L’Isle le 11 avril: Parmi les articles du site « gens.fr », la demande d’Osaka sur l’arrêt des sites nucléaire exploités par Kepco, l’augmentation de température sur l’ex réacteur n°1 de Fukushima, les regrets de Murayama, et autres entre le 06 et le 10 avril, à lire ci-dessous …
10/04/2012
Alors que le gouvernement Japonais fait l’impossible pour redémarrer la centrale d’Ohi avant que le dernier réacteur Nippon encore en production ne s’arrête le 5 mai, le gouverneur et le maire d’Osaka (1) sont parvenus officiellement à un accord réclamant à l’opérateur du site, Kansai Electric Power Co., de démanteler l’ensemble de ses installations de production électronucléaire (2). Une motion sera en conséquence proposée au cours de l’assemblée générale ordinaire qui se tiendra à la fin du mois de juin.
La ville d’Osaka se trouve être l’actionnaire principal de Kepco
Une motion qui recueillera probablement l’approbation de l’AG
Du fait d’un actionnariat de l’entreprise assez fragmenté, il est probable que la motion présentée par la ville d’Osaka obtienne la majorité des votes lors de la prochaine assemblée générale ; le premier actionnaire de l’entreprise n’est en effet autre que… la municipalité d’Osaka avec près de 9% des titres alors que les autres actionnaires institutionnels, y compris le personnel employé par l’opérateur, ne détiennent que moins de 20% des droits de vote. L’orientation finale du vote dépendra finalement principalement de l’attitude des actionnaires individuels (près de 38% des actions) ; s’ils résident dans la préfecture d’Osaka ou dans une des villes ou régions opposées au redémarrage de la centrale (3) il est difficile de croire qu’ils ne suivront pas l’avis de leurs représentants locaux ; sécurité contre bénéfices, le choix semble clair, tout au moins pour les actionnaires « locaux ».
Les actionnaires individuels représentent 38% des droits de vote de Kepco
Une seconde chance
Dans l’éventualité où le gouvernement Japonais entende passer outre l’avis négatif des autorités locales d’Osaka et décide unilatéralement de relancer la production électronucléaire sur les tranches n°. 3 et 4 du site d’Ohi, les autorités nationales pourraient être confrontées à une décision actionnariale d’ordre privée dans laquelle il n’ont nullement à intervenir. Même si l’avis des autorités locales n’est que consultatif dans le domaine public, on voit mal comment le gouvernement Japonais pourrait étendre sa main jusqu’à s’opposer à une éventuelle décision souveraine d’une assemblée décisionnelle privée, à moins de nationaliser l’entreprise, créée en 1951 dans le cadre du programme « Mac Arthur ».
Lépouvantail d’improbables délestages
La part électronucléaire dans la production totale de l’opérateur variait habituellement avant l’accident de Fukushima de 45 à 65% (4). Or, aucune « coupure » ne s’est produite à ce jour chez les abonnés de Kepco lors de la période hivernale. Depuis quelques semaines déjà, la part du nucléaire est en effet tombée à zéro et… toujours aucun délestage. Lors de la période chaude, la demande s’accroîtra probablement un peu mais les projections permettent d’estimer qu’un « effort » civique minime de la part des Japonais (5) sera largement suffisant pour affronter des pics de consommation principalement induits par le fonctionnement d’installations de climatisation… pas vraiment vitales.
La répartition énergétique de Kepco début 2012
(1) Ville d’Osaka : 2.6 millions d’habitants et troisième ville du Japon ; Préfecture d’Osaka : 9 millions d’habitants
(2) Kepco exploite 11 réacteurs regroupés sur 3 sites : Mihama (3 REP, 1600 MWe), Ohi (4 REP, 4800 MWe) et Takahama (4 REP, 3300 MWe)
(3) Les villes d’Osaka, de Kobe et de Kyoto ainsi que les préfectures d’Osaka, de Kyoto et de Shiga
(4) Une des caractéristiques de l’énergie nucléaire étant d’être une source assez peu fiable
(5) Une réduction d’environ 15% de la consommation en été est suffisante pour éviter toute coupure inopinée (source : snakeoil)
Source : jijipress, 10/4, anglais
09/04/2012
Fukushima : la température de l’ex-réacteur n°. 1 a augmenté de 6° lors du coup de la panne d’azote du 4 avril
Pourquoi Tepco doit-il injecter de l’azote, au fait ?
