Japon 2013 – Après le déluge/49

L’Isle le 5 mars:

OMS : l’imitation de Tchernobyl

L’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu dans un rapport préliminaire de 165 pages (anglais) que la catastrophe de Fukushima allait bien induire des – quelques – cancers supplémentaires dans la population qui a été exposée aux retombées de la centrale nucléaire ; l’étude, se basant en fait sur des données fortement minimisées par les autorités Japonaises, a malgré tout essuyé les protestations immédiates de Tokyo qui croit y déceler une ingérence dans ses affaires internes plutôt que les premiers éléments techniques d’une assistance sanitaire internationale au drame Japonais.

Augmentation de 70% des cancers thyroïdiens chez les filles exposées à l’âge de 1 an, mais…

Le rapport précité estime que le taux ERR s’élèverait à 0.67 (67% de cancers supplémentaires) concernant la probabilité de survenue d’un cancer de la thyroïde chez les filles âgées de 0 à 1 an et exposées (à cet âge) de mars 2011 à mars 2012 à une dose d’environ 20 mSv .

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(1) ERR vie entière, filles exposées à l’âge de 0-1 an à une dose de 20 mSV (p.59)

Fi des probabilités abstraites ! Combien de filles Japonaises de 0 à 1 an exposées seraient affectées dans la vraie vie si cette étude était réaliste ?

Très grossièrement, si nous estimons que sur les 170.000 personnes évacuées, le tiers environ aura été soumis à cette dose de 20 mSv soit 56600 habitants, la pyramide des âges reprise en p.71 nous apprend que les filles de 0-1 an représenteraient environ 310 individus (55*5.6) ; ces 310 individus présenteraient donc un taux “naturel” de 0.77% de cancer thyroïdien (2.4) et un excès de risque (ERR) estimé à environ 1.6 individu (2.4*0.67).

Pourquoi ces chiffres “bricolés” ne sont simplement pas acceptables

Ces chiffres sont à l’évidence faux, si l’on tient compte des premiers résultats des suivis thyroïdiens effectués sur les enfants de moins de 16 ans qui indiquaient que plus de 40% des enfants de Fukushima testés présentaient des nodules thyroïdiens alors que la prévalence habituelle est très faible chez l’enfant, plutôt aux environs de 1 à 2% ; notons en passant que si la prévalence de nodule est effectivement très faible chez l’enfant, ces anomalies thyroïdiennes évoluent plus fréquemment en cancer que la probabilité rencontrée chez les adultes (19-24% contre moins de 5% chez l’adulte).

(2) Anomalies thyroïdiennes chez les enfants de Fukushima : 43.1% en 2012 sur 42.000 enfants suivis

(3) Anomalies thyroïdiennes chez les enfants Japonais en 2000 (Ishigaki et al., 2001)

La guerre des chiffres a commencé après Tchernobyl

Combien de décès directement imputables à l’exposition aux retombées la catastrophe de Tchernobyl a-t-elle réellement induit ?

30 pour l’UNSCEAR (2001), 4000 décès “éventuels” selon l’étude du Dr Cardis du CIRC , un chiffre repris tel quel par l’AIEA , 16.000 pour l’OMS en 2006, 45.000 pour les verts Anglais125.000 pour les époux Belbéoch en 1993, 200.000 en 2006 selon l’ONG Greenpeace, 750.000 selon l’étude de Yablokov et Nesterenko A. et V., publiée en 2009 dans le très officiel bulletin de la New-York Academy of Sciences.

Morbidité et Relation Linéaire Sans Seuil

Une étude réputée (Benner et al., 2003) portant sur les survivants d’Hiroshima-Nagasaki a établi que chaque dose d’exposition Gamma de 100 mSv induisait directement un risque supplémentaire au niveau des doses « moyennes » d’environ 6% (0.06) dans une population exposée par rapport à une population-témoin. La relation entre dose et effets (cancers) n’est pas particulièrement linéaire car il semble exister une “prime” aux faibles doses ; ainsi une exposition à une dose de 100 mSv équivaut à une ERR de près de 10% (+0.1), alors qu’une dose de 400 mSv (0.4 Sv) représente un accroissement du risque d’environ 25% (+0.25, soit +0.6 par Sv).

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(4) La relation dose / effet n’est pas particulièrement linéaire au niveau
des faibles doses dans l’étude Benner et al. (source : IRSN)

Un ratio maladie / décès estimé très grossièrement à 0.5

Le rapport entre la morbidité (le fait de découvrir une pathologie cancéreuse radioinduite ou non) et le décès induit par ce cancer dans un délai de 5 années est estimé à environ 0.5 , c’est à dire encore qu’environ un cancer diagnostiqué sur deux induira le décès du sujet dans un délai de cinq années.

