L’Isle le 12 avril: Les essais de tir d’une fusée Nord -Coréenne ne semble pas faire l’unanimité dans le reste de l’Asie. Le gouvernement japonais à mis le pays en état d’alerte. Des destroyers au large d’Okinawa et les missiles « Patriot » de la capitale pour abattre « tout objet constituant une menace ». La Russie est critique et la Chine grince des dents
La fusée Nord-coréenne met l’Asie en état d’alerte
| .

Pyongyang a organisé une grande fête pour cette fin de semaine, et les voisins sont déjà au bord de la crise de nerf. La fusée nord-coréenne offre à l’Asie sa « crise des missiles », chacun y va de son avertissement ou de son appel à la raison, sans que la diplomatie ne semble avoir une quelconque influence sur le régime de Pyongyang.
Une grosse bougie
La fusée est arrimée sur son pas de tir, le satellite serait en place à l’intérieur, les réservoirs sont pleins, et depuis ce jeudi matin, la fenêtre de tir est ouverte. Les dépêches internationales se bousculent sur le sujet et on sait tout sur l’Unha-3, la troisième galaxie qui devrait décoller du pas de tir de Tongchang-ri dans le nord du pays.
Tout est donc clair, à quelques détails près, et notamment l’objectif réel de la mission. Le mois dernier, Pyongyang a une nouvelle fois étonné la communauté internationale en annonçant le lancement de Kwangmyongsong-3, un satellitedestiné à étudier la répartition des forêts dans le pays et faire des analyses météorologiques. Un cadeau technologique pour le 100ème anniversaire de la naissance Kim Il-sung, Père vénéré de la Nation, et grand-père du leader actuel Kim Jong-un.
Un concert à Pyongyang en février célébrant l’ancien Leader Kim Jong-Il qui a doté le pays de l’arme nucléaire et d’un programme balistique
Et pourtant, dès l’annonce, la communauté internationale se met en rogne. Le tir est vu comme un essai balistique déguisé qui enfreindrait de multiples résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU et viserait à doter le pays d’un missile intercontinental, capable de transporter une arme nucléaire.
Cette accusation semble être crédibilisée par les spécialistes, qui notent que la trajectoire de la fusée ne correspond aux ambitions scientifiques annoncées. Mais surtout par les mauvaises habitudes de la Corée du Nord. En 2009 le régime avait procédé à un tir similaire : les observateurs avaient conclu qu’aucun objet n’avait été mis en orbite, et le conseil de sécurité s’était réuni pour condamner l’essai.
Inefficacité diplomatique
Les Etats-Unis ont rapidement sonné la charge diplomatique. Le tir violerait aussi l’accord que Washington avait conclu avec Pyongyang le 29 février dernier. Les diplomates américains n’étaient pas dupes – on attend de voir, entendait-on alors mais c’est la population nord-coréenne qui fera les frais d’une entorse au contrat de Pyongyang. Si les essais balistiques ou nucléaires reprennent, les Etats-Unis ne livreront pas les quelques 20 000 tonnes de denrées promises à un pays marqué par la famine.
Hillary Clinton a plusieurs fois exhorté le bastion communiste de revoir ses plans qui « menacent la paix dans la région », dans l’intérêt du peuple Coréen. Le lancement donnera du crédit à l’idée que les leaders nord-coréens voient toutes les améliorations des relations avec le monde extérieur comme une menace pour la survie de leur système
Ce que la propagande Nord-coréenne annoncait, Washington en a peur. Les Etats-Unis sont à portée des nouveaux missiles nord-coréens
Le Japon et la Corée du Sud ont des réactions d’autant plus épidermiques qu’ils se trouvent aux abords de la trajectoire prévisionnelle de la fusée, et surtout sur la liste des ennemis jurés de Pyongyang.
A Tokyo, le gouvernement a mis le pays en alerte. Au large des îles septentrionales d’Okinawa, des destroyers sont prêts à intercepter la fusée. Dans la capitale japonaise, des missiles Patriot scrutent le ciel bleu avec déjà un feu vert des autorités pour abattre tout objet qui pourrait constituer une menace.
