Japon 2012 – Après le déluge/57

L’Isle le 25 février:    Sur les lèvres des japonais bien avant la double catastrophe du 11 mars 2011, le « Big One  » est aujourd’hui un sujet repris par la presse.

Le « Big One » de Tokyo serait pour bientôt

24/02/2012 | Claude Lely et Zhu Li (Aujourd’hui le Japon).

A quelques jours de l’anniversaire de la catastrophe du 11 mars, la crainte d’un séisme qui secouerait la capitale se fait de plus en plus ressentir. La presse japonaise nourrit les inquiétudes, en interprétant des études et en se référant à l’Histoire.

« Séisme imminent sur Tokyo ». Pas de place pour la nuance entre les gros caractères de la une du Shukai Gendai. Et l’hebdomadaire n’est pas le seul à prédire la catastrophe.

Depuis quelques semaines, magazines et tabloïds se font prophètes et conseillent à leur lecteurs de « se résigner » : un tremblement de terre majeur, de magnitude 8 ou 9, va s’abattre sur la capitale japonaise.

A la base de ces affirmations un petit peu de science et une pincée d’Histoire, racontées à gros traits par des journaux dont la rubrique sismique pourrait occuper plusieurs pages. L’approche de l’anniversaire de la catastrophe du 11 mars réveille les traumatismes des Japonais, la presse en profite pour vendre du papier.

Dans tous les articles prédisant le « Big One », on retrouve une même affirmation, désormais très répandue dans le pays : les séismes majeurs arrivent par paires.

Et ces couples de catastrophes ne seraient séparés « que d’un court laps de temps », lit-on un peu partout. C’est le même exemple qui revient fréquemment : les grands séismes de l’ère Ansei (1854 – 1860), durant laquelle le Japon avait été secoué plusieurs fois.

La presse s’enflamme

La peur d’un séisme majeur sur Tokyo n’est pas neuve. Non loin de la capitale, les géologues scrutent la faille de Tokai, qui traverse la Baie de Suruga sur 130 kilomètres, et notent qu’un jour ou l’autre la poussée de la plaque des Philippines sur la plaque Eurasienne finira bien par y relâcher une grande quantité d’énérgie.

Là encore, l’Histoire a son importance : il n’y a pas eu de séisme de magnitude 8 dans cette zone depuis 1854 , mais une multitude de « petits » séismes : Ibaraki en 1895 et192, Tokyo en 1894, Chiba en 1987 ou en baie de Tokyo en 1922.

Fin janvier, c’est une étude de l’université de Tokyo qui lance le mouvement de panique : la probabilité d’un séisme majeur dans les 4 prochaines années s’élèverait à 70%. Un séisme de magnitude supérieure à 7 pourrait d’après eux toucher le sud de de la capitale d’ici 2016.

L’information se répand partout dans la presse, qui joue aux enchères sur les dégâts que pourrait causer la catastrophe.

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Pour éviter un nouveau séisme, il faut s’en prendre à son responsable : les poisons-chats géants qui remuent trop dans les profondeurs marines. Ce namazu-e montre des habitants d’Edo (future Tokyo) punissant le responsable de la catastrophe de 1855.

Les articles escamotent des scénarios possibles, avec comme question centrale la localisation de l’épicentre du futur séisme. Ce que tout le monde craint, c’est un « shuto chokka-gata », un séisme de magnitude supérieure à 8 directement en dessous de la capitale, ou du moins dans la zone alentour comprenant la baie de Tokyo, la préfecture d’Ibaraki et celle de Chiba, explique le Sunday Mainichi.

A chaque scénario son nombre de victimes. Un séisme « relativement puissant », entre 6.8 et 7.2 sur l’échelle de Richter qui éclaterait aux environs de la baie de Tokyo pourrait tuer entre 10 000 et 12 000 habitants de la capitale, suivant sa profondeur, et l’optimisme des journalistes.

Côté dégâts matériels, les estimations sont plus partagées. Tokyo pourrait être amputée de 680 000 immeubles, 860 000 d’après d’autres estimations, dans l’hypothèse des scénarios les plus dramatiques.

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Les prévisions de dégâts sont difficiles au vu de la densité du tissu urbain

C’est surtout sur l’après-séisme que les prédictions des différents journaux se distinguent. Le Shukan Bunshun annonce 55 jours de coupure de courant pour près de 2 millions de personnes.

Les conduits d’eau seraient aussi lourdement endommagées, à 70%, précise l’hebdomadaire. L’économiste Yuji Nemmoto précise au magazine que le seul coût des réparations du réseau hydraulique tokyoïte pourrait atteindre des dizaines de fois celui des dommages de Tohoku.

Le Daily Yomiuri s’attend quant à lui à ce que 1,3 millions de Tokyoïotes se retrouvent sans domicile. Le gouvernement local a expliqué que les abris prévus pour les recueillir ne pourraient accueillir que 270 000 personnes, bien loin de ce que certains scénarios ne laissent présager.

Alarmisme constructif ?

Faut-il commencer à rassembler son kit de survie ? Pour Keiichi Katsura, un ancien professeur de l’université de Rissho, le catastrophisme de la presse est motivé par des questions financières. « Depuis que le nombre de lecteurs est en déclin, les journalistes veulent publier des chiffres qui retiennent l’attention », explique-t-il au Japan Times. Il ajoute que « les télévisions et magazines amplifient les informations » en se citant les uns les autres.

Certains experts estiment que la situation est bien moins alarmante que ce qu’affirment les journaux. Les chiffres publiés par la presse proviennent de « groupes de chercheurs individuels » et non de « rapports officiels » explique Shinichi Sakai.

Le scientifique précise qu’ « il y’a moins d’activité sismique qu’avant le désastre du 11 mars » ajoutant que « le risque qu’un tremblement de terre de magnitude 7 frappe Tokyo a diminué » du fait du séisme de l’année dernière.

Si la période des quatre ans lui semble exagérée, il note tout de même que la probabilité d’un séisme fort dans les 10 prochaines années n’est pas négligeable.

Le gouvernement observe de haut ces débats médiatiques mais se prépare à affronter le prochain caprice de la nature. Depuis le 11 mars, Tokyo a plus que jamais conscience de sa fragilité et envisage de multiplier « ses bases de défense » pour assurer la sécurité de ses administrations.

Si les chiffres officiels de la préfecture ne sont pas aussi alarmistes que ceux étalées dans la presse, ils n’écartent pas le danger. Des études collégiales et publiques admettent une probabilité de séisme majeur de 70% d’ici trente ans aux abords de la capitale.

Le gouvernement a commandé de nouvelles études à ses services scientifiques pour prévoir l’arrivée du « Big One » et s’y préparer au mieux. Les annonces diverses de la presse ne sont donc pas inutiles et relaient les inquiétudes de spécialistes.

Tokyo doit améliorer ses capacités de refuges, la cartographie et la qualité de son réseau hydraulique et de façon générale ses instruments de prévention et de communication.

Le Ministère des sciences et la technologie a annoncé que de nouvelles études officielles seraient rendu publiques prochainement. La presse du pays a déjà titrée sur ces futurs « révélations » catastrophe.



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Une réponse à Japon 2012 – Après le déluge/57

  1. Christine dit :

    Oups !… mais bon… tu vas bien « nous arranger » ça !!!

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