La palette complète des outils de minimisation : doses, relation sans seuil, calculs résumés à l’exposition externe, pas d’effets sur l’ADN, pas d’autres maladies étudiées…

A cette incertitude prolongée sur l’effet des faibles doses – malgré d’interminables débats scientifiques – s’ajoutent plusieurs autres éléments qui pondèrent, volontairement ou non, l’approche menée par l’OMS : citons prioritairement les estimations de doses efficaces d’exposition, l’oubli du calcul de la dose obligatoirement engagéepar les noyaux légers (les gaz nobles), moyens (iode particulaire, césiums, Strontium-90…) et probablement également une fraction des noyaux lourds (combustible fragmenté en nanoparticules). Nous y reviendrons en détail un peu plus bas.

L’argument généralement utilisé par les études “officielles” comme celle de l’OMS consiste à prétendre que les effets des faibles doses sont généralement négligeables et ne représentent pas – en nombre de malades – des évènements significatifs et quantifiables (autrement dit, il s’avère difficile de couper des individus en centièmes).

Seulement, voilà : dans une progression arithmétique, si nous additionnons rien à rien un minimum de fois, nous arrivons finalement à un décalage parfaitement quantifiable (trois fois rien, ce qui représente évidemment quelque chose, dirait Raymond Devos).

Premièrement, le calcul des doses externes est probablement très minimisé :  si nous validons les données des relevés individuels et même celles transmises par certaines balises automatiques situées aux environs du site, le ratio entre ces dernières et les chiffres officiels pourrait s’établir de 2 à 5. Autrement dit, pour une dose externe efficace officiellement positionnée à 20 mSv, la dose efficace réelle pourrait atteindre 50 à 100 mSv .

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(5) 0.275 µSv/h sur la balise, 1 µSv/h pour le contrôleur indépendant, le compte y est-il ?

Deuxièmement, l’appréciation des doses engagées qui ne serait pas prise en compte, du fait de l’explication évoquée plus haut. Ainsi, après plusieurs lectures du rapport précité, nous n’avons pas été en mesure de retrouver un relevé concret d’exposition interne chez les populations étudiées mais juste des reconstitutions arbitraires de dose engagée à partir des doses efficaces.

Troisièmement, la minimisation de la linéarité : dans certaines études, les effets des doses dites “faibles” sont ainsi affectés d’un coefficient de 1.4 à 1.6 (cf. fig. 4 : 10% d’ERR à 100 mSv mais 6% seulement à 400 mSv).

Quatrièmement, la minimisation des retombées artificielles par l’augmentation du bruit de fond “naturel” : le document semble curieusement valider une valeur pondérée de radioactivité mondiale (2.4 mSv/an, p. 52) alors que la région de Fukushima ne représentait antérieurement à l’accident qu’un débit de dose inférieur à 0.4 mSv/an (45 nSv/h).

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  (6) Que diable vient faire cette remarque “bruit de fond naturel mondial de 2.4 mSv/an”
alors que la radioactivité “naturelle” était de 0.4 mSv/an avant l’accident à Fukushima ?

Conclusion (provisoire)

Le village nucléaire mondial fait évidemment tout ce qui est en son pouvoir pour minimiser, après celles de Tchernobyl, les conséquences de la catastrophe de Fukushima ; l’OMS, en reprenant les éléments bruts transmis par l’opérateur et les autorités Japonaises ne valide pas seulement des modes d’étude épidémio-radiologique désuets et trompeurs mais rajoute une espèce de seconde couche, l’ensemble faisant penser à une certaine organisation du mensonge ou tout au moins à une coalition de très haut niveau s’affirmant contre la vérité nucléaire en usant de tous les artifices possibles, usant et abusant d’imprécisions et d’approximations pseudo-scientifiques.

Ceci dit, la désapprobation immédiate des autorités Japonaisessemble prouver que même très minimisée, toute déclaration allant légèrement au-delà de leur discours sanitaire ahurissant (zéro conséquence sanitaire de la catastrophe) leur semble éminemment critique et profondément injuste.


Sources :

Évaluation des risques pour la santé de l’accident nucléaire, résumé d’orientation – OMS, 2013

Health risk assessment (from FD accident) – texte intégral en Anglais, WHO, 2013

Cancer risk 70% higher for females in Fukushima area, says WHO – theguardian, 28213

Fukushima: hausse du risque de cancer selon l’OMS – sciencesetavaenir, 28213

Fukushima: hausse du risque de cancer selon l’OMS, Greenpeace critique – liberation (AFP) 28213

Tokyo critique l’étude de l’OMS – lepoint, 1313

Urinary iodine levels and thyroid diseases in children; comparison between Nagasaki and Chernobyl – Ishigaki et al., 2001

Fukushima Thyroid Examination Part 2 – résultats des examens de 2012, 17912

Prise en charge d’un nodule thyroïdien chez l’enfant – jle, 142


Lire également :

Japon : cachez ces nodules que les autorités ne sauraient voir – gen4, 101112

Fukushima : l’irradiation de Futaba aurait en fait débuté plusieurs heures avant la première « dépressurisation » – gen4, 23213

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