Tokyo le 30 mars: « LES DIX HUIT COMMANDEMENTS DE FUKUSHIMA »
Vendredi 30 mars 2012
Les faits présentés ci-dessous sont réels. Ils ont servi et servent à atténuer limpact dinformations dramatiques sur lindustrie nucléaire, voire à faire oublier aux hommes quune catastrophe de grande ampleur a lieu sur la terre, celle qui a commencé il y a un an à Fukushima.
Toutes les astuces utilisées pour cacher les données, pour minimiser les dangers, pour éviter de reconnaître les responsabilités seront évidemment réutilisables pour la prochaine catastrophe qui ne manquera pas darriver bientôt, selon les lois statistiques, à lun des 440 réacteurs répartis tout autour de la planète.
Alors voyons, quelles sont ces astuces ?
1) Effacer les données
Au Japon, les données de contamination obtenues via Speedi entre le 11 mars et le 15 mars ont été effacées « par mégarde ». Le système Speedi était sensé alerter la population rapidement en cas de pollution radioactive. Il na pas été utilisé, car les données recueillies ont été estimées « surréalistes ».
http://mainichi.jp/select/today/news/20120322k0000m040030000c.html?inb=tw
2) Etre frappé damnésie
« Je n’ai pas dormi pendant plus d’une semaine, et je ne me souviens de presque rien », a déclaré M. Haruki Madarame, directeur de la NISA (agence japonaise de sûreté nucléaire). Quand on est directeur de la sécurité nucléaire, il ny a pas besoin dassumer, il suffit dêtre amnésique.
http://bistrobarblog.blogspot.fr/2012/02/japon-16-fevrier-2012.html
3) Ne pas communiquer les informations sensibles
Si toutefois on ne peut pas faire autrement, attendre plusieurs mois, par exemple avant dannoncer la fonte des curs des réacteurs.
http://fukushima.over-blog.fr/article-fukushima-1-2-3-a-fait-3-coeurs-fondus-74602670.html
Si par hasard un organisme de sécurité vous demande la copie dun rapport, il suffit de le caviarder pour éviter dêtre reconnu responsable.
4) Une fois les curs fondus, ne jamais utiliser le mot « corium » et ne jamais parler de reprise de criticité.
Si on en parle par mégarde, se rétracter immédiatement.
http://www.yomiuri.co.jp/dy/national/T111103004770.htm
5) Surtout, ne pas diffuser les images des explosions !
La vidéo de lexplosion de lunité 4 na jamais été rendue publique.
La vidéo de lexplosion de lunité 3 ne doit plus être diffusée.
Exemples :
– Le documentaire « Fukushima » (Thierry Lefranc) ne montre aucune explosion. Pourtant cette vidéo est censée expliquer les circonstances de la catastrophe.
http://www.dailymotion.com/video/xngj0l_fukushima_webcam
– « Le déroulement de l’accident de Fukushima Daiichi » (IRSN) ne montre pas lexplosion de lunité 3. Pourtant, ce film est censé détailler le déroulement de l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi.
http://www.youtube.com/watch?v=gF19Ukb4S-I&feature=player_embedded
Et bien sûr, si une explosion dont on a malencontreusement diffusé la vidéo a une allure bizarre, a un panache noir ou est trop puissante, surtout marteler quil sagit dune explosion dhydrogène. Il nest pas nécessaire den dire plus, les gens ny connaissent rien en explosion nucléaire.
6) Nier une explosion si elle nest pas visible
Tepco a modifié sa position sur l’existence d’une explosion dans le réacteur 2 et a conclu, 7 mois après les faits, qu’elle n’a pas eu lieu. Il est en effet préférable de nier ce qui ne se voit pas. 3 explosions au lieu de 4, cest toujours ça de pris.
http://bistrobarblog.blogspot.fr/2011/10/japon-2-octobre.html
7) Faire des tours de magie pour démontrer linnocuité de la radioactivité
Par exemple, boire en public de leau de refroidissement dun réacteur nucléaire, comme la fait Yasuhiro Sonoda, secrétaire parlementaire.
http://www.atlantico.fr/pepitesvideo/depute-japonais-boit-eau-fukushima-214737.html
8) Diffuser des cartes truquées
Une carte de contamination du Japon a été diffusée, puis rapidement modifiée. Il ne faut pas affoler inutilement les populations. Il ne faut pas non plus accréditer lidée que la pollution radioactive ait pu retomber à des centaines de kilomètres de la centrale.
