Géopolitique de l’énergie : l’équilibre du monde bouleversé
Gaz russe, nucléaire français, gaz de schiste américain, pétrole saoudien… la transition énergétique rebat les cartes au niveau mondial. Alain Juillet, expert en intelligence économique, détaille les bouleversements en cours.
Trois grandes tendances (renouvelables, nucléaire, gaz de schiste) s’affrontent et s’opposent au niveau mondial pour gérer la transition énergétique.
Option 1 : les énergies renouvelables
Abandonner les énergies fossiles parce qu’il faut préserver l’avenir, et donc allons vers les énergies renouvelables. C’est la première grande tendance, de type écologique qui a pris de l’importance et amené certains gouvernements, en particulier les allemands, à dire qu’il est temps de mettre le cap sur les énergies renouvelables.
Option 2 : le nucléaire
Comme chaque fois après une crise grave, comme celle de Fukushima, les réactions sont violentes et soulignent les dangers potentiels. bien sur une réaction très violent danger potentiel. Les partisans du nucléaire insistent sur le nombre de centrales en regard du nombre d’accident. L’intérêt du nucléaire, c’est qu’il est, de loin le moins cher actuellement de tous les systèmes énergétiques. Et qu’il n’épuise pas nos énergies fossiles.
Option 3 : le gaz de schiste
Parmi les énergies fossiles,certaines sont moins chères que d’autres, et une est en train de s’imposer, c’est le gaz de schiste qui va permettre aux États-Unis de devenir auto-suffisant dans les 15 prochaines années. Son prix de revient est très bas par rapport aux renouvelables et même par rapport au nucléaire… Ce qui permet de regagner une compétitivité très importante.
La transition énergétique pose question et si on analyse chacun des domaines, vouloir mettre le cap à 100 % sur l’un ou sur l’autre est une absurdité.
Le choix américain sur le gaz de schiste est fondamental, car les conséquences géopolitiques et économiques sont énormes.
Commençons par l’économie. Aujourd’hui, la fracturation hydraulique est très polluante, mais déjà il existe une fracturation avec des gaz, moins polluante, et tous les professionnels s’accordent pour dire que dans les cinq ans, on aura trouvé des solutions acceptables. Il n’y aura pas plus de pollution avec les gaz de schiste qu’avec d’autres systèmes de production d’énergie. Pour nous Français, la question est de savoir s’il faut attendre cinq ou six ans pour entamer les forages et les recherches.
Le coût de production du gaz de schiste est tellement bas que, quand vous en avez chez vous, le prix de l’énergie baisse et procure aux entreprises automatiquement un gain de compétitivité. Pour nous français, qui sommes incontestablement mal placés sur la compétitivité, c’est un moyen d’en retrouver. C’est ce qu’ont compris les américains, eux ont décidé de mettre le cap sur le gaz de schiste, en disant que cela va relancer l’économie. Partant de ce constat, les américains sont en train de rapatrier la plupart des industries délocalisées et donc recréent de l’emploi.
Le gaz de schiste est en train de bouleverser complètement les équilibres mondiaux
Sur le plan purement géopolitique, à partir du moment où un pays est riche en gaz de schiste – les États-Unis mais la France aussi, puisqu’on aurait d’énormes gisements, encore faudrait il le vérifier en allant forer – vous n’avez plus à l’acheter ailleurs. Pour les américains, cela signifie qu’il ne vont plus acheter au Moyen-orient, en Arabie saoudite ou ailleurs, ce qui va pénaliser les économies locales. Les américains vont abandonner cette zone. C’est ce à quoi l’on assiste aujourd’hui sur le plan politique. Les américains sont en train de négocier avec les iraniens, en plus de l’axe Tel Aviv. en abandonnant le reste parce qu’ils disent que cela suffira pour contrôler la région. C’est donc un changement géopolitique total.
Ailleurs, si vous prenez les Russes qui vivent beaucoup de l’énergie, du gaz et du pétrole, si vous les prix tombent que les achats américains ne sont pas compensés, on assistera à un appauvrissement relatif de l’exploitation minière énergétique russe. C’est exactement le même problème en Algérie, un pays qui a vécu et qui vit encore principalement de l’exploitation de ses richesses énergétiques. Supposons que la France exploite le gaz de schiste et n’achète plus ni aux russes ni aux algériens, on comprend bien que nous cela pénalisera ces pays économiquement.
Les énergies renouvelables sont de très loin les plus coûteuses. Chaque système possède avantages et inconvénients. La raison, c’est de jouer sur l’ensemble.
Avant son élection, Angela Merkel avait annoncé son intention d’arrêter le nucléaire. Mais les patrons allemands lui expliqué que cela aurait pour effet d’augmenter le coût de l’énergie de 30 % et tuerait leur compétitivité. Comme la chancelière est une femme pragmatique, elle a décidé d’un moratoire de 10 ans.
Les États-Unis jouent a fond la carte du gaz de schiste, mais conserve l’énergie nucléaire. Les anglais viennent d’acheter des centrales nucléaires, travaillent sur les énergies renouvelables, et s’intéressent au gaz de schiste puisqu’ils ont autorisé les recherches. Malgré son moratoire, l’Allemagne continue de développer les énergies renouvelables, mais pas trop vite pour ne pas tuer son économie. Sur le gaz, l’Allemagne a passé un accord extraordinaire avec la Russie pour faire passer le gaz par la mer Baltique. L’Allemagne repartira ce gaz en Europe contre paiement. Le pays a donc un intérêt lié avec les Russes sur le gaz, ils ne vont pas reculer. l’Allemagne fait une politique équilibrée en matière d’énergie.
Et en France ? Nous ne nous posons pas encore les vraies questions. Pourtant, il faut y aller vite. Pendant que nous ne bougeons pas, avec un certain nombre de blocages idéologiques, les autres avancent et nous allons nous retrouver piégés.
Propos recueillis par Arnaud Le Gal