Japon 2012 – Après le déluge/65

L’Isle le 8 mars: Monument ou Cicatrice, question que se posent les habitants de la préfecture de Miyagi …

Un cargo échoué pour se souvenir du tsunami japonais

07/03/2012 | Claude Lely et Zhu Li (Aujourd’hui le Japon).

Les photos du Kyotokumaru n°18, échoué dans la préfecture de Miyagi ont fait le tour du monde.Un an après la catastrophe, les habitants hésitent à en faire un monument ou à se débarrasser de cette cicatrice.

Le Kyotokumau n°18 – C. Jaime

Les côtes de la ville portuaire de Kesennuma, dans la préfecture de Miyagi, sont désertes. Le 11 mars 2011, les vagues meurtrières ont tout emporté ou presque. Seuls quelques friches d’usines de poisson tiennent encore debout, dans l’attente d’une destruction par des buldozzers déjà bien occupés.

Un an après la catastrophe, les habitants cherchent à reconstruire leur vie et leurs maisons mais le tsunami leur a laissé un souvenir imposant : un cargo de pêche de 300 tonnes et de 60 mètres de long.

Les vagues de plus de 10 mètres l’ont en effet déposé à plus d’un kilomètre du port où il était amarré. Quand les flots se sont retirés, le Kyotokumaru n°18 se dressait au milieu d’une ancienne zone résidentielle dont la totalité des maisons de bois ont été balayées.

17 navires de plus de 100 tonnes ont pendant quelques mois flottés sur la mer de débris qu’était Kesennuma, mais tous ont été démantelés… tous sauf le Kyotokumaru. Si son sort fait aujourd’hui débat au sein de la communauté, c’est que le cargo rouge et bleu fait partie des images symboliques qui ont permis au Japon et au monde de se rendre compte de la violence du tsunami.

Monument ou cicatrice ?

Les premiers concernés par le sort du navire sont bien sûr les propriétaires des terrains sur lequel le le mastodonte est stationné. Calé par quelques poutres d’acier, mais étrangement stable depuis son accostage imprévisible, il recouvre les restes de plusieurs habitations. Difficile d’envisager un futur sur place tant que le cargo n’est pas démantelé.
Dans la communauté, certains se disent impatients de le voir disparaître. La vie n’a pas complétement retrouvé sa place à Kesennuma et la zone fait partie des grands retardataires de la reconstruction : l’imposante carcasse du Kyotokumaru le rappelle sans cesse. 

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Seules les maisons construites en hauteur ont survécues

C. Jaime

Pourtant, pour beaucoup, l’image populaire du navire pourrait au contraire servir la reconstruction et la mémoire de la catastrophe. Le site attire déjà quelques visiteurs qui viennent s’y recueillir par petits groupes. Des locaux, bien sûr qui viennent y déposer des objets retrouvés dans les décombres – un ours en peluche d’un côté du bateau, une poupée de geisha de l’autre. Mais aussi des petits groupes de touristes venus de tout le Japon qui viennent se recueillir et fleurir des statuettes de divinités placées près de l’épave. 

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Statue de divinité et geisha à même le sol aux alentours du cargo

C. Jaime

 De plus en plus d’habitants se disent que le navire pourrait devenir un monument au souvenir, voire un symbole de la reconstruction. Si la municipalité hésite à entériner le projet qui pourrait s’avérer coûteux, la compagnie propriétaire du bateau s’est déclarée « prête à coopérer », renonçant à son droit de propriété, explique le Wall Street Journal.

Katsuyuki Yana, un des responsables de Gisuke Gyogyou, une entreprise de pêche, explique ne pas pouvoir prendre la décision à la place de la communauté. «  Quand ils voient le bateau, la scène du tsunami réapparaît et ils se souviennent de cette journée », explique-t-il, comprenant que « des gens ne veuillent plus le revoir ».

Investir dans le souvenir

Une controverse similaire avait éclaté à propos du Hamayuri, un bateau touristiquede 190 tonnes ayant échoué au sommet d’un petit hôtel d’Otsuchi dans la préfecture d’Iwate.

Malgré les protestations d’un groupe de professeurs qui souhaitaient que le navire soit protégé, le gouvernement local a ordonné qu’il soit retiré en mai dernier. Les coûts élevés de la préservation du site et les questions de sécurité auraient motivées ce choix.

Le Kyotokumaru peut-il attirer un tourisme salvateur dans la région sinistrée ? C’est ce que croit Masato Yamamota. Cet habitant de Kesennuma vend des répliques des différents bateaux échoués dans les préfectures de la régions, dont celle du Kyotokumaru. 850 et 1200 dollars la pièce, une liste d’attente de quatre mois pour ses clients, de quoi assurer sa propre reconstruction. 

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faire de l’original un symbole pourrait faire croître le commerce de copies

Parmi les acheteurs, beaucoup de « gens qui possédaient ou travaillaient sur les bateaux » explique-t-il, « même s’ils ont une photo, ils veulent toujours avoir un moyen de se souvenir » .

Des marins, mais pas seulement : un habitant de la province d’Aichi, à 500 km de là, lui a commandé une maquette du Kyotokumaru n°18, qu’il a vu à la télévision



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