Le Diazote, d’après l’opérateur, est uniquement injecté dans les confinements afin de limiter tout concentration de gaz hydrogène pouvant induire une atmosphère explosive au sein des différents bâtiments-réacteurs endommagés à Fukushima-Daiichi. Ce gaz n’agit pas réellement en éliminant l’hydrogène (très inflammable et explosif) du confinement mais plutôt en assimilant l’oxygène, le comburant sans lequel toute explosion – future – devient impossible (sauf panne prolongée dudit système).
Vous avez dit : de l’hydrogène dans le confinement ? D’où proviendrait-il ?
Il est évident que Tepco sait depuis longtemps que du gaz hydrogène est produit au niveau des confinements des différentes unités ayant vu leur combustible fondre dans les premiers jours de l’accident ; l’opérateur a en effet toujours déclaré que la probabilité d’une nouvelle explosion était « faible », ce qui valide implicitement la création continue ou récurrente d’hydrogène. Or, cet hydrogène peut être produit de deux manières :
1) Hypothèse Métal-Vapeur : une oxydation des enveloppes des alliages de Zirconium entourant les barres de combustible au contact de l’eau injectée et des très hautes températures engendrées par la fusion du cur. Le dégagement d’hydrogène est estimé à environ 0.5 m3 par kg de Zirconium détérioré (wiki) ; un cur de réacteur à eau bouillante contient environ 100 tonnes de combustible qui sont elles-mêmes isolées par plus d’une quarantaine de tonnes de Zircaloy, cette « réserve » d’hydrogène peut être estimée à 20.000 m3 par unité de production.
Des tubes de Zirconium Alloy (Zircaloy, AREVA)
2) Hypothèse Corium-Béton ou ICB : action du combustible fondu (corium) échappé du réacteur (cuve RPV) agissant sur la couche de plusieurs mètres de béton formant le socle du confinement primaire.
Dans les deux cas, une réaction est toujours à la base de la création de gaz hydrogène ; il peut soit s’agir d’un phénomène de fission spontanée plus ou moins continue ou encore d’une reprise d’activité partielle du corium qui doit commencer à se voir refroidi malgré sa réserve considérable d’énergie ou plus probablement d’un mélange des deux. La température du point où se produit la réaction combinée augmente ainsi fortement ce qui se traduit par une reprise de l’interaction Corium-Béton dès 1100° C environ ou fait éventuellement refondre, en quelque sorte, les alliages de Zircaloy qui s’étaient provisoirement re-solidifiés (1).
Interaction Corium-Béton (Guillaumé, 2008)
La confirmation que l’injection d’azote est toujours indispensable une année après l’accident initial
Tepco a révélé le 7 avril que lors de la deuxième panne du système d’injection d’azote, le 4 avril 2012, la température moyenne constatée dans le réacteur n°. 1 avait augmentée de 6,5° sur une durée de 90 minutes. Un calcul grossièrement linéaire permet ainsi d’estimer qu’une nouvelle panne d’injection d’azote pourrait voir la température de l’unité repasser en quelques heures le seuil des 80°C, limite à laquelle le gouvernement Japonais a fixé les « conditions » d’arrêt à froid le 16 décembre 2011. Les pannes d’azote ne sont donc pas si anodines qu’elles pouvaient le sembler à l’origine et l’on sentait bien que le problème commençait à agacer à la fois l’opérateur et l’autorité de contrôle Japonaise.
La valse des dispositifs d’injection d’azote
Dans notre précédent billet, nous avions indiqué par erreur que Tepco avait simplement relancé le dispositif annexe d’injection d’azote le 7/4 ; en fait la situation est un peu plus compliquée : l’opérateur aurait en fait rebasculé l’injection sur le premier système lors de la troisième panne, alors qu’il avait basculé sur le second lors de la deuxième ; enfin personne n’y comprend plus grand chose et l’on peut même se demander si Tepco ne tourne pas les robinets d’injection un peu au hasard, ce qui n’est jamais très rassurant d’un point de vue strictement scientifique !