Le premier ministre Yoshihiko Noda tient à appeler la Corée du Nord à la retenue jusqu’à la dernière minute. Dans le cas contraire nous somme prêts à faire face à toute éventualité, prévient-il. En 2009, le tir du satellite fantôme avait traversé son territoire, et le gouvernement avait été accusé de laxisme.
En violet la portée théorique de la nouvelle fusée (qui atteint l’Alaska), et la trajectoire annoncée par Pyongyang
La situation est encore plus grave pour les services de renseignement de Corée du Sud. Sur la base d’observation satellite de l’activité dans les zones de test et le site d’enrichissement d’uranium de Yongbyon, Séoul prévient que le Sud pourrait procéder à un nouvel essai nucléaire une fois le lancement du missile effectué.
Les tensions montent et même la Russie, un des rares pays à recevoir les dirigeants Nord-coréens se montre critique.
Reste la Chine, qui assume son rôle de protecteur de Pyongyang en grinçant des dents. Le pays s’inquiète officiellement du regain de tension dans la région, multipliant les rendez-vous pour appeler Séoul ou Tokyo à favoriser la diplomatie.
Mais si la Corée du Nord, elle, ne semble pas pouvoir être raisonnée, c’est que Pékin n’a finalement que peu d’influence sur le programme militaire du pays le plus fermé du monde. La Chine pousse depuis longtemps son voisin rouge à se remettre à la table des négociations internationales et à ouvrir son économie, et veut à tout prix éviter une déstabilisation du régime, à qui elle fournit une part importante de ses ressources.
Les opinions extérieures ne nous intéressent pas vraiment
Pyongyang est donc plus que jamais isolé, mais plus que jamais déterminé. Le 15 avril le régime fête les 100 ans de la naissance de son père fondateur, Kim Il-Sung, et multiplie les célébrations politiques ou populaires glorifiant la dynastie Kim.
Le jeune leader Kim Jong-un a été nommé Premier Secrétaire du Parti des Travailleurs un poste jusque-là inexistant le jour de l’annonce du remplissage des réservoirs, mercredi. Son défunt père Kim Jong-Il hérite quant à lui du titre de « secrétaire éternel », lui permettant de figurer aux côtés de son propre père au panthéon national et sur les badges à la poitrine des officiels Nord-coréens.
Une fête de famille où les étrangers ne sont pas conviés. « Les opinions extérieures ne nous intéressent pas vraiment, a expliqué Paek Chang-ho, à la tête du centre de contrôle des satellite pour l’agence spatiale nord-coréenne. Il s’agit d’une question cruciale pour le développement de notre économie nationale
Le pas de tir de Tongchang-ri, près de la frontière chinoise, sous haute surveillancesatellitaire depuis le début de la semaine
Qu’il soit scientifique ou militaire, ce lancement est avant tout une arme de propagande à usage interne. Le régime prouve à son peuple qu’il peut survivre dans la relative autarcie que lui impose l’idéologie du Juche. Et il affirme au passage sa stabilité face à des voisins suspectés de vouloir profiter de la récente succession à la tête du pays pour renverser un des derniers vestiges du stalinisme.
Plus communicante qu’à l’accoutumée, les autorités nord-coréennes ont invité un des plus grands groupes de journalistes étrangers de son histoire pour assister au lancement depuis Pyongyang. Si c’était un missile, nous l’aurions enterré et nous en parlerions pas explique un officiel. Pyongyang répond aux questions mais répond fermement : toute atteinte à sa fusée serait pris comme une déclaration de guerre, ont prévenu les autorités.
Si la Corée du Nord respecte la fenêtre de tir annoncée, la fusée devrait décoller d’ici lundi. Ce Jeudi, la presse était sur le qui-vive jusqu’à midi. La fenêtre de tir est fermée pour aujourd’hui. Tout le monde peut enlever son casque et partir au café. Rendez-vous demain à la même heure, commente un journaliste américain sur Twitter.



