Japon 2013 – Après le déluge/87

Paris le 29 mars:

Fukushima : le nouveau système de décontamination ALPS ne traitera pas le Tritium

2013-03-29_16h04_33Tepco vient de mettre en ligne les caractéristiques détaillées du nouveau système de décontamination d’eau radioactive ALPS ; très à l’écart des quelques 62 radionucléides traités, le Tritium et l’eau tritiée représentent malgré tout une menace radiologique certaine qui n’est toujours pas prise en charge par ce nouveau dispositif. Par ailleurs, la contamination initiale de l’eau (avant traitement) représente une activité de 4.1*106 Bq/cm3 soit 4 milliards de Becquerels par litre, ce qui reste énorme, compte tenu des décontaminations antérieures effectués par les systèmes Kurion / Areva / Sarry.

L’eau Tritiée : la grande oubliée !

Nous avons beau nous écarquiller les yeux, impossible de retrouver l’eau Tritiée (3H2O) dans la longue liste des 62 radionucléides traités par l’ALPS. Évidemment, le Tritium (H3) une fois incorporé dans l’eau (H2O) possède la réputation d’être relativement insaisissable mais il n’empêche que certaines installations nationales seraient capables de le faire. Malheureusement, l’exemple récent des concentrations relevées par l’ACRO près de l’usine de retraitement de La Hague (50) semble prouver que ces installations de détritiation ne sont pas efficaces voire pas installées en ce lieu précis et c’est bien dommage car de toutes les INB françaises, La Hague et Marcoule sont celles qui rejettent le plus d’eau tritiée dans l’environnement

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(1) L’ACRO vient juste de publier des chiffres inquiétants concernant le Tritium rejeté à La Hague (ACRO)

Le Tritium, une vieux contentieux atomiste

Il est utile, arrivé à ce point, de rappeler que le contentieux sur l’eau tritiée et le Tritium remonte à la grande époque de la splendeur du CEA qui a sollicité et obtenu – assez facilement – des autorités de contrôle nucléaires françaises l’établissement de normes ad’ hoc concernant les rejets admissibles de Tritium par les installations de retraitement de combustible françaises : si l’énorme centrale électronucléaire (5460 MWe) de Gravelines (59) peut ainsi rejeter en mer jusqu’à 13 Tbq/an de H3, La Hague a l’autorisation de rejeter – dans la même mer du Nord – depuis l’année 2007 jusqu’à18500 TBq/an, soit 1400 fois plus, ce qui en ferait la principale source mondiale de pollution au Tritium !

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(2) Le mythe de l’océan-poubelle est apparemment toujours d’actualité ? (IRSN)

La détritiation est cependant possible, la preuve : le Tokamak ITER

Il faut bien dire que les réacteurs expérimentaux de type Tokamak [Tokamak : du Russe TOroidal’naya KAmera s MAgnitnymi Katushkami – Chambre toroïdale à bobines magnétiques] usent et abusent – entre autres inconvénients – des noyaux légers comme le Deutérium ou le Tritium dans la création du plasma recherché pour son énergie quasi-infinie mais si peu saisissable.

Le Tritium représente ainsi une composante importante du combustible de ces réacteurs expérimentaux à fusion et, comme tout combustible nucléaire, ne se retrouve utilisé que partiellement d’où le problème évident de son traitement post-combustion.

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(3) Détritiation : c’est donc possible ? (ASN/ITER)

Le Tritium, nettement plus dangereux que ce que certains veulent nous faire croire ?

De nombreux organismes indépendants comme l’ACRO ou la CRIIRAD alertent depuis quelques années les autorités sur la nécessité de revenir sur les règlementations et les seuils de rejets de Tritium dans l’environnement pour un certain nombre de raisons dont certaines tiennent à la très mauvaise connaissance de la radiotoxicité de ce radionucléide dans le milieu marin ; le fait que certains organismes officiels essayent volontiers de noyer le poisson dans ce dossier en évoquant des notions vaporeuses de “dilution” et de “dispersion” nous ramenant à la grande époque de l’océan-poubelle, au sein duquel seuls les poissons et les crustacés semblent pour l’instant s’émouvoir.

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(4) L’un des arguments plaidant pour une réévaluation urgente de la radiotoxicité du Tritium (ACRO)

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(5) Selon la CRIIRAD, l’impact de la radiotoxicité attribuée au Tritium serait sous-estimé de 10 à 30 fois

Qu’y a-t-il de plus qu’hypocrite que de mettre en avant un principe de précaution dans certains domaines pour le dénier stoïquement dans d’autres ; la véritable précaution ne devrait-elle pas strictement se résumer à la somme de toutes les précautions ? Et à Fukushima, la précaution dans le cadre de la détritiation semble apparemment coûter cher, beaucoup trop cher…


Sources :

Overview of the Multi-nuclide Removal Equipment (ALPS) – Tepco, 29313

Concentration anormale en tritium dans l’eau de mer à proximité de l’usine AREVA – ACRO, 27313

Les risques liés au Tritium rejeté dans l’environnement sont sous-estimés – ACRO, 2008

Le diaporama sur le Tritium de la CRIIRAD – Chareyron, 2008

Le livre blanc du Tritium – IRSN ?

Deutérium et Tritium : le combustible d’ITER – ASN/ITER ?

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