Japon 2013 – Après le déluge/10

L’Isle le 15 janvier:

Asahi : la décontamination ratée de Fukushima-City, 300.000 habitants

Selon le quotidien Asahi Shimbun, deuxième tirage Japonais, les autorités de la ville de Fukushima, 300.000 habitants, n’auraient pas respecté les engagements pris par son conseil municipal à la suite de la catastrophe de Fukushima-Daiichi ; les décontaminations effectuées ne suivraient pas en outre les consignes données par les autorités nationales. Retour sur la suite d’articles de l’Asahi consacrée à « la décontamination bancale ».

Une décontamination théoriquement obligatoire au-delà du seuil de 1 mSv/an, hors « bruit de fond »

Le seuil retenu par le gouvernement Japonais est fixé à 1 mSv / an soit 0.23µSv/h, non tenu compte de la radioactivité « naturelle » c’est à dire celle constatée au même endroit antérieurement à l’accident. Le débit de dose pré-accidentel était fixé à environ 0.1 µSv/h, ce qui correspond à une débit de dose annuel un peu inférieur à 1 mSv et nous donne une différentiel post-accidentel de 0.13 µSv/h. La radioactivité induite par l’accident dépassant en fait ce seuil sur la quasi-totalité du territoire de la ville de Fukushima, le gouvernement municipal avait décidé de procéder à la décontamination de 90.000 habitations mais il s’avère qu’à ce jour seulement 4000 habitations environ aient été traitées et souvent dans des conditions non conformes au cahier des charges réalisé par le Ministère de l’Environnement Japonais.

Une décontamination bâclée au nettoyeur à haute pression

Les entreprises mandatées par la municipalité de Fukushima utiliseraient volontiers le Karcher sans pour autant récupérer les effluents liquides comme la réglementation adéquate l’imposait. Des essais de récupération des effluents avaient été réalisés grâce à l’aide de sacs de sable drainant les liquides vers des sacs de Zéolite ; ce n’était pas parfait mais cette technique permettait au moins de récupérer une partie des radionucléides et de faire au moins semblant de respecter les consignes officielles de décontamination.

Les autorités municipales ont elles-mêmes reconnu que cette technique minimale n’avait était mise en oeuvre qu’au niveau de 300 chantiers environ réalisés dans l’Est de la ville. Le principe même d’utilisation d’un nettoyeur à haute pression a été très souvent critiqué par les spécialistes de la question car il semblerait être beaucoup plus efficace de nettoyer les surfaces contaminées avec des tissus afin de récupérer un maximum de radionucléides. D’après les autorités, les habitants seraient eux-mêmes demandeurs de la solution à haute pression car l’aspect du chantier terminé serait beaucoup plus « propre » ! S’agit-il de rendre des toitures nettes ou de les débarrasser, même provisoirement, même incomplètement de leur contamination radioactive ?

Des consignes de décontamination difficilement exploitables sur le terrain ?

Le responsable en charge de l’un de ces chantiers de décontamination à Fukushima a déclaré, interrogé par les enquêteurs de l’Asahi : « Du fait que des quantités importantes de radiocontaminants ont déjà été dispersées dans les égouts et les rivières par les vents et les pluies, je ne vois pas d’utilité réelle au travail de collecte et de récupération des effluents liquides engendrés par le travail de décontamination ». De même, l’un des animateurs du Forum de la Radioprotection, une ONG impliquée officiellement dans les travaux aurait déclaré qu’il estimait que l’impact des effluents de nettoyage sur l’environnement ne serait pas si important, tout en précisant que si cette récupération avait été convenue à l’origine il existait une obligation morale qui engageait les autorités.

Un autre expert, le Professeur Kunihiro Yamada de l’université de Kyoto estime quant à lui qu’il est techniquement impossible de collecter l’intégralité des eaux radiopolluées et qu’il existe également de limites pratiques au stockage desdits effluents récupérés ; M. Yamada précise encore que la réponse de nettoyage à haute pression est, d’après lui, mal adaptée au problème et qu’un brossage physique à l’aide de matériaux absorbants serait beaucoup plus efficace sur le terrain.

Une réplique de décontamination superficielle et cosmétique observée sur le chantier de Fukushima-Daiichi ?

Ces chantiers de décontamination à l’évidence bâclés ne sont pas sans nous rappeler que la majeure partie des travaux réalisés sur le colossal chantier de Fukushima-Daiichi ne visent, après tout, qu’à sauver les apparences en faisant croire que quelqu’un est en charge du problème, que des réponses sont apportées journellement et que les responsables en charge de tout ce gâchis s’activent en permanence à réparer les dégâts ; c’est bien entendu un mirage de plus car ce double problème de contamination, quasiment insoluble ne pourra à l’évidence être résolu selon des formules traditionnelles.

La première des étapes à franchir serait d’avouer la réalité du problème, autrement dit que les autorités Japonaises admettent enfin qu’elles sont manifestement dépassées par un problème bien plus sérieux que ce qu’elles veulent bien confesser. Cette prise de conscience associée à reconnaissance même partielle et tardive de l’ampleur de la contamination devrait bien sûr dès lors s’accompagner d’une aide internationale bien plus soutenue que celle, toute symbolique, qui est actuellement constatée sur le terrain.

La décontamination ratée de Fukushima-City, 300.000 habitants


Sources :

CROOKED CLEANUP: Fukushima city not sticking to plan to decontaminate homes, Asahi Daily, 15113

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