Le Dr Cyclop réglant « finement » un injecteur
de Nitrogène expérimental (d.r. Paramount, 1940)
(1) Le point de fusion du Zircaloy est d’environ 1300° C
Sources :
fukushima-diary, 8/4, anglais
Vidéo de la conférence de presse du 7/4, Tepco / IWJ, japonais
Le Corium, fukushima-blog, août 2011
Le Japon utilise de l’azote pour éviter une explosion à Fukushima, Le Monde.fr, 7/4/11
Le problème du corium à Fukushima, AREVA, 5/4/11
Corium, wiki, anglais
Insanity of Zirconium within NPP, Grossman, 16/3/11, anglais
Zirconium demand rise by Nuclear Power, agmetalminer, 2009
Modélisation ICB, Guillaumé, Thèse INPL, 2008
Fiche de l’hydrogène, INERIS, 2001
08/04/2012
L’ancien premier Socialiste Murayama regrette amèrement de ne pas avoir stoppé le nucléaire Japonais à son arrivée au pouvoir en 1994
M. Tomichi Murayama est le premier Premier issu du SDPJ / JSP (Parti Socialiste Japonais) a avoir assumé la direction du Japon du 30 juin 1994 au 11 janvier 1996. Le PSJ avait alors opéré un retournement de chemise nucléaire en quelque sorte, car avant son arrivée au pouvoir ce parti était tout à fait opposé à un quelconque usage de l’énergie de l’atome. Disposant d’une courte majorité, M. Murayama avait pourtant validé la poursuite du programme nucléaire Japonais en échange d’une certaine marge de manuvre au sein de la fragile coalition « contre nature » PDJ / LDP / NPS qui l’avait désigné à sa tête.
M. Murayama, âgé de 88 ans, s’est retiré de la vie politique en 2000. Pour des raisons historiques, le Parti Socialiste Japonais (1) s’était toujours opposé fermement à toute utilisation de l’atome, qu’elle soit civile ou militaire. A partie du congrès de 1990 puis plus sensiblement en 1996, à la suite de la refondation du mouvement en Parti Social-Démocrate Japonais (2), un certain nombre de principes évoluèrent, dont celui de l’acceptation de l’utilisation civile de l’atome et d’autres technologies dans des buts d’évolution de la société Japonaise.
« C’était un décision imprudente et qui s’est avérée être une erreur ; je tiens à m’en excuser aujourd’hui »
S’exprimant lors d’une réunion dopposition au redémarrage de la centrale d’Ohi qui s’est tenue à Oita le 8 avril, M. Murayama a tenu à s’excuser publiquement d’avoir autorisé à son arrivée au pouvoir la poursuite de l’exploitation des centrales nucléaires Japonaises. Notons en passant que la tranche n°. 6 de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa (1/96) ainsi que la tranche n°. 2 d’Onagawa (12/94) ont été raccordées au réseau Japonais lors du gouvernement Murayama ; il s’agissait en fait apparemment non seulement de valider la poursuite de l’exploitation du parc existant mais également de ne pas s’opposer à la mise en service de nouvelles installations, ce qui sur le plan symbolique est bien différent.
A l’évidence, avec pas loin de 20 années de recul, il est facile de comprendre la réaction de M. Murayama qui aurait peut-être, avec un peu de volonté et de fermeté, pu faire quelque chose afin de freiner le développement de ce qui s’avère aujourd’hui être une situation actuelle navrante dans son pays. Puisse la leçon être entendue par ceux qui ont adopté relativement récemment la même attitude en France (3) et qui s’apprêtent – peut-être – à prendre très bientôt les rênes du pays. Si un accident majeur se produit en France lors de leur mandat éventuel (4), les responsables socialistes français n’auront pas même l’excuse de l’ignorance d’un précédent ni de ne pas avoir été avertis à plusieurs reprises des lourds dangers représentés par cette industrie pour des bénéfices somme toutes modestes.
(1) Troisième force politique du pays dans les années 1990, une dizaine de représentants aujourd’hui
(2) Virage Social-Démocrate et abandon du référentiel Marxiste
(3) Nous pensons bien sûr à la suite qui sera donnée à l’accord PS / EELV en cas de victoire électorale : même avant le 1er tour, les belles promesses « écologiques » partent en lambeaux !
