Japon 2012 Apres le déluge/102

L’Isle le 18 avril: (gen4.fr)

Fukushima est la preuve que ce qui a très peu de chance de se produire se produit pourtant

Le Japan Times de ce jour donne la parole à un ingénieur indépendant, M. Kenichi Ohmae, qui a reçu en juin 2011 l’autorisation du gouvernement Japonais d’étudier tous les documents portant sur l’accident de Fukushima-Daiichi ; son enquête s’est poursuivie durant 3 mois, de juin à août 2011. M. Ohmae introduit dans son analyse nombre de points intéressants et tire quelques leçons de cet accident. Nous en reprenons quelques-uns ci-dessous en les commentant (en italique).

« Trois des six réacteurs ont subi une fusion de cœur intégrale »

Plus d’une année après l’accident, il est maintenant quasiment acquis que l’ensemble du combustible a fondu dans les unités n°. 1 à 3. La situation du combustible irradié placé en piscine de désactivation est toujours – même à ce jour – mal documenté mais une partie de celui-ci est probablement endommagé.

« Les confinements ont été endommagés »

D’après M. Ohmae, les cuves RPV ont été endommagées très rapidement après le tsunami avant que le combustible fondu (1) ne fore plusieurs trous dans le confinement pour s’échapper dans l’environnement.

« [A la suite de ce dé-confinement] des produits de fission ont été relâchés dans l’environnement »

M. Ohmae semble bien évoquer par ce rapprochement le fait que la radioactivité n’a pas été relâchée « volontairement » suite par exemple à une opération de dégazage du confinement réussie mais s’est échappée de manière involontaire par les brèches provoquées dans le confinement par le corium.

« Il a fallu 3 mois au gouvernement Japonais pour admettre la fusion des cœurs et 6 mois pour reconnaître que les confinements étaient endommagés »

Malgré le fait que la fusion complète des cœurs était avérée d’après la quantité de produits de fission relâchée et la puissance des explosions d’hydrogène, le gouvernement Japonais a essayé de cacher cette information vitale pour un motif inconnu.

« Les générateurs auxiliaires qui étaient placés dans les bâtiments-turbine ont été inondés par le tsunami »

Le seul générateur auxiliaire (groupe électrogène) sur les 13 que comportait le site qui a survécu au tsunami était situé au niveau de l’unité n°. 6 (2) et par chance, il a été assez puissant pour alimenter également l’unité n°. 5, sinon le site se retrouvait probablement avec 2 cœurs fondus supplémentaires…

« Ce n’est pas un tsunami ‘exceptionnel’ qui a provoqué l’accident »

La preuve est évidente : les unités n°. 5 et 6, situées sur le même site, n’ont pas subi d’accident majeur, simplement du fait de leur surélévation.

« Opérer un réacteur nucléaire, c’est savoir l’arrêter à froid dans n’importe quelle condition, même inimaginable »

Et arrêter un réacteur, c’est disposer dans tous les cas de figure d’une source d’énergie électrique et d’une source froide. M. Ohmae estime d’ailleurs un peu plus loin qu’un opérateur ne devrait pas être autorisé à exploiter un réacteur nucléaire s’il s’est avéré qu’il n’ait plus de solution de repli à opposer à une situation donnée.

« Dans le nucléaire, supposer quelque chose, c’est ne pas être prêt »

Tous les réacteurs nucléaires sont exploités d’après le principe qu’un événement aléatoire affiche telle ou telle probabilité de se produire ; ce n’est pas, ce n’est plus satisfaisant, il faut tout prévoir, et surtout l’imprévisible ! La NSC Japonaise a commis une erreur fatale en reprenant ce principe de probabilité accidentelle qui n’était peut-être simplement pas directement applicable au Japon, terre d’événements naturels hors-norme. Le Japon a assumé que 3 générateurs auxiliaires par réacteur et 2 arrivées électriques de sources différentes étaient satisfaisantes mais adopter cette attitude « bornée », ce n’était à l’évidence pas être prêt.

