Pourquoi le Japon refuse de solliciter l’expertise étrangère sur Fukushima
Alors que la crise semble s’enliser dans la centrale détruite, Tepco apparaît incapable de maîtriser les travaux. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’orgueil des groupes japonais impliqués dans le chantier gigantesque et réclamer une plus grande ouverture du pays à l’expertise étrangère.
Sur l’ensemble de l’année 2012, 21 appels d’offres avaient été passés au Japon pour des contrats de développement de technologies nécessaires au démantèlement des 4 réacteurs de Fukushima-Daiichi. Mais selon les statistiques de Reuters, aucun des marchés n’a été emporté par une société étrangère. A quoi tient cette situation ? A un mélange de fierté et d’arrogance des responsables japonais. « Il semblerait qu’ils ont envie de gérer cela comme une expérience scientifique et qu’ils veulent donc réinventer la roue », s’était agacé, dès l’an dernier, Jeffrey Merrifield, le vice-président de la division énergie du groupe américain Shaw Group. De fait, beaucoup d’entreprises nippones espèrent développer une nouvelle expertise en participant au chantier de Fukushima qu’elles pourraient, plus tard, faire valoir sur des marchés étrangers.
Alors que la crise semble s’enliser dans la centrale détruite, il y a plus de deux ans et demi, et que Tepco apparaît incapable de maîtriser les travaux, de plus en plus de voix s’élèvent néanmoins pour dénoncer l’orgueil des groupes japonais impliqués dans le chantier gigantesque et réclamer une plus grande ouverture du pays à l’expertise étrangère. « Face à la complexité et à l’envergure de cette crise inédite, il faudrait réunir toute l’expertise existante, d’où qu’elle vienne », martèle Mycle Schneider, un expert indépendant qui plaide, depuis des mois, pour la mise en place d’une « task force » internationale
Frustration des groupes étrangers
Officiellement, des accords de coopération bilatérale ont pourtant été signés avec plusieurs nations, et notamment avec la France, à l’occasion de sommets politiques, mais les groupes occidentaux spécialisés ne sont que rarement sollicités. Tentant toujours d’emporter des contrats auprès de Tepco, d’Hitachi ou de Toshiba qui mènent une grande partie des travaux sur le site ravagé, ces groupes étrangers refusent d’exprimer publiquement leurs frustrations, mais assurent que le démantèlement nécessiterait beaucoup moins de quarante ans s’il était mené avec les meilleurs spécialistes mondiaux du secteur. Depuis que la fuite de 300 tonnes d’eau hautement radioactive a été qualifiée, fin août, d’« incident grave » sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines) , plusieurs responsables japonais ont tout de même osé prendre la parole pour pousser leurs autorités à se montrer plus ouvertes aux solutions étrangères. Zengo Aizawa, vice-président de Tepco, vient lui-même d’expliquer que son groupe allait solliciter des experts « en dehors du pays » pour faire face aux fuites d’eau contaminée. « Nous avons besoin du soutien du gouvernement japonais mais aussi celui de la communauté internationale », a soufflé le cadre, visiblement inquiet de la récente détérioration de la situation.