(4) Hélas statistiquement de plus en plus probable si la production électronucléaire française, deuxième mondiale après les USA et avant… le Japon ne diminue pas drastiquement
Sources :
kyodo news, 8/4, anglais
wiki anglais et français pour l’histoire du PSJ et le gouvernement Murayama
Liste des réacteurs Japonais, wiki
07/04/2012
Alerte Fukushima : le système d’injection d’azote de nouveau en panne
Le système qui injecte dans les 3 unités endommagées de Fukushima-Daiichi du gaz nitrogène semble être de nouveau arrêté depuis quelques heures. Tepco signale ne pas avoir d’idée sur la cause de cette nouvelle panne, la troisième survenue en un mois. Le système d’injection actuel utilise un matériel auxiliaire, le système principal (1) étant lui-même tombé en panne le 12 mars.
EDIT (1800Z) Tepco signale que l’injection d’azote a repris vers 1800 heure de Tokyo. La panne aura duré environ 1h15. L’opérateur indique qu’il ne connaît pas à l’heure actuelle la raison de ces arrêts récurrents.
(1) Qui est déjà lui-même un système « de secours », ne l’oublions pas
Le système d’injection d’azote « de secours primaire » (Tepco)
Tombé en panne le 12 mars 2012 et remplacé par un « secours auxiliaire »
Lui-même tombé en panne les 5 et 7 avril
Source : Tepco, 7/4, anglais
NB : il semble que les informations soient mises à jour pratiquement en temps réel sur la page d’information de Tepco, peut-être jusqu’à un certain niveau de gravité, toutefois. Bigre, une info transparente et rapide provenant d’un opérateur, pincez-moi, je dois rêver !
Le Japon définit dans l’urgence de nouvelles régles de sécurité nucléaires dans le but de valider localement le redémarrage des réacteurs
Le bras de fer se poursuit entre le gouvernement Japonais très enclin à relancer au plus vite la production électronucléaire au Japon et les autorités locales qui refusent de voir « leur » municipalité être la première à ré-affronter le risque nucléaire dans un pays toujours aussi secoué par des séismes récurrents.
Un rush du gouvernement avant un arrêt hautement symbolique
Sur le plan symbolique, si le dernier réacteur nucléaire encore en service au Japon s’arrête comme prévu le 5 mai (1), le Japon deviendra de fait « nuclear-free » pour une période plus ou moins longue ; M. Noda et son équipe veulent absolument éviter cette possibilité qui démontrerait que le Japon s’en sort très bien, sans délestages, sans programmes contraignants, tout en renforçant la compétitivité du pays en important des énergies fossiles pour alimenter les centrales à flamme (2).
Quelques-unes des nouvelles mesures de sécurité en détail :
1) L’installation de filtres à particules sur les évents de dégazage
En cas d’accident sévère, l’opérateur est presque toujours amené à dégazer le confinement afin de limiter la pression qui tend à augmenter dans le réacteur. Jusqu’ici, le Japon – contrairement à d’autres pays (3) – n’envisageait pas cette possibilité de filtration et expédiait directement dans le cheminées les gaz nobles et les particules hautement radioactives relâchées du circuit primaire dans la nature.
2) L’installation de recombineurs d’hydrogène
On retrouve également sur les unités de production françaises depuis 2007 un dispositif permettant de réduire la concentration en gaz hydrogène induite par la fusion du cur. Il s’agit d’un système totalement passif, donc en service par défaut et quelles que soient les circonstances, qui catalyse l’hydrogène surnuméraire en vapeur d’eau. Ce système n’a jamais fait ses preuves lors d’un accident sévère – tant mieux – mais on peut supposer qu’il permet de limiter mais peut-être pas d’éviter la concentration critique d’hydrogène dans le confinement.
Un recombineur d’hydrogène sur un réacteur français
13 nouvelles « règles de sécurité » décidées mais aucun calendrier de réalisation des travaux
Les installations existantes devront être modifiées, parfois profondément, pour appliquer ces nouvelles mesures ; tout ceci ne se fera pas du jour au lendemain mais il est regrettable qu’aucun calendrier de réalisation n’ait été défini. Il semble en conséquence qu’il s’agisse encore une fois d’une annonce plus politique que technique, comme le gouvernement Japonais en a le secret.
