Japon 2012 Apres le déluge/160

Tokyo, le 22 octobre:

Le corium de Fukushima 1F1 est-il « pos頻 sur le plancher de la salle du tore ?

9 mois après l’accident, Tepco reconnaissait – enfin – le melt-through de 1F1 (longueur billet : 4/5, niveau technique 2/5)

Dans son rapport intermédiaire sur l’accident de Fukushima-Daiichi daté du 30/11/11, Tepco reconnaissait – après bien des atermoiements – ce que la majorité des observateurs savait depuis longtemps : 100 % du cœur en fusion de l’ex-unité n°. 1 avait bel et bien traversé la cuve réacteur (RPV) et le corium consécutif dégringolé au niveau du radier en béton situé directement sous le cœur, au sein du pedestal (support réacteur).

D’après Tepco, les quantités d’eau se trouvant initialement dans les puits situés au centre du pedestal, l’eau s’écoulant depuis le cœur percé comme un gruyère ainsi que l’effet d’étalement du corium sur le radier (?) auraient été suffisants pour rapidement refroidir le corium et l’empêcher de progresser davantage. (1)

L’opérateur oubliait simplement de signaler que le corium agissait très rapidement une fois arrivé au contact du radier en se réalimentant indéfiniment au contact du béton, comme nous l’avons étudié dans un billet précédent. Un corium, c’est une chose (2), un corium au contact du béton en est une autre !

Les chemins de fuite possible du corium arrivé à ce niveau

Nous estimions initialement qu’une fois arrivé à ce niveau, le corium, enfermé dans la cheminée formée par le pedestal, ne pouvait que progresser vers le bas en s’alimentant du béton qu’il « avalait » rapidement, à une vitesse estimée entre quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres par heure selon les études. C’était le syndrome Chinois, ou plutôt son équivalent Japonais…

Sous le pedestal, le radier atteint son épaisseur maximale : de 7 à 8 m (3), ce qui laisse une certaine marge de progression avant que le corium ne s’enfonce davantage et soit définitivement considéré comme « perdu ».

La fuite de corium latérale

Une autre hypothèse, tout aussi probable au point qu’elle était évoquée depuis longtemps dans un document de la NRC datant de 1986, estimait qu’une fois que le corium était « tomb頻 dans le pedestal, il pouvait facilement s’en échapper par l’intermédiaire des 2 portes d’accès qui permettent au personnel d’intervenir (!) au niveau des barres de contrôle et de l’appareillage de fond de cuve réacteur.

L’intérieur du pedestal et l’une de ses 2 portes légères d’accès

La pression énorme et la température extrêmement élevée du corium n’ont du faire qu’une bouchée de ces 2 portes semblant très légères aussi le corium, une fois arrivé à ce niveau, a fort bien pu progresser latéralement très rapidement pour se répandre sur la totalité ou une partie du radier situé entre le pedestal et les parois très épaisses du confinement.

D’après l’étude de l’ORNL citée plus haut, la totalité du corium (6 à 10 m3 ?) représenterait une épaisseur d’environ 20 cm sur la totalité du radier. Arrivé à ce niveau, il aurait pu soit descendre directement par les évents menant au tore soit grignoter leur base pour emprunter le chemin le menant, via un ou plusieurs des huit évents, vers l’ultime niveau inférieur du bâtiment : la salle du tore.

La salle du tore, ultime et frêle barrière radiologique

Admettons donc que tout ou partie du combustible en fusion soit descendu à ce niveau pour se caser dans un recoin de la salle renfermant l’immense anneau de « suppression » : la mauvaise nouvelle, c’est qu’à ce niveau, l’épaisseur de radier n’est plus que de deux mètres environ…

Le seul paramètre rassurant, si le corium est effectivement parvenu à ce niveau, c’est qu’il rencontré une quantité énorme d’eau (4) sans pulvériser ce qui restait du bâtiment n°. 1 en arrivant à son contact (5) !

Un début de preuve : la radioactivité augmente vers le bas du BR n°. 1

Nos estimés collègues de simplyinfo.org ont procédé à une estimation du niveau de débit de dose au niveau du mur Ouest de la salle de suppression d’après les chiffres communiqués par Tepco au cours de la campagne de mesure effectuée le 26 juin 2012 au niveau de l’anneau de suppression 1F1. Lors de cette mesure, le détecteur utilisé a indiqué une valeur incroyablement élevée vers les niveaux OP +1200 – OP -1200 (6), ce qui a conduit Tepco à déclarer, selon sa méthodologie habituelle, que l’appareil était « endommag頻. Chose curieuse, il ne l’était plus dès qu’il a été extirpé de ce bouillon infernal !

Radioactivité ambiante au niveau du mur Ouest de la salle de la chambre de suppression 1F1 le 26/6/12
Le relevé établi par simplyinfo.org

Un corium fragmenté ?

Il est également envisageable que la masse initiale compacte du corium se soit fragmentée et que les deux chemins différents décrits ci-dessus aient été mutuellement empruntés. Il resterait alors à se questionner sur les inconvénients respectifs des deux branches potentielles dont l’une (le chemin vertical) est épaisse mais rapidement grignotée par un corium en pleine forme (l’eau tendant à s’écouler naturellement par les 8 évents sans stagner dans le pedestal) et l’autre (le circuit « oblique ») amenant le corium dans une zone beaucoup plus fraîche (7) : une épaisseur de 10 m d’eau environ, de OP -1200 à OP + 9000), mais ne comportant que deux petits mètres de béton à grignoter avant de conquérir sa liberté définitive…


(1) La célèbre « flaque » de corium citée par Tepco, une flaquette qui représentait en fait (dans le pedestalune épaisseur estimée à 80 cm pour un volume supérieur à 5 m3 !(2) Initialement, le corium est principalement formé d’un mélange de combustible et du Zirconium des tubages des crayons (UO2-Zr) ; il s’oxyde ensuite au contact de l’eau après le melt-through  pour former du U-Zr-O2 puis change encore de structure une fois parvenu au contact du béton du radier pour s’enrichir de silice et de chaux : U-Zr-Si-Ca et… beaucoup d’O2 et de H2 !

(3) En fait un peu moins car il faut tenir compte des fameux puits creusés dans le radier sous le pedestal et d’éventuelles modifications dans l’épaisseur de la structure du radier que certains observateurs évoquaient peu après l’accident (4m de béton au lieu de 7 ?)

(4) Le tore de suppression contient une estimation d’environ 2000 m3 d’eau

(5) Lors de la catastrophe de Tchernobyl, les ingénieurs Soviétiques, le regretté professeur Vassili Nesterenko en tête, ont craint un moment une gigantesque explosion nucléaire (estimée de 3 à 5 Mt) si le corium arrivait au contact de l’eau située sur sa trajectoire de descente

(6) Plusieurs centaines de millions de Sv/h !

(7) Paradoxe : le corium n’est pas forcément désactivé par l’eau et la fraicheur,loin de là !


Sources :where the melted fuel is, simplyinfo.org, 15/10/12

« Bains de corium en fond de cuve réacteur », IRSN

Thèse de doctorat sur l’ICB, Guillaumé / INPL, 2008

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