9) Ne jamais parler de plutonium
Ne parler que de liode et des césiums, surtout ne pas parler ni rechercher de traces de plutonium, daméricium, de strontium, etc. qui ont des périodes radioactives trop longues. Et si par hasard on retrouve du plutonium, surtout dire quil nest pas dangereux pour la santé et quil provient des essais atmosphériques des années 60. Mais en général, il faut éviter de rechercher du plutonium, ça permet de ne pas en trouver, et du coup de ne pas inquiéter la population.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/41ce34ca-692c-11e1-8096-46f518f7127c%7C15
Si on est obligé de parler de plutonium, alors il ne faut pas hésiter à mentir, à la télévision, on peut dire nimporte quoi ça passe bien et ça rassure les gens :
« Si vous comparez la toxicité, le plutonium, lorsqu’il est ingéré, n’est pas très différent de celle du sel. » (Tadashi Narabayashi)
http://fukushima.over-blog.fr/article-peut-on-boire-du-plutonium-sans-danger-81653115.html
10) Modifier les seuils légaux
Comme on ne peut pas tout manipuler et que les gens achètent des compteurs Geiger, un moyen radical est de changer les normes. Sil y a trop de radioactivité, il suffit que le gouvernement décrète des seuils plus hauts. Par exemple au Japon, les normes de radioactivité pour leau potable ont été relevées : le taux limite était précédemment de 10 Bq/litre pour le césium et liode ; il est à présent de 200 Bq/litre pour le césium et de 300 Bq/litre pour liode.
Comme la radioactivité est invisible et inodore, tout le monde ny voit que du feu !
Une autre astuce est de déplacer les sondes. Au Japon, on les a remontées entre 20 et 80 m au dessus du sol et de ce fait les mesures ont été plus faibles. Peu importe si cela conduit les enfants japonais à être exposés à 20 mSv/an ‒ comme la limite des travailleurs dune centrale nucléaire en France ‒ cela ne se verra pas. Sils tombent malades dans lavenir, personne ne pourra prouver lorigine des maladies.
http://fukushima.over-blog.fr/article-20-millisievert-an-pour-les-enfants-de-fukushima-72380817.html
11) Eparpiller les déchets radioactifs dans tout le pays
Cette technique est nouvellement expérimentée au Japon, mais ça marche ! Cela a deux avantages : dabord ça permet daugmenter en douceur le bruit de fond radioactif général sans créer de manifestation antinucléaire ; la banalisation de la radioactivité est lavenir de cette énergie ! Ensuite cette dissémination des radionucléides dans lenvironnement provoquera des maladies mieux réparties sur lensemble du territoire japonais, ce qui permettra de pourfendre lidée que la région de Fukushima a été plus atteinte que les autres, et donc que globalement, un accident nucléaire nest pas si catastrophique que ça.
Si des municipalités refusent de brûler des déchets radioactifs, proposer aux élus de plus grosses enveloppes. Lindustrie nucléaire réussit à acheter toutes les consciences, que ce soit pour la construction dune centrale, limplantation dun centre de stockage et maintenant lacceptation dincinérer ou denterrer des déchets radioactifs nimporte où.
12) Ne jamais utiliser le terme de catastrophe
Préférer les termes « accident » ou « incident » qui sont plus appropriés. Lindustrie nucléaire na pas les moyens dassumer une nouvelle catastrophe, Tchernobyl a déjà beaucoup trop coûté.
http://www.stop-nucleaire31.org/spip.php?article61
Et surtout, toujours faire lamalgame avec la catastrophe naturelle provoquée par le tsunami, cest très important de brouiller les pistes.
13) Diffuser des articles affirmant que laccident na fait aucun mort.
Il est important que ces articles soient écrits par des « experts scientifiques ».
Exemple, larticle de Michael Hanlon publié dans le Daily Telegraph et repris par de nombreux sites francophones, « Tsunami : 20 000 morts – Fukushima Daiichi : zéro mort »
http://fukushima.over-blog.fr/article-fukushima-zero-morts-etc-101593077.html
Il est primordial de diffuser cette idée que lénergie nucléaire nest pas dangereuse. Peu importe sil y a déjà eu des morts ou sil y en aura, le seul intérêt visé étant la sauvegarde des profits générés par lindustrie nucléaire.
Utiliser les hommes politiques pour diffuser ces mensonges est important, ça fait plus sérieux :
« [Le nucléaire] est une énergie qui n’a tué personne ». (Gérard Longuet)
http://lelab.europe1.fr/t/le-nucleaire-une-energie-qui-n-a-tue-personne-1233
14) Si par malheur il y a des morts, ne jamais dire que les personnes sont mortes à cause de la radioactivité.
Il existe des tas de noms de maladies, il faut utiliser un de ces noms, cest assez simple : leucémie foudroyante, infarctus, surmenage, etc.
Sinon, une astuce pour éviter de parler des décès des ouvriers est de ne pas comptabiliser les employés qui font des travaux dangereux, surtout dans les premiers mois. Il suffit dutiliser massivement des entreprises de sous-traitance, de licencier les ouvriers concernés une fois quils ont terminé leur travail et le tour est joué !
http://fukushima.over-blog.fr/article-les-disparus-de-fukushima-93065109.html
15) Organiser la vie des territoires contaminés comme si rien ne sétait passé pour faire croire à la population que tout est normal.