Les autorités locales pas franchement convaincues par ce marchandage de dernière minute
Le Gouverneur de la province de Shiga et le maire de la ville d’Osaka se disent toujours opposés au redémarrage précipité des unités n°. 2 et 3 de la centrale d’Ohi et ne comprennent pas pourquoi ces mesures ont été placées sur le tapis de manière aussi tardive. M. Hashimoto, maire d’Osaka, avait déclaré le 3 avril qu’il préférait courir un risque de coupure de courant à celui d’un nouveau Fukushima. Comme on le comprend…
M. Edano, ministre de l’Industrie, présente les nouvelles mesures à la presse le 6 avril (Satoru Semba)
(1) Le réacteur n°. 3 de la centrale de Tomari sera finalement placé en arrêt à froid le 5 mai au lieu du 27 avril
(2) Acheter du pétrole et du gaz payé en dollar, c’est vendre du Yen et ainsi « affaiblir » la monnaie nationale
(3) La « voie collectée« , ventilation / filtration avant la perte de confinement ; après la « ruine » de ce dernier la radioactivité s’échappe d’un peu partout et devient « non-collectée »
Sources :
New Safety Standards set ahead of Restarting Reactors, Huffington Post, 6/4
le vrai Besancenot et le faux Sarko, france-info, 7/4
Tamori reactor will be halted on may, 5 – yomiuri, 26/3, anglais
Procédure « CODIRPA », IRSN, 2007
La ruine du confinement, IRSN
06/04/2012
La stratégie évoluée des mesures de contamination par les agences nucléaires gouvernementales (1/9)
Nous vous avions promis de nous étendre un peu sur les artifices utilisés par les agences nucléaires nationales afin de « modérer » autant que faire se peut les études de contamination accidentelles (1). Nous vous présentons ci-dessous un condensé des idées exprimées dans ce domaine par Paul Zimmerman, auteur de plusieurs ouvrages sur les accidents nucléaires (2). M. Zimmerman évoque les « neuf stratagèmes » qui permettent aux agences gouvernementales de faire croire que les contaminations résultant des accidents nucléaires – et, en passant, de l’usage des armes à l’Uranium-238 – sont généralement inoffensives.
Stratagème n°. 1 : valoriser les effets de la dilution
La dose de radioactivité absorbée que l’on simplifie fréquemment en « dose » est l’énergie déposée par unité de masse (3) ; fort logiquement, en augmentant la masse (le volume du support de la radioactivité) et à énergie constante, la dose doit théoriquement diminuer par le phénomène de dilution. Si un accident disperse un terme-source (4) donné, la concentration ou dose de radioactivité moyenne sera bien différente si les rejets s’effectuent dans un verre à dents ou dans l’océan Pacifique, comme lors de l’accident de Fukushima. Seule la dose fait le poison, disait Paracelse au XVIème siècle.
Seulement voilà : Si le principe énoncé par Paracelse est valide dans un espace fini raisonnable (animal, homme), il devient inapplicable dès qu’on tend à l’utiliser sur une échelle de masse infinie (au fait, combien de m3 dans l’océan Pacifique ?) La dilution n’est ainsi pas la solution à la pollution, elle est juste une manière pratique de se débarrasser du problème en s’appuyant sur des lois forcément imparfaites ; si l’homme n’avait pas défini de seuils de sécurité absolument arbitraires, s’il avait défini une fois pour toutes que le principe de base c’était de ne relâcher « aucune » radioactivité dans la nature, personne ne serait plus tenté de contourner une barrière morale par une barrière scientifique. Mais les « installations » nucléaires n’existeraient peut-être plus dans ces conditions radio-sanitaires idéales…
En y regardant bien, la dilution n’est en fait qu’un principe hypocrite qui élargit la portée initiale de la contamination : si le Japon n’avait pas ainsi généreusement dispersé – parfois volontairement – une bonne moitié de ses rejets radioactifs dans l’océan Pacifique, le pays se retrouverait aujourd’hui dans une situation probablement bien pire (voir l’exemple Japonais présenté ci-dessous).
