Fukushima : l’ex-Premier ministre japonais raconte « sa » catastrophe
Dimanche 15 Juin 2014 à 16:00
Le site Reporterre a publié cette semaine une longue interview de Naoto Kan, le Premier ministre en fonctions lorsque s’est produite la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011. Son interview nous permet de revivre la catastrophe, mais aussi et surtout « sa » catastrophe. Comment, en définitive, un haut responsable d’un pays est confronté à l’impensable. Ou plutôt à l’impensé…
« C’est le 11 mars 2011 à 5h46 que le grand séisme a eu lieu », se remémore Naoto Kan. « A ce moment, j’étais au Parlement, à la Commission des comptes, et je répondais aux questions des parlementaires. » Immédiatement, la question de la sécurité des centrales nucléaires se pose : « On nous a dit que tout s’était arrêté automatiquement et qu’il n’y avait pas de problème. » Le cauchemar qui s’ensuivra démentira bien sûr ces propos rassurants : « Quarante ou cinquante minutes après, on nous a appris que le système électrique de la centrale de Fukushima Daiichi était perdu, et que le système de refroidissement ne marchait plus. »
Face au cataclysme, le Premier ministre envisage les scénarios les plus extrêmes :« Pendant les cinq jours qui ont suivi, je pensais à [un] scénario d’évacuation de Tokyo, mais je ne le disais pas publiquement. Je retenais cette idée dans ma tête. » Naoto Kan ayant étudié la physique à l’université, il sait précisément quels risques encourt la population japonaise : « Durant les cent heures après le séisme, certains de ces réacteurs ont vu leur cœur fondre, d’autres subir une explosion d’hydrogène […] Le combustible fondu a pénétré le fond de la cuve en acier, puis au fond de l’enceinte de confinement. Si ces combustibles fondus avaient traversé le fond de la cuve de béton,[…] on n’aurait pas pu continuer à vivre à Tokyo. »
Depuis la catastrophe, l’homme politique est devenu un fervent opposant à l’exploitation de l’énergie nucléaire, allant même jusqu’à qualifier cette exploitation d’entrave à la démocratie car « pour utiliser le nucléaire, il faut un pouvoir puissant, il faut prendre des mesures de sécurité très développées, donc une très forte police, une puissance militaire, donc une solide structure de pouvoir. Son parti, le Parti démocrate, dans lequel il occupe aujourd’hui le poste honorifique de « conseiller suprême », milite pour que le Japon sorte du nucléaire à l’horizon 2030. Mais la débâcle du Parti démocrate aux dernières législatives risque de compromettre la faisabilité d’un tel projet.