Exemple : organiser des marathons sur les routes et chemins contaminés de la préfecture de Fukushima. Le fait dutiliser des enfants qui nont pas conscience du danger est excellent en termes dimpact visuel : « Si les parents laissent leurs enfants respirer à pleins poumons la poussière de Fukushima, cest quil ny a vraiment aucun danger », pensent les gens qui ont connaissance de ces évènements.
Marathon de novembre 2011 : http://fukushima-diary.com/2011/11/lets-die-together-marathon/
Marathon du mois de mars 2012 : http://fukushima-diary.com/2012/03/death-marathon-again/
16) Effacer des moteurs de recherche les liens directs vers des articles trop sensibles
Ce qui est gênant avec lInternet, cest que dautres sites reprennent ces articles et que les internautes peuvent finalement y avoir accès. Il est très regrettable que la population obtienne trop dinformations sur les effets des radiations à faible dose sur la santé car des millions de personnes vivent à côté de centrales nucléaires dans le monde. Désinformer sur les faibles doses est primordial pour lavenir de lindustrie nucléaire.
Au besoin, il ne faut pas hésiter à neutraliser les scientifiques qui tendraient à prouver ces dangers.
Exemple : le professeur Bandazhevsky, recteur de l’Institut de médecine de Gomel, a été condamné à 8 ans de réclusion après avoir tenté de faire connaître ses résultats sur les faibles doses pour les enfants de Tchernobyl.
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/cata_banda_web.html
17) Et surtout, il faut à la fois minimiser et positiver ! Cest excellent pour le moral, et ça permet de ne pas à avoir à expliquer linexplicable.
Quelques exemples :
Ce nest « pas une catastrophe nucléaire » (Eric Besson, ministre de lindustrie)
11 avril 2011 : « Dans trois mois ( ) les habitants pourront théoriquement revenir » (Thierry Charles, IRSN)
http://fukushima.over-blog.fr/article-le-nouveau-pellerin-est-arrive-71748502.html
Phrase en parfaite concordance avec ce que pense Jean-Marc Jancovici : « Il ny a plus de raison sanitaire, aujourdhui, dempêcher le retour des populations évacuées à Fukushima, qui, au final, naura fait aucun mort par irradiation. »
« Le corium (…) sest retrouvé en partie au fond des réacteurs, on verra en quoi ce nest pas forcément un problème en termes dimpact environnemental. » (Olivier Isnard, IRSN)
Il faut aussi bien expliquer à la population que si on reste de bonne humeur, cela stoppe les radiations : selon le professeur Yamashita, Conseiller à la Gestion des risques de santé dus aux radiations dans la préfecture de Fukushima, « Pour dire la vérité, les radiations n’affectent pas les gens qui sourient, mais ceux qui sont soucieux. Cela a été clairement démontré par des études sur des animaux. »
« Nous souhaitons que tous viennent au Japon en toute quiétude pour travailler, étudier ou faire du tourisme. »
« Venir au Japon et acheter des produits japonais, y compris ceux produits dans les régions sinistrées, constitue le meilleur soutien à la reconstruction que lon puisse fournir. » (ambassade du Japon en France)
http://japon-gekokujo.over-blog.com/
« Nous avançons assurément vers la reconstruction et la régénération de notre pays » (Ichiro Komatsu, ambassadeur du Japon en France)
http://www.fr.emb-japan.go.jp/actualite/2012/remerciement_un_an_apres.html
18) Pour finir, une bonne couche de désinformation et le tour est joué !
Au cas où tout le reste ne prendrait pas, réaffirmer des mensonges fondamentaux du genre : « Laccident de Fukushima nest pas un accident nucléaire » (le président de la république française, Nicolas Sarkozy)
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=321997 à 9:50
Puis, produire des vidéos idylliques de ce type pour convaincre définitivement les récalcitrants, en particulier les touristes, pour leur faire croire quau paradis de Fukushima, la poussière du sol est propre, et que les enfants peuvent y jouer en toute quiétude.
Donc résumons le discours des tenants de lindustrie atomique qui veulent effacer cette catastrophe nucléaire : oui, il y a bien eu un accident à Fukushima dans une centrale nucléaire. Mais bon, cétait il y a plus dun an. En fait, il ny a pas eu de mort, et la centrale est depuis longtemps sous contrôle. Le peu de radioactivité qui sen est dégagé sest finalement dilué dans limmensité de locéan, et de toute manière la radioactivité nest pas dangereuse pour la santé. Au contraire, elle crée des paradis où il fait bon vivre et se régénérer.
Vue comme ça, elle nest pas belle la vie