Dans les années 1940, un scientifique de l’ORNL (5) avait ainsi proposé de relâcher l’ensemble des déchets collectés lors de la fabrication des premières armes nucléaires américaines dans la rivière toute proche en assurant que « la dilution » ferait le reste. Eurêka ! Relâcher sans diluer, c’était « mal », relâcher la même dose en diluant, c’était « bien ». Depuis, la « technique » a été améliorée : chaque entité utilisant du matériel radioactif, chaque centrale, chaque centre de traitement ou de retraitement de combustibles, chaque site de prospection de minerai d’uranium, chaque service de médecine nucléaire sera autorisé à relâcher un quota « d’effluents » gazeux ou liquides dans la nature (6), quota qui se trouvera démultiplié d’autant en appliquant l’artifice de la dilution.
Exemple Français : les rejets autorisés dans un Centre Nucléaire de Production dÉlectricité (centrale nucléaire) sont fixés à :
– Limite annuelle réglementaire de rejets « bruts » : 0.55 GBq (hors tritium) ; 185000 GBq (185 mille milliards de Becquerels !) pour le tritium, considéré comme très faiblement radio-toxique
– Activité volumique ajoutée après dilution dans les eaux du Rhône : 0.0007 GBq et 92.5 GBq pour le tritium par litre d’eau et par jour soit des limites ponctuelles beaucoup plus élevées !
Après cette constatation, nous pourrions maintenant raisonner par l’absurde : si une centrale nucléaire n’avait pas d’accès à une source d’eau froide, que ferait-elle de tous ces stocks de Tritium ? Que l’on pourrait retourner en : par le plus grand des hasards, une centrale disposant de tours aéroréfrigérantes (TAR) (7) doit-elle impérativement disposer d’une source froide importante, non pour des raisons techniques incontournables mais principalement pour « diluer » ses effluents liquides de manière réglementaire ? Le circuit de refroidissement tertiaire réalisé au seul sein des tours aéroréfrigérantes tournant elles-mêmes en circuit quasi-fermé n’est-il techniquement pas loin d’être auto-suffisant ? Si la réponse est « oui », pourquoi alors disposer d’une source d’eau froide conséquente (8) à proximité immédiate d’une centrale pratiquement thermo-suffisante si ce n’est pour « diluer » les rejets liquides habituels voire même en prévision d’éventuels rejets accidentels ?
Exemple Japonais : en avril 2011, lors de la première « phase critique » de la crise nucléaire, Tepco avait relâché directement dans l’océan durant une semaine entière une eau « faiblement contaminée » autrement dit des doses élevées de radioactivité diluées dans de grandes quantités d’eau. Si Tepco avait relâché l’intégralité du même inventaire radioactif en une heure (9), cela aurait alors été critiquable ; il a donc « dilué » l’inventaire en relâchant la même dose au « compte-gouttes » (une semaine) et tout allait pour le mieux dans le meilleurs des mondes nucléaires.
Exemple Français : au moment de la phase aiguë de l’accident de Fukushima, S. Huet de Libé écrivait le 14 mars : « L’eau qui passe dans le réacteur numéro 1 à trente tonnes par heure est nécessairement rejetée dans l’océan. Elle est porteuse d’une radioactivité, mais d’une part, il n’y a pas le choix, et d’autre part, cette radioactivité est encore limitée, enfin elle va très vite se diluer dans l’océan Pacifique. En résumé, c’est sale mais c’est obligatoire et pas si grave que cela. » (les engraissements sont ajoutés par gen4).
(1) Dont une certaine partie de l’idéologie est reprise en cur par nombre de nucléocrates, généralement professionnels
(2) Primer in the Art of Deception: The Cult of Nuclearists, Uranium Weapons and Fraudulent Science, 2008, anglais
(3) 1 Gray = 1 Joule par Kilogramme
(4) Ensemble des rejets radioactifs consécutifs à un dégagement radioactif ponctuel ou habituel
(5) Oak Ridge National Laboratory, l’une des labos nucléaires (et atomiques) officiels des USA
(6) L’atmosphère pour les gaz rares et les iodes, l’eau pour le Tritium, les Césiums…
(7) Les énormes « cheminées » équipant certains sites nucléaires français et américains
(8) Rivière, canal, fleuve, mer océan… voire un lac artificiel de 22 km2 dans le cas de Tchernobyl, non équipé de TAR il est vrai…
(9) Ils ont de sacrées bonnes pompes, dans les centrales nucléaires ; ça vous vide du 200.000 m3 par heure ça, ma bonne dame !
Source :
« Betrayal of Mankind by Radiation Protection Agencies » Series, Paul Zimmerman, 2010