Japon 2013 – Après le déluge/58

L’Isle le 11 mars:

Tepco : « Nous n’y arriverons pas sans aide »

Lors de la conférence de presse du 8 mars, le porte-parole de Tepco est revenu pour la première fois sur la certitude – affichée encore récemment avec le plus grand aplomb – d’un contrôle absolu de la situation à Fukushima-Daiichi ; l’opérateur a réclamé à cette occasion non seulement l’assistance du gouvernement et du monde scientifique Japonais mais également le prêt de main-d’œuvre de la part de l’industrie électronucléaire.

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(1) Tepco se dit « dépass頻 par le manque de main-d’oeuvre (fukushima-diary)

Tepco manque désormais officiellement de “viande à REM ”

L’appel à l’aide prononcé vendredi par Tepco tranche singulièrement avec les discours précédents où la situation, y compris sur le plan de la main-d’œuvre disponible, était présentée comme “maîtrisée” depuis le début de l’année 2012. En évoquant un manque de main-d’œuvre spécialisée, l’opérateur Japonais valide – enfin – la déclaration qui établit le fait que l’industrie électronucléaire nécessite en permanence des appoints de travailleurs “frais”, des hommes (pas de femmes à notre connaissance) choisis non en fonction de leurs compétences réelles mais qui présentent pour principale qualité de détenir un dossier dosimétrique vierge pour ne pas devenir “grillé” trop rapidement.

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(1) Les liquidateurs Soviétiques à l’œuvre en 1986, notez la pellicule “grillée” en partie inférieure

L’armée civile de liquidateurs Japonais périclite donc mais faut-il s’en féliciter pour autant ?

C’est un fait assez peu connu : Tepco avait déjà tenté de recruterdes intervenants sur le marché international mais il semble aujourd’hui que les dossiers dosimétriques des milliers de travailleurs utilisés soient déjà bourrés par deux “petites” années d’intervention sur le chantier de Fukushima-Daiichi. Qu’en sera-t-il des 40 ou 50 années à venir ? Un seul opérateur électronucléaire peut-il envisager de réquisitionner la majorité voire la totalité des ressources mondiales de main-d’œuvre électronucléaire ? Faut-il former intensivement et spécifiquement de la “viande à REM” ?

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(2) Environ 250 Euros par jour pour “griller” dans la zone rouge de Fukushima-Daiichi (fukushima-diary)

Sans “robots biologiques”, pas de calendrier de liquidation envisageable au Japon

Par le biais de la révélation de cette quête désespérée de “chair à neutrons” – une fenêtre de plus entrouverte sur l’imposture électronucléaire – le Japon commence enfin à reconnaitre l’immensité – voire l’impossibilité – matérielle de poursuivre la tâche prévue initialement : liquider Fukushima s’avère décidément bien plus difficile que liquider Tchernobyl et ce, pour une raison évidente : la “gestion complète” de l’atome nécessite non seulement des des effectifs civils, volontiers disposés à vivre plus ou moins longtemps après leur travail mais également des personnels militaires prêts à mourir “pour l’atome”.

Un exercice de lancer de poudre aux yeux qui se retourne finalement contre le Japon

Le Japon est désormais pris à son propre piège : en déclarant l’accident “contrôlé” fin 2011, les autorités Japonaises laissèrent alors maladroitement entendre que les réacteurs n’étaient plus aussi brûlants, que les conséquences étaient maîtrisées, les installations stabilisées, le risque sanitaire inexistant etc. Une année plus tard et à l’aube du deuxième anniversaire de la catastrophe de Fukushima-Daiichi, il est difficile mais indispensable de revenir au plus vite sur cette déclaration illogique pour solliciter dans la foulée l’assistance internationale la plus large possible.

Bref, le Japon doit, au même titre que les pays vivant actuellement une situation économique intenable, faire amende honorable, manger leur chapeau en passant sous les fourches caudines afin d’enclencher un processus d’assistance internationale nécessité par la gravité de la catastrophe et l’indisponibilité des moyens humains exceptionnels déployés par les Soviétiques à la suite de l’accident de Tchernobyl. A défaut, les Japonais poursuivront un bon moment leur calvaire électronucléaire et nationaliste.

Du béton, cette fois-ci pour la bonne cause

Ensevelir la totalité du site sous des milliards de tonnes de sable et de béton pourrait toujours constituer une alternative plus ou moins efficace ; cette opération fût d’ailleurs étudiée dès les première heures de la catastrophe mais écartée à la suite d’un débat obligatoirement limité par l’urgente pression atomique. L’intervention décrite serait autrement plus économique en main d’œuvre spécialisée – à condition de revoir sérieusement les zonages d’évacuation –  mais elle pourrait également permettre, dans la mesure où le combustible n’est pas entièrement déconfiné, de s’affranchir partiellement du problème majeur des fuites d’eau radioactive vers les nappes aquifère et maritime. S’il s’avère au contraire que le combustible est majoritairement déconfiné, la messe sera dite et bétonner le site ne deviendra plus alors qu’une réaction tardive et inappropriée, une de plus sur la longue liste de celles engendrées par la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi.

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(3) La réponse liquide, un tonneau des danaïdes selon le Dr Price interrogé par ABCA (daily-mail, 3/11)

La manœuvre d’ensevelissement représenterait par contre un constat d’échec majeur pour l’ensemble du village électronucléaire ; il faut donc s’attendre à ne la voir finalement déployée qu’en cas d’absolue nécessité, comme par exemple l’évocation d’une situation socio-sanitaire dramatique à la suite de la contamination avérée et étendue des nappes phréatiques.


Sources :

Tepco “Tepco can’t maintain the stable supply of Fukushima workers, needs help of the gov and industry” – Fukushima-diary, 9313


Lire également :

Les conditions de travail des intervenants de Tepco sont si difficiles qu’il n’y aura sans doute bientôt plus de « volontaires » – gen4, 28112

Fukushima worker hunting from overseas – fukushima-diary, 30512

« La centrale » – Elisabeth Filhol, prix du livre France-Culture 2010

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