Tokyo le 1er avril:
Fukushima : lhéritage sanitaire de lopération Tomadachi
Un condensé du 4ème billet de Roger Whiterspoon revenant en détail sur lopération Tomadachi a été publié dans le Huffington Post du 18 mars 2013 ; de nombreux témoignages de marins américains y sont présentés et lon peut y déceler le niveau dalerte et dangoisse qui a accompagné le déploiement dune partie de la 7ème flotte US. au large de la baie de Sendaï le 12 mars 2011 au cours de lopération de soutien baptisée Tomadachi.
(1) La zone dopérations estimée du USS Ronald Reagan le 12 mars 2011
Le jeu du chat radioactif et de la souris qui ne voudrait pas (trop) le devenir
Le groupe naval constituant lopération Tomadachi se composait du porte-avions à propulsion nucléaire CVN-76 (USS Ronald Reagan) ainsi que plusieurs bâtiments escorteurs dont 4 destroyers, une flotte qui est arrivée sur la zone dopérations dès le lendemain de la catastrophe, soit le 12 mars vers 0500I . Il semble quune partie du groupe Tomadachi se soit approché au contact de la côte alors que le CVN-76 restait mouillé plus au large, à environ 100 nautiques (185 km) au Nord-Est de la centrale en perdition.
Après que les marins américains aient réalisé que la situation de la centrale en perdition était bien plus grave que ce que les autorités Japonaises déclaraient le 12 mars , le groupe naval US. sest repositionné à de nombreuses occasions, cherchant ainsi à ne pas être directement sous le vent emportant les particules radioactives relâchées de Fukushima-Daiichi vers lEst puis le Nord-Est à partir du 13 mars 2011.
(2) Prévisions de vent du 12 au 15 avril 2011 (météo-France / IRSN)
LE CVN-76 USS Ronald Reagan
Le CVN-76 est un porte-avions de la classe Nimitz à propulsion nucléaire, déployé en 2001 ; il embarque environ 6000 marins et présente la particularité dêtre mu par 2 réacteurs nucléaires à eau pressurisée A4W dune puissance unitaire de 100 MW à larbre.
Cette caractéristique est à souligner car elle nécessite la présence sur le bâtiment outre les traditionnels personnels NBC dofficiers et dhommes particulièrement formés aux techniques de radioprotection et de gestion de lénergie nucléaire de type civile, conservons bien ce point précis à lesprit.
(1) Nettoyage du pont du CVN-76 le 23 mars 2011
Le double aspect stratégique de la menace radioactive
Cest cet aspect particulier qui nous pousse à nous pencher un peu plus sur laventure de ces marins américains que nous avions évoqué dans un billet précédent car, même sils étaient spécialement formés et entrainés à faire face à toutes sortes de menaces radioactives, ils ont pourtant raconté longtemps après leur mésaventure comment ils se sont déclarés surpris par la situation et désemparés au cours de cet incident.
Il faut rappeler ici quune menace radioactive importante est une flèche plantée dans le flanc dun groupe militaire quelconque car elle le désorganise en profondeur et paralyse en partie ses possibilités de réaction ; en effet, sauf si les équipements de protection spéciaux sont utilisés préventivement (ce qui est peu vraisemblable), toute contamination importante des hommes et de leur équipement nécessite une décontamination, une procédure toujours longue et minutieuse.
Dans le cas particulier dun bâtiment militaire à propulsion nucléaire, le défi radiologique se complique encore car il devient délicat dapprécier, dans un environnement radiologique aussi perturbé, les différents paramètres des 2 réacteurs nucléaires embarqués et notamment les données de radioactivité et de réactivité ; et pourtant, pour séloigner au plus vite de la zone dangereuse, les réacteurs doivent tourner à plein régime
(2) Les sondes TIP/PRLM de mesure de neutrons à Fukushima-Daiichi
On nous disait que tout allait bien mais nos montres digitales sarrêtaient !
Lun des marins, le Quartier-Maitre Jaime Plym, raconte ainsi comment, alors quil était occupé sur le pont principal, sa montre digitale sétait brutalement arrêtée et comment après avoir vérifié auprès de ses collègues proches, il sest avéré que toutes les montres-bracelet digitales sétaient également arrêtées, y compris un modèle présenté comme « très coûteux ».
Lemblème du CVN-76, le pavillon national américain : contaminé et contaminant
Un autre marin, le Quartier-Maître Enis, était affecté à la gestion des pavillons du porte-avions ; après quil lui ait été ordonné de descendre le pavillon national (le drapeau américain) du CVN-76 qui était déployé sur le bâtiment depuis environ une quinzaine de jours, il a ensuite été conduit durgence auprès du service de décontamination du porte-avions, sans bien comprendre ce qui lui arrivait, et il a ensuite appris sans jamais connaitre le chiffre exact quil avait le privilège dêtre devenu après cette simple manuvre le marin le plus contaminé à bord du CVN-76.
Une décontamination en mer aussi peu efficace quà terre
Daprès lauteur de larticle qui sest appuyé sur deux experts de lUCS , MM. Lochbaum et Lyman il savèrerait impossible de décontaminer certaines surfaces poreuses comme la surface du pont denvol qui retiennent la radioactivité tout comme les toitures des maisons civiles de Fukushima, des surfaces qui savèrent simplement indécontaminables.
(3) Les marins du Ronald Reagan décontaminent le pont du porte-avions le 23 mars 2011
Le suivi médical des 70.000 américains impliqués abandonné après quelques mois de suivi
Même si elles ont diffusé initialement des informations rassurantes sur labsence dune quelconque menace sanitaire exposés, le DOD américain avait accepté de déployer un vaste plan de suivi épidémiologique des quelques 70.000 américains concernés par cette affaire, quils soient personnels marins ou civils, le suivi sétendant même au niveau des familles des intervenants.
Malheureusement, cette décision semble avoir été rétropédalée à la fin de lannée 2012, après quelques mois à peine de suivi des personnes concernées, ce qui explique probablement pourquoi les quelques 150 marins se disant aujourdhui gravement et directement affectés par les retombées de la catastrophe Japonaise sadressent directement aux tribunaux pour faire valoir leur droits.
Les marins concernés ne jugent pas que larmée américaine soit directement responsable de leurs maux mais estiment que lopérateur Tepco et les autorités Japonaises le sont au moins partiellement, ne serait-ce que pour avoir directement sollicité leur déploiement dès le 11 mars 2011] sans communiquer la gravité de la situation radiologique de la centrale de Fukushima-Daiichi le 12 mars 2011, alors que ces derniers savaient pertinemment que la situation radiologique était parfaitement désespérée.
(4) Le suivi médical des personnes concernées définitivement abandonné au 31/12/2012 (US. DOD)
Sources :A Lasting Legacy of the Fukushima Rescue Mission, Part 4: Living With the Aftermath Huffington Post, 18313 (extrait)
A Lasting Legacy of the Fukushima Rescue Mission: Part 4 Living with the Aftermath Roger Witherspoon, 15313 (Billet original et intégral)
Les 4 articles « Lasting Legacy of Fuku Rescue Mission » Roger Whiterspoon
CVN-76 USS Ronald Reagan wiki
Westinghouse A4W Nuclear Reactor wiki
Operation Tomadachi wiki (anglais)
Operation Tomodachi update, March 19 from US Navy 7th Fleet gcaptain, 19311
