. Pourquoi ne pas recommencer au Japon avec des moyens encore plus sophistiqués ? Le programme ETHOS, financé par lEurope, qui visait entre autres au « développement d’une culture du risque radiologique pratique au sein de la jeunesse par l’école » nest autre quun programme destiné à faire accepter à la population de vivre dans une zone contaminée. La décontamination dun territoire qui a subi des retombées radioactives étant impossible et lévacuation des habitants étant trop coûteuse, le village nucléaire international a trouvé la solution : faire croire à la population quon peut vivre en zone contaminée sans danger. Résultat des courses : malgré le programme ETHOS dont tous les participants officiels se sont félicités de la réussite, la courbe de progression des pathologies na cessé de croître et aujourdhui, 40 à 80 % des enfants vivants en territoire contaminé dans la région de Tchernobyl sont malades. Au Japon, on fait semblant de ne pas savoir. On crée des programmes de décontamination qui ne marchent pas, on demande aux gens de retourner vivre chez eux, dans un environnement radioactif permanent. Et surtout, on envoie M. Jacques Lochard, qui dirigeait le projet ETHOS en Biélorussie et qui est aujourdhui président du CEPN (1), soccuper des populations japonaises ! Je vous laisse en compagnie du docteur Michel Fernex pour vous expliquer ce quil en est, sans langue de bois :
Il est clair que les Japonais doivent être sensibilisés aux dangers du programme ETHOS. Ce genre daction est fait pour neutraliser les associations indépendantes et pour endormir la population avec des actions inefficaces. Et au final, on risque de se retrouver avec un détournement dargent public au profit dune organisation qui ne sera même plus là pour compter les victimes dans quelques années.
(1) Le Centre détude sur lEvaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) est une association à but non lucratif, fondée en 1976, pour évaluer la protection de lhomme contre les dangers des rayonnements ionisants, sous ses aspects techniques, sanitaires, économiques et sociaux.
Les membres actuels de lAssociation sont au nombre de quatre : Electricité de France (EDF), lInstitut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), le Commissariat à lEnergie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) et AREVA.
Un homme se bat Pour conclure cet article, je ne peux mempêcher dévoquer le combat dun homme, Nelson Surjon, Français expatrié au Japon avant la catastrophe, réfugié nucléaire à présent, qui na jamais cessé de réclamer lévacuation des enfants de Fukushima. Il a réalisé une série de 7 vidéos sur ce thème, en exposant la situation du Japon dune manière remarquable et a lancé une pétition internationale pour demander lévacuation des enfants de Fukushima. Il est important de soutenir aussi ce combat en apportant son soutien ici, car les enfants sont les premières victimes du nucléaire : ils sont infiniment plus sensibles aux radiations. Sources : – A propos de lenquête réalisée deux semaines après la catastrophe :http://www.actu-environnement.com/ae/news/fukushima-traces-radioactives-glande-thyroide-enfants-13275.php4 – A propos de lapparition des cancers de la thyroïde à partir de 3-4 ans après une irradiation, étude de lINVS : http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_9452 – Etude de la préfecture de Fukushima publiée en janvier 2012 : http://ex-skf.blogspot.fr/2012/01/1117-children-over-30-of-3739-tested.html – A propos des nodules thyroïdiens représentant une pathologie rare de lenfant, « Nodules thyroïdiens chez lenfant » de F. Compain et A. Lienhardt-Roussie, Endocrinologie Pédiatrique à lHôpital de la Mère et de lEnfant de Limoge :http://pediatrie.forumactif.com/t229-nodules-thyroidiens-chez-lenfant – A propos du risque de cancérisation important des nodules thyroïdiens de l’enfant, « Les nodules thyroïdiens de l’enfant » de R. Coutant du Département de Pédiatrie du CHU d’Angers, publié en 2002 dans la Revue internationale de pédiatrie : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=13977118
– Rapport de lIRSN : « Fukushima 1 an après. Premières analyses de laccident et de ses conséquences » :
– Etude thyroïdienne de 2006 sur 250 enfants de la préfecture de Nagasaki :http://1am.sakura.ne.jp/Nuclear/kou131attach2.pdf – Article de Michiyuki Matsuzaki, Position Statement: What Is Currently Happening to Fukushima Children ? : http://fukushimavoice-eng.blogspot.fr/2012/07/position-statement-what-is-currently.html – Article du Mainichi daté du 26 août 2012 parlant du suivi de la thyroïde :http://mainichi.jp/opinion/news/20120826ddm003040163000c.html