L’Isle le 2 mai:
Les grands travaux de Fukushima
Pas de répit pour les travailleurs de Fukushima. Il faut dune part surveiller et refroidir constamment lex-centrale pour éviter de nouvelles explosions ou incendies et dautre part lancer en urgence de grands travaux qui permettront de ralentir la progression de la contamination radioactive dans lenvironnement. Désormais, lavenir du Japon et du Pacifique, et sans doute de lhémisphère nord en général, dépend non seulement de la réalisation de ces travaux gigantesques, mais aussi de leur efficacité pérenne.
Travaux pour éviter une contamination de lairLes ex-réacteurs, dont il est attesté que deux dentre eux ont perdu lintégrité de leur confinement primaire (unité 2 au niveau de la piscine torique et unité 3 au niveau du couvercle de lenceinte), doivent être couverts par des structures étanches qui empêchent les poussières et les gaz radioactifs de continuer à polluer latmosphère. Pour bien faire, il faudrait aussi installer un système de dépressurisation qui empêcherait toute fuite gazeuse vers lextérieur, couplé à un filtrage conséquent de lair pour piéger les gaz et aérosols nocifs.
Evidemment, une simple bâche posée sur un ex-réacteur ne peut pas supprimer toute pollution atmosphérique. Aujourdhui, pour lunité 1 uniquement, cette couverture sert plutôt à stopper larrivée deau extérieure dans le bâtiment, mais aussi et surtout à cacher le réacteur de Fukushima Daiichi qui est la honte de lindustrie atomique. La diffusion de la vidéo de son explosion le 12 mars 2011 a été historique : cest la première fois quon voyait une centrale nucléaire exploser à la télévision. 25 ans de travail acharné de désinformation et de formatage des cerveaux anéantis en quelques secondes ! En terme dimage, la diffusion de lexplosion de lunité 3 a été pire encore car, beaucoup plus puissante, elle a terni et confirmé à jamais limage du nucléaire sans danger. Cest pourquoi la vidéo de lexplosion de lunité 4 a été interdite de diffusion, verrouillée, censurée.
La couverture du bâtiment réacteur n°1 a été terminée à lautomne 2011. Il reste à couvrir les unités 2, 3 et 4. Mais avant cela, dautres grands travaux restent à réaliser de toute urgence.
Travaux pour éviter une contamination de la nappe phréatique
Par le choix du refroidissement à leau de réacteurs percés, les sous-sols de lancienne centrale sont devenus un tonneau des Danaïdes : les hommes sont désormais condamnés à pomper et traiter de leau radioactive durant des décennies. Et pour juguler une infiltration trop massive de leau extérieure, Tepco a prévu de forer 14 puits de pompage en amont de la centrale, afin de faire baisser le niveau de la nappe phréatique.

Coupe des travaux de drainage (Source image Gen4 et Tepco)
Lancienne centrale électrique dévolue à Tokyo est désormais appelée à devenir une usine de retraitement des eaux usées éternelles de lindustrie nucléaire. Cette usine qui emploiera des milliers de travailleurs durant une durée indéterminée (au minimum 40 ans) devra :
1) pomper leau de la nappe phréatique en amont pour éviter un mélange avec la nappe déjà polluée, vérifier sa non contamination et la rejeter en mer, ou le cas échéant la diriger vers le circuit de retraitement,
2) pomper leau des sous-sols de la centrale, la traiter et la filtrer avant de la réinjecter dans les circuits de refroidissement des ex-réacteurs et des 7 piscines de désactivation,
3) pomper, traiter et filtrer les eaux de drainage de lensemble du site afin quaucune goutte deau radioactive natteigne locéan,
4) conditionner et stocker de manière pérenne les résidus de filtrage radioactifs
Avec le brassage de ces millions de tonnes deau contaminée, le terme de « liquidateur », donné à lorigine aux gens qui se sont sacrifiés pour contenir la catastrophe de Tchernobyl, prend ici un tout autre sens !
Pour linstant, lusine est provisoire, construite dans lurgence de la catastrophe. Il faudra pour le long terme concevoir une usine en dur, protégée du gel et des intempéries, et de capacité suffisante pour traiter leau de tous les systèmes. Il faudra également lui adjoindre des systèmes de secours indépendants qui permettront, quoi quil arrive, de faire face à tout évènement imprévu pouvant remettre en cause le refroidissement des 2400 tonnes de combustible qui sont sur le site.
Travaux pour éviter une contamination de locéan PacifiqueEn septembre 2011, Tepco avait annoncé la construction dun barrage, comme décrit dans cet article. Il est censé retenir leau de la nappe phréatique contaminée afin quelle natteigne pas locéan. Cest un pari risqué car ce barrage est ouvert et des fuites pourront être possibles au sud et au nord de la structure. Dautres voix avaient proposé une enceinte complète, entourant totalement le site nucléaire, afin dêtre sûr de capter toutes les eaux souterraines. Cest sans doute ce à quoi seront conduits les ingénieurs sils constatent que la pollution perdure dans locéan. A limage du premier sarcophage de Tchernobyl, il faut voir la construction de ce barrage comme une première étape dans la prise en charge de cette pollution qui concerne le monde entier puisque les eaux du Pacifique sont internationales.
Tepco a réalisé de nouvelles images de synthèse pour visualiser ce barrage.


(Source Tepco)
Travaux pour éviter un nouvel incendie de la piscine 4
Le 15 mars 2011, après plusieurs explosions, lunité 4 a subi un incendie : les explosions successives ont probablement fait perdre beaucoup deau au réservoir de désactivation. De plus, sans refroidissement, leau sest évaporée petit à petit jusquà laisser à lair le haut des barres de combustible. Cest là que lincendie a pu se déclarer : en labsence de refroidissement, les barres séchauffent rapidement et se consument, répandant leurs produits de fission directement dans l’atmosphère. Lincendie sest arrêté vers midi. Mais un autre incendie a été signalé le lendemain durant quelques heures.
Pour que cela ne puisse plus se produire, par exemple à cause dun nouveau séisme, Tepco a décidé de mettre à labri le combustible de la piscine 4 vers un conditionnement sécurisé au sol. Pour ce faire, il est nécessaire de construire une superstructure qui supportera une grue capable de transférer en toute sécurité les 1535 assemblages.
En voici le projet fourni par Tepco :


(Pour en savoir plus sur ce projet, voir larticle de Trifouillax.)
Autres travaux à prévoir et coûts pharamineux
Comme pour le barrage, il sagit de travaux quil faut réaliser en priorité. Toutefois il est évident que le combustible des unités 1 et 3 devra être également transféré, car rien ne dit que leurs piscines tiendront des décennies. Mais entretemps, il faudra résoudre le problème de la place disponible dans la piscine commune de Fukushima Daiichi car celle-ci contient déjà plus de 1000 tonnes de combustible. Faudra-t-il en construire une supplémentaire ?
Il faut donc relativiser toutes ces stratégies qui pourraient presque nous faire croire que lindustrie nucléaire maîtrise parfaitement une catastrophe. Aujourdhui le Japon est largement contaminé, le mal est déjà fait, et il y aura toujours des fuites, la centrale restera toujours une menace.
Enfin, combien cela va-t-il coûter ?
Est-ce que le prix des conséquences des catastrophes nucléaires sera maintenant compris dans le coût du kW ?
Et qui va payer au final ?
On a déjà des éléments de réponse avec la catastrophe de Tchernobyl (1986) : la construction du deuxième sarcophage vient de démarrer. Coût total prévu pour un seul réacteur : 1,54 milliard d’euros.