L’Isle le 23 août:
Éditorial : dans 20 années, la fin du Japon ?
Lancien secrétaire général du PC de lUnion Soviétique a vécu de manière privilégiée lintégralité des conséquences de laccident de Tchernobyl : depuis le déclenchement de la catastrophe le 26 avril 1986, en passant par lécroulement de lEmpire Soviétique en 1989 et enfin le lent déclin financier, social et identitaire de lensemble des pays touchés par la catastrophe nucléaire. Au fil de létude des conséquences de la catastrophe passée, nous tenterons danalyser à la fin de ce billet une prospective sur les conséquences de laccident Japonais de Fukushima-Daiichi.
20 ans après laccident de Tchernobyl, Michael Gorbatchev a livré un témoignage majeur sur les conséquences à long terme dune catastrophe nucléaire
« Cest Tchernobyl qui a réellement causé lécroulement de lURSS, pas la perestroïka. »
M. Gorbatchev estime que si la catastrophe nucléaire ne sétait pas bêtement (1) produite le 26 avril 1986 en Ukraine (ex-URSS), le mur de Berlin ne se serait peut-être pas écroulé aussi rapidement (2) et les économies des régions frappées par le cataclysme nucléaire seraient probablement en bien meilleur état.
« La rétention dinformation sur laccident était involontaire »
M. Gorbatchev avait initié le déploiement de lopération Glasnost dès 1985 ; il confie que les autorités ont été initialement comme à Fukushima complétement dépassées par les événements et incapables de réagir de manière efficace (3).
Lexemple de lÉtat-major de larmée Russe sous les ordres du Général Berdov sétant installé à Pripyat dans la journée du 26 avril (quelques heures après lexplosion) illustre à ce titre lincompréhension totale de la gravité de la situation par les autorités Russes. En effet, les officiels Russes boivent, mangent et dorment normalement dans la ville soumises à des doses dirradiation colossales (4).
Contrairement aux déclarations de M. Gorbatchev, il semble pourtant évident que lappareil Étatique freinait en coulisse des quatre fers : le Vice-Premier Ministre de lURSS, Boris Chtcherbina, estimait que« Créer un sentiment de panique [lié à une évacuation] pourrait savérer bien plus grave que de se voir exposé à la radioactivité. » (5)
Quelques jours plus tard, le 1er mai, les autorités Russes maintenaient les festivités dans la ville de Kiev, 110 km au Sud de la centrale de Tchernobyl ; les débits de doses y étaient alors de 10 à 100 fois supérieurs aux seuils tolérés pour lexposition du public (6).
Un abysse financier dépassant largement toutes les prévisions
Sur le volet financier, il est généralement estimé que la catastrophe de Tchernobyl aura coûté globalementplusieurs centaines de milliards de dollars (6). Ce chiffre astronomique est plus parlant si on samuse à le comparer aux PIB 2011 des États les plus gravement touchés par la catastrophe :
– Ukraine : 165 Milliards US$
– Biélorussie : 55 Milliards US$ (le pays le plus touché par les retombées nucléaires)
– URSS (en 1989) : 500.000 Milliards US$
– Japon (pour comparaison, en 1989) : 3 Millions de Milliards US$
Source : Perspective, UDS, 2012
PIB 2011 comparés du Japon, de lUkraine et de la Biélorussie (Google)
Même si ce petit tableau indique que si léconomie du Japon était environ 6 fois plus importante que celle de lex-URSS en 1989, les retombées financières de la catastrophe de Fukushima nen seront pas moins extrêmement importantes pour lavenir du pays.
Un bilan sanitaire et humain impossible à définir
Il est impossible à ce jour, 25 années après la catastrophe Ukrainienne, de dresser précisément son bilan sanitaire. Rien que sur le chiffres des décès reliés directement à la catastrophe, les avis divergent trop pour pouvoir être analysés sereinement (8). En fait, 25 années plus tard, les blessures sont toujours ouvertes, les plaies à vif, au sens propre comme au sens figuré et cet état persistera tant que la contamination perturbera la vie normale dans la région affectée, pour quelques centaines dannées au minimum. Nous nosons même pas évoquer les dégâts génétiques qui se transmettront au moins en partie au générations futures
Retour au Japon et sur laccident de Fukushima
Nous estimons aujourdhui que laccident Japonais à disséminé de une à deux fois la quantité de radionucléides que laccident de 1986 a relâché (9). Une bonne partie de ces derniers sest heureusement pour les Japonais, malheureusement pour les pays quelle affecteront au cours de leur voyage dirigée vers lOcéan Pacifique.
Le Japon doit donc sapprêter à affronter les mêmes périls que lex-URSS : péril sanitaire, péril financier, péril didentité, péril politique et sociétal ; il ne pourrait en être autrement, seuls les délais peuvent éventuellement varier mais il ny aurait vraiment aucune raison pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
(1) Laccident a été lenchaînement dune longue suite derreurs et de mauvaises décisions humaines au niveau dun matériel extrêmement peu sûr dont lobjectif était de produire beaucoup de Plutonium militaire et très peu délectricité
(2) Le premier passage dans le mur a été ouvert à Berlin le 9/9/89 soit 1232 jours après Tchernobyl
(3) Les freins à une transparence complète étaient évidemment encore nombreux en 1986 : le ton était imposé par Gorbatchev (la « Déstalinisation » avait en fait été définie par Kroutchev dès le congrès de 1956) mais tous les niveaux hiérarchiques sopposaient encore « naturellement » à cette nouvelle politique vue par de nombreux cadres comme une trahison des idéaux du communisme
(4) Estimation de dose cumulée au 27 avril : environ 50 Rads (0.5 Gray) ; ceci correspond à une exposition approximative de 1 Rem/h (10 mSv/h) à lair libre à Pripyat
(5) Cité par N. Werth dans « lhistoire » n°308 Tchernobyl et la fin de lURSS, avril 2006
(6) Témoignage de Y. Chtcherbak dans « le mensonge de Tchernobyl », publié par dissident-média, 1989
(7) Chiffre évidemment très approximatif et toujours provisoire cité dans le rapport « lhéritage de Tchernobyl » publié par lONU en 2005
(8) De 4000 morts (!) à plus dun million sans prendre réellement en compte limpact des faibles doses, très délicates à identifier et à répertorier
(9) 2 fois plus de combustible endommagé à Fukushima = 2 fois plus de gaz rares (100% de linventaire des 3 réacteurs) ; équivalence de noyaux moyens (30 à 40%) ; 5 à 10% des noyaux lourds en inventaire
Sources :
Turning point at Chernobyl, M. Gorbatchev, project-syndicate, 14/4/2006
