Dimanche 24 février:
Fukushima deux ans après
LACRO édite une excellente analyse de la situation à Fukushima deux ans après le début de la catastrophe nucléaire. Une vue densemble où tous ces points sont abordés : contamination, décontamination, responsabilité de lexploitant, populations touchées, pollutions fluviales et marines, etc. à partir du formidable travail de collecte dinformations effectué quotidiennement sur le site de lassociation à la page : « La catastrophe de Fukushima au jour le jour ». Une base de données incontournable pour les historiens contemporains !
Voici quelques extraits de la synthèse.
Fukushima, deux ans après, retour à lanormal
ACRO, 23 février 2013
(extraits)
Les autorités japonaises rêvent dune catastrophe réversible : le gouvernement a engagé un immense programme de « décontamination » et a promis un retour à une partie des 160 000 personnes qui ont quitté leur habitation pour fuir les dangers de la radioactivité. Dans dautres zones, non évacuées, mais aussi contaminées de 8 régions du Japon, ce sont les municipalités qui ont la charge des travaux qui consistent à laver, frotter, couper les herbes, arbustes, gratter la terre Pour les zones évacuées, le gouvernement a lancé des appels doffres et ce sont les majors du BTP, sans aucune expérience, mais pouvant mobiliser une large main duvre, qui ont été retenues. Lune dentre elles avait la charge du génie civil lors de la construction des réacteurs de la centrale de Fukushima. Comme toujours, ce sont des sous-traitants qui font les sales travaux.
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Seul lappât du gain intéresse les compagnies retenues, qui nont subi aucune sanction. Personne na été sanctionné suite à cette catastrophe. Les cadres dirigeants limogés de TEPCo, lexploitant de la centrale accidentée, se sont recasés dans des filiales et la compagnie espère toujours pouvoir continuer à exploiter son autre centrale nucléaire. On retire le permis de conduire à un chauffard, pas à un exploitant du nucléaire. TEPCo, saccroche à ses 7 réacteurs de sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa, sur la mer du Japon, dans la province de Niigata, même si deux dentre eux sont situés sur une faille sismique qui a été requalifiée en faille active suite aux révisions des critères de sûreté. Les autres, à eau bouillante, de la même technologie que ceux de Fukushima, nécessitent des investissements massifs et des années de travaux de remise aux normes durcies par la nouvelle autorité de sûreté. TEPCo na pas renoncé non plus à ses réacteurs non accidentés de Fukushima, même sils ont été noyés par de leau de mer corrosive lors du tsunami de mars 2011 et même si les autorités locales nen veulent plus. Des milliers de travailleurs y sont exposés à des doses inutiles pour tenter de les remettre en état de marche.
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Pour les populations touchées par la catastrophe la vie est toujours anormale. Les déplacés volontaires ne bénéficient de quasiment aucune aide. On ne sait même pas combien ils sont, nombre dentre eux nallant pas senregistrer sur le nouveau lieu de vie. Pour ceux qui sont restés par force ou par choix, la vie dans les territoires contaminés est difficile. Lalimentation est toujours un sujet dinquiétude. Les enfants ne jouent presque plus dehors et prennent du poids. Pour les réfugiés, qui ont dû évacuer sur ordre des autorités, la vie est aussi difficile dans le logement provisoire, souvent exigu. Comment refaire sa vie quand on ne sait pas combien de temps cette attente va durer, quand on ne sait pas si lon pourra rentrer un jour chez soi ? Pour les agriculteurs, lespoir de retrouver une ferme est très mince.
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La mer continue à se contaminer sans que lon ny puisse rien. Les infiltrations deau souterraine polluent le rivage sur le site de la centrale et le lessivage des sols par les eaux de pluie entraîne une augmentation de la contamination des sédiments dans lembouchure des fleuves. Cest particulièrement flagrant dans la Baie de Tôkyô où la contamination croît de jour en jour. Le pire est peut-être à venir : TEPCo est contrainte dinjecter dénormes quantités deau pour refroidir les combustibles fondus des réacteurs 1 à 3 de la centrale de Fukushima daï-ichi. Cette eau se contamine, sinfiltre dans les sous-sols des bâtiments réacteur et menace de déborder dans la mer. TEPCo la pompe donc continuellement, la décontamine très partiellement et la réinjecte. Mais de leau souterraine sinfiltre aussi, se contamine et augmente les stocks. La compagnie ne sait plus où mettre les cuves pleines deau contaminée sur son site. Elle na dautre perspective que de la rejeter en mer à plus ou moins longue échéance, après une décontamination plus poussée, promet-elle, mais toujours partielle. La station de traitement, prévue pour septembre 2012, ne fonctionne toujours pas.
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Quant aux habitants évacués, ils nen peuvent plus. Ils ne croient plus à un retour à la normale. De nombreux habitants, surtout ceux avec de jeunes enfants, se sont résignés et ne rentreront jamais. Quelle sera leur vie quand les indemnités sarrêteront ? Quel sera leur état de santé à long terme ? Il y a déjà, officiellement, trois cas de cancer de la thyroïde avérés chez les enfants de Fukushima, qui ont subi une intervention chirurgicale. 7 autres cas suspects sont en cours danalyses complémentaires. Cela ne va quempirer, le pic du nombre de cas étant apparu 4 à 5 ans après les rejets massifs à Tchernobyl.
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Quest-ce que lACRO ?
Créée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986, l’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l’Ouest) est une association d’information et de surveillance de la radioactivité, dotée d’un laboratoire d’analyse et agréée de protection de l’environnement. L’association publie une revue trimestrielle d’information, l’ACROnique du nucléaire, organise des conférences publiques et tente de répondre à de nombreuses demandes de renseignements.
Photo d’entête : Prise de vue panoramique au niveau arasé de l’unité 4 (source)