L’Isle le 29 décembre: Le 31 décembre approche, et la presse japonaise fait le bilan de cette année mouvementée.
2011 ou « l’année du tremblement de terre »

En ce mois de décembre, la presse japonaise fait le bilan. Et pour le Japan Times, « peu importe ce que nous réserve l’année prochaine, on se souviendra longtemps de 2011.»
Janvier, le volcan du Mont Shinmoe explose pour la première fois en 52 ans. Février, c’est confirmé, le Japon perd sa place de seconde plus grande économie mondiale en faveur de la Chine. Mars…
Le 11, à 14h46, une secousse de magnitude 9.0 ébranle la région de Tohoku provoquant un tsunami qui dévaste la côte est. « Le plus important tremblement de terre depuis l’ère Meiji (1868-1912) » selon le secrétaire de cabinet Yukio Edano. 450 000 évacués, 16 000 morts, des centaines de disparus, le pays est sous le choc. Le 12 mars, c’est la panique à la centrale de Fukushima, endommagée par le tsunami de la veille. La catastrophe n’est plus naturelle, elle est nucléaire.
Neuf mois après les évènements, l’actualité du début de l’année semble presque oubliée. 2011 commence avec la catastrophe, et finit avec elle. « L’année du tremblement de terre », comme le titre le Japan Times, pourrait être un tournant pour le Japon.
Inquiétudes économiques
Économiquement, les conséquences des évènements de mars viennent s’ajouter à une situation déjà peu brillante. A peine sorti d’une période de récession en 2010, le Japon y retombe au mois de mai. Les scandales autour de Toyota et Olympus, deux géants de l’industrie japonaise, semblent confirmer le déclin de l’économie nationale. Le Yen est si fort par rapport aux autres devises que 46% des entreprises envisagent de délocaliser leurs usines de production, selon un sondage du Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie. En août, le gouvernement met en place un fond de 100 milliards pour aider les sociétés à combattre la cherté du Yen.
Entre le coût de la catastrophe et la situation économique, l’Etat aggrave une dette publique qui équivaut déjà à 200% du PIB du pays. Et le taux de chômage continue d’augmenter. En 2011, 2 millions de personnes reçoivent les aides du gouvernement, un nombre jamais atteint depuis 1951.
Mais plus que le bilan économique, ce sont les conséquences politiques et sociales de la catastrophe qui intéressent la presse nippone. Le diagnostic peut être optimiste ou pessimiste, mais un constat demeure. 2011 marquerait un changement d’état d’esprit au sein de la population japonaise.
Défiance politique
Cette année plus que jamais, les Japonais auraient perdu toute confiance en ceux qui les gouvernent. La gestion politique de la crise de mars a été l’objet de toutes les critiques, les informations officielles sont mises en doute, et pour une fois, les Japonais font entendre leur voix dans la rue. Durant l’été, de nombreux citoyens, dosimètres en main, publient leurs propres mesures de la radioactivité de l’environnement. Et en septembre, 60 000 personnes manifestent à Tokyo mettant en cause le gouvernement et l’usage du nucléaire, un nombre surprenant pour un pays peu coutumier des défilés de rue.
Depuis la catastrophe, la défiance règne, les ministres valsent. Du responsable de la reconstruction au chef du gouvernement, les démissions se succèdent. L’instabilité politique n’est pas nouvelle au Japon, Yoshihiko Noda étant le sixième premier ministre en 5 ans. Mais depuis mars, la moindre gaffe d’un politicien peut lui coûter sa place. L’ancien ministre de l’Économie Yoshio Hashiro le sait, sa réflexion sur Fukushima, « une ville de mort », lui a valu de perdre son poste, une semaine après sa nomination.
Déjà peu populaire, la classe politique peine à retrouver une crédibilité perdue dans les décombres de Fukushima. « La confiance en notre gouvernement qui existait depuis des décennies est aujourd’hui en grande partie perdue. » commente la chercheuse en sciences politiques Minoru Morita pour la Deutsche Press Agentur.
Selon une étude du cabinet McKinsey, deux tiers des 3000 personnes de moins de 35 ans interrogées déclarent n’avoir confiance « ni dans l’avenir du Japon, ni dans leur propre avenir. » 2011, année de l’anxiété et du scepticisme ?
« Kizuna » ou la solidarité
Certains préfèrent voir avant tout un renouveau de la solidarité. La catastrophe aurait provoqué une véritable prise de conscience. La vie est courte et ce qui nous y rattache sont les liens entretenus avec les autres. En mai dernier, une enquête du RIETI, centre de recherche d’Etat, présente la famille et la communauté comme les valeurs principales de la jeunesse nippone, pourtant régulièrement taxée d’individualiste.
D’après ce même sondage, 58% des jeunes de 20 à 39 ans considèrent « qu’après le 11 mars, leur conception de la vie a changé. », cela se traduisant par les milliers de volontaires qui se sont rendus dans la région dévastée de Tohoku entre mars et décembre afin de venir en aide aux sinistrés. Renouveau d’un sentiment national ?
Pour célébrer cette « prise de conscience », le caractère choisi pour symboliser 2011 est « kizuna » signifiant les liens entre personnes. Dans le sondage de la Japan’s Kanji Aptitude Testing Foundation, le caractère arrivé en second était « wazawai » ou désastre.