« Cerise sur le gâteau, les réacteurs General Electric nécessitent une tension de 600 Volts que les générateurs de secours étaient incapables de délivrer »

Une fois que les groupes électrogènes mobiles avaient été déposés – après bien des péripéties – sur le site par le gouvernement, leur raccordement sur la salle de contrôle-commande s’est avéré impossible car le constructeur américain General Electric avait prévu que certaines des installations devaient être alimentées par une tension de 600 Volts que les générateurs de secours ne pouvaient évidemment proposer (3). Les générateurs de secours-secours étaient donc inutilisables.

Il aurait suffi de disposer sur le site d’une source de production d’énergie indépendante suffisamment puissante (4) et isolée pour alimenter l’ensemble des installations. Le tout était de prévoir l’imprévisible ce qui allait finalement se produire.

« De nombreux mythes nucléaires sont tombés avec l’accident de Fukushima »

L’accident Japonais est atypique, il s’agit du premier accident majeur ayant provoqué de multiples pertes de confinement (5), la « lave fondue » ayant perforé le bas des confinements avant de relâcher une quantité majeure de rejets radioactifs. Force est de constater que ce type de barrière radiologique, qui était censée éviter précisément une contamination majeure, n’a pas rempli son rôle au niveau des 3 unités de Fukushima-Daiichi. De même, tous les dispositifs de sécurité installés autour des réacteurs ont été inefficaces, la plupart d’entre eux parce qu’ils nécessitaient une alimentation électriqueprérequis que l’on croyait rempli au niveau d’une centrale électrique. (6)

(1) Bizarrement, aucune occurrence du mot « corium » n’a été retrouvée dans l’article composé de 2657 mots
(2) La colline sur laquelle les unités n°. 5 et 6 ont été installées n’a pas été rabotée comme l’a été celle des unités 1-4
(3) Les transformateurs censés délivrer cette tension étaient disposés à proximité des générateurs fixes et donc… inondés par le tsunami
(4) Centrale à flamme auxiliaire, éoliennes, barrage hydroélectrique… Evidemment tout ceci à un coût qui doit, devra grever le prix du Kw/h électronucléaire
(5) L’unité n°. 4 de la centrale Lénine de Tchernobyl ne disposait pas d’un confinement primaire ; à TMI, le confinement avait résisté car la perte de source froide avait été temporaire
(6) Dans le genre nucléo-paradoxal, les « incendies de piscines » valent également leur pesant de cacahuètes non ?

Sources :

Fukushima : Probability Theory is Unsafe, JP Times, 18/4, anglais

Lessons learned from Fukushima-Daiichi, Report & Movie, Kenichi Ohmae, anglais

Technique : le nouveau petit robot de Tepco inspecte le tore de suppression 1F2

 Topy (1) a repris aujourd’hui, à la suite de son prédécesseur Quince II, l’exploration de la partie supérieure de la chambre de suppression de l’unité n°. 2 ; il a effectué une reconnaissance sur la moitié Est de la plate-forme surplombant le tore (2) en inspectant principalement les deux manhole permettant d’accéder à l’intérieur de l’anneau. Le premier est situé au Nord du bâtiment et le second au Sud-Est ; les deux ont apparemment l’air en bon état.


Le manhole (trou d’homme) situé près de l’angle Sud-Est du B/R2

EDIT (1900) D’après NHK, Tepco souhaitait particulièrement observer les manhole car il estimait qu’ils auraient pu être endommagés et susceptibles de provoquer les fuites d’eau radioactive vers le bas du sous-sol de l’unité n°. 2. Raté, la fuite ne vient pas de là. Toujours d’après la NHK, le robot n’aurait pas a priori observé de déformations importantes au niveau de l’anneau de suppression. Notons cependant qu’il n’a observé le tore que depuis la plate-forme supérieure, la partie inférieure de l’étage B1F2 étant inondée. (Source : NHK, 18/4, anglais)

D’autres clichés de la chambre de suppression seront probablement publiés un peu plus tard par Tepco, ils seront ajoutés sous les premiers.

(1) Le nouveau petit robot d’exploration de la marque éponyme ; je ne joins pas de photo car franchement, il ressemble plus à une tondeuse à gazon ou à un robot de piscine qu’à un robot hi-tech 😉
(2) Située au niveau B1F (Sous-sol) du BR2

Sources :

Photos, Tepco, 18/4, anglais

Document d’appoint, Tepco, 18/4